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17/01/2013

Préambule

Préambule

0.jpg- Bonjour. "Vengeance au futur antérieur", titre assez bizarre. Non ? Le temps a-t-il une telle importance dans votre histoire ? Le premier chapitre ne reflète pas une hypothèse future à propos d'un événement déjà passé ?

- (Rires) Je vois que vous avez revu votre conjugaison française et ce qu'est le futur antérieur. Pourtant, c'est exactement cela. Si mon roman est une pure fiction dans le futur, avec des personnages fictifs, ce qui va se passer dans mon histoire pourrait être une suite logique à une extrapolation faite dans le passé et qui n'a pas porté ses fruits dans le cadre de la recherche scientifique. Mon histoire se greffe dans l'actualité comme intermédiaire pour lui donner plus d'impact et aussi parce que la situation actuelle est propice à des déviances. Comme l'écrivait récemment Bernard Weber dans l'avertissement de son nouveau roman "Troisième humanité", "cette histoire se déroule dans un temps relatif et non absolu. Elle se passerait dix ans, jour pour jour, après l'instant où vous ouvrirez ce roman et commencerez à lire" écrit-il.

- L'actualité ne serait qu'un atout, une facilité pour le lecteur et un jeu de relativité pour vous ?

- Exactement. Vous avez raison. De la perception du temps, j'en avais déjà parlé. Le temps est une variable assez bizarre. Actuellement sortent des documentaires sur la "Magie du Cosmos" qui vous en boucherait plus qu'un coin. Dans cette histoire, Nous nous trouvons, ici, dans le secteur de la pharmacie mais cela pourrait se produire dans n'importe quelle activité humaine qui a une influence au niveau mondial. Bernard Weber, pour en revenir à lui, continuait son livre en se posant des questions plus philosophiques. "Il a un projet à céder à quelques personnes imaginatives et pas trop craintives, mais il s'inquiète.  Même nombreuses, elles pourraient être maladroites avec une capacité de nuisance sans même s'en rendre compte. D'où la question : Les humains peuvent-ils évoluer ?". Cette question cruciale vient à l'esprit dans cette période charnière qui est la nôtre. Un projet du passé installe des obligations dans le futur. Or, il s'avère que l'on arrive vite à constater une incapacité d'atteindre les objectifs fixés. Ce qui peut tourner au drame dans le présent.

- Vous nous baladez dans le temps, en quelques sortes ? Vous faites de l'anticipation, de la prospection ?

- Pas vraiment. De l'anticipation imaginative, peut-être. Dans mon cas précis, la déviance, dont je parle, commencerait dès qu'une entreprise se doit de guérir ses contemporains, qui n'y arriverait pas et qui se continuerait par des extrapolations plus que douteuses. La flèche du temps sera seulement perturbée pour les héros du livre.

- Nous sommes, donc, dans le domaine médical ? 

- En partie, oui. Le médical joue un rôle comme partie intéressée, mais ce n'est pas ce milieu-là qui sera évoqué, lui qui est lié par le serment d'Hippocrate.

- Pourriez-vous nous en donner quelques bribes de l'histoire sans la dévoiler ? Vous m'inquiétez.

- Je vais essayer. Cela se passe à San Francisco.... 

- Tiens, pourquoi à San Francisco et pas dans nos pays européens, dans votre pays ? Il y a ces derniers temps beaucoup d'histoires traduites de l'américain qui s'y passent et qui ont du succès comme thriller. Est-ce pour suivre la même voie ?

- Vous vous souvenez de la chanson de Maxime Le Forestier "San Francisco". Une ville qui fait rêver et que j'ai aimé pour son côté plus européen et où tous les tabous s'effondrent. Une ville que j'ai visité. C'est un choix plus partial, donc. Beaucoup de choses ont pour origine les États-Unis où tout, en principe, est possible. Pour sa "maison bleue" de Maxime Le Forestier.  Mais même là-bas tout n'est pas rose actuellement. D'où mon envie de casser les préjugés que l'on peut avoir sur les Américains. Qui dit États-Unis, fait penser à des gens qui sont connus pour aimer l'argent. Mon histoire précédente avait pour cadre l'Europe, en grande partie dans le midi de la France. Un thriller. Nous y sommes à nouveau dans ce style d'intrigue avec un quidam pas vraiment riche, pas vraiment pauvre qui ne pensait pas avoir à se mêler d'affaires qui le dépassaient. Une classe moyenne qui vit bien mais qui n'a pas eu plusieurs générations pour arriver là où elle est arrivée. Le héros de l'histoire va se sentir entraîné dans l'histoire, contraint de proche en proche dans cette ville qui ressemble, si vous ne le savez pas, le plus à l'Europe. San Francisco est en Californie mais cette ville ne ressemble pas du tout à Los Angeles, par contre. Si vous voulez en connaître plus sur les Etats-Unis allez lire les livres de Douglas Kennedy, l'Américain le plus aimé des Français. 

- L'argent ne joue pas un jeu dans votre histoire ?

- Bien sûr, qu'il joue un rôle, même à tous les niveaux. Mais mon histoire n'a pas l'argent comme sujet principal et puis, mes héros ne sont pas des magnats de la finance.

- J'ai survolé le premier chapitre. Votre héros est inquiet. Vous vouliez parler de ce problème, de la crise ? 

- Un peu, oui. Elle est éternelle et universelle, celle-là. Il a ce qu'on appelle pudiquement un peu de bouteille, au milieu de carrière, mais vous verrez que ce qui en découlera, va se retrouver ailleurs. Ses prévisions et ses craintes vis-à-vis de la crise, ne seront pas celles que l'on pense.

- Votre héros se sent stressé à cause de cela ?

- Très certainement. Une autre référence, le livre fiction de Marc Lévy, "Si c'était à refaire", le personnage principal de son livre est soudainement agressé, blessé et tué. Il reprend connaissance deux mois plus tôt, avant son agression. À compter de cette minute, il a soixante jours pour découvrir son assassin, soixante jours pour déjouer le destin. Ce canevas, je l'ai suivi en partie, sans m'en rendre compte, puisque je n'avais pas lu le bouquin. Mais, il s'agit, ici, d'une malversation. Mon héros, un délégué médical, se sent mal dans sa peau depuis quelques temps. Son couple bat de l'aile et il va lui arriver quelques bricoles qui vont changer sa vie. Chargé de missions banales et coutumières, ce qui le torturait va le changer en intermédiaire, en justicier. Question légitime "pour quelle raison ?" se transforme-t-il ainsi. Un instinct de faire partie de ce monde dangereux ? Une vengeance qui va l'obliger à découvrir ses "liquidateurs" pour les confondre. Cela va tourner à l'obsession. Les problèmes de sa société qui l’emploie, il les connaît à peine, mais il les devine. Voilà ce que je peux déjà vous dire. Je ne vais pas vous mettre complètement au parfum.  

- Donc, c'est une histoire sur la recherche pharmaceutique ?

- Oui. L'histoire aurait pu s'appeler "l'automne de l'éléphant", comme j'ai pensé l'appelée au départ, car les éléphants comme chacun sait, cela trompe énormément (sourires). Ce qui se rapproche le plus a déjà été évoqué dans le film "Le fugitif". Mais, je ne vous en dis pas plus. Je vous demande de passer au premier épisode. Les autres chapitres vont suivre à un rythme soutenu tous les quatre jours. Juste ce qu'il faut pour que vous ne perdiez pas la mémoire et le fil de l'histoire et pas trop long pour ne pas vous endormir à cause du temps que l'on partage dans le présent et le futur. (rires)

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15:24 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)

16/01/2013

Chapitre 01: Une inquiétude sournoise

« L’inquiétude présente est moindre que l’horreur imaginaire. », William Shakespeare

0.jpg07h30, mardi, 4 août. Sausalito, face à San Francisco.

Sausalito n'était plus la ville flottante que les hippies avaient investi dans les années 70. C'était devenu une ville au caractère méditerranéen BCBG occupée par des jeunes ou mi-vieux qui avaient fait fortune dans la Silicon Valley. Les prix des maisons étaient montés en flèche depuis que Mary et Bob avait acheté la leur.

Ce jour-là, c'était le premier mois de vie solitaire pour Bob, depuis que sa femme, Mary, l'avait quitté pour un bellâtre ou un gars plus fortuné que lui et qu'il n'avait jamais vu pour permettre de comparer ses avantages vis-à-vis de lui-même. Enfin, c'est ce qu'elle lui avait raconté.

Il s'en souvenait comme si c'était hier. C'était au soir de la fête nationale du 4 juillet. Il ne se souvenait pas à partir de quoi, entre Mary, son épouse ou lui, avait commencé la dispute, les hostilités, ni quel était le sujet de départ. Mais, à la fin, Mary avait claqué la porte après lui avoir dit "Je te quitte. Je connais quelqu'un qui ne sera pas aussi con que toi".

Soufflé, il était resté sans bouger, sans plus rien pouvoir ajouter. Elle avait décrété qu'il était temps pour elle, drastique, de changer de crèmerie et de vie. Il l'avait vu partir et revenir le lendemain pour prendre ses affaires de premières nécessités. Puis, ce fut tout. Le rideau était tombé. Il n'avait rien vu venir.

Il est vrai que les disputes étaient devenues de plus en plus fréquentes, depuis quelques temps. C'était évident pour n'importe qui d'autre mais pas pour Bob qui les considérait comme normales dans un couple qui n'était pas de la prime jeunesse. 

Il avait depuis, lui aussi, changé son rythme de vie. Le stress qu'il ressentait avant, était devenu plus fragmenté, filtré par une certaine désillusion. Une paix solitaire, parfois salutaire, parfois humiliante aussi. Son instinct de mâle le rongeait bien plus, aujourd'hui. 

La maison était, très certainement, moins entretenue qu’auparavant. Son épouse, Mary, s'en chargeait sans rien dire, mais il s'en était foutu royalement avant ce départ inopiné. Une femme d'ouvrage passait, depuis quinze jours, une fois par semaine pour effacer difficilement les affres que laissait un homme seul. Les repas, il ne les préparait même pas plus couramment qu'avant. Souvent, par sa profession et ses fonctions, il mangeait à l'extérieur. Un restaurant payant du soir était venu seulement ajouté une couche supplémentaire plus souvent que de coutume.

Oublier le passé, recommencer sa vie, il n'y pensait pas encore. Trop tôt. Toutes les images lui restaient trop en mémoire. Les femmes, depuis, il s'en méfiait comme de la peste. Très vite, le travail l'avait sauvé. Il s'en était saoulé pour "manger" son temps plutôt que de le vivre. Il s'en rendait compte, mais c'était la vie qu'il s'était choisi en rangeant son esprit dans un "ailleurs" moins douloureux quand cela s'imposait. Une sorte de lâcheté, en quelques sortes.

Bob avait un fils qui travaillait à New York. Marié à une épouse qui allait avoir un bébé incessamment. Il restait sans nouvelles ces derniers temps. Cela l’agaçait plus qu’il ne le laissait entrevoir dans leurs rapports. C'est vrai que son fils avait aussi un temps très chargé et un job qui le lui prenait mais il ne pouvait pas se sortir de la tête qu'une exception comme celle de planifier un moment pour lui présenter son petit-fils, dès son arrivée sur Terre, aurait dû lui venir à l'esprit. Cette période de solitude rendait Bob encore plus avide de nouvelles.

Comme toujours aux États-Unis, en bon chrétien, le traditionnel « Merry Christmas », était prévu pour la rencontre avec la présentation du bambin, et ainsi réparer le manque à gagner en relations humaines. Rien d'exceptionnel à cette situation. Entre la dinde farcie et les sourires entendus, l'habitude héritée d'un passé dont on oublie tout, arrange bien les esprits déshérités. Le malheur c'est que la Noël était encore loin, même si tout était déjà planifié de manière implicite, par écrit, comme chaque année. Le réveillon, cette fois, ce serait chez papa et qui sait, le lendemain chez maman, si rien ne s'arrangeait dans son couple avant ce changement récent. Plus proche de son fils, son ex devait probablement l'avoir accaparé au téléphone depuis quelques temps. Une mère parvient toujours à mieux s'immiscer dans la vie d'un fils qu'un père. Cela fait partie des gènes d'une femme. Il ne se faisait aucune illusion.

Une fête réconciliatrice entre elle et lui, Bob n'y croyait pas. Pour lui, c'était, toute l'année, travailler sans jamais réfléchir à autre chose qu'à ce qu'il faisait, au moment où il le faisait et au besoin, combler les trous et en constater les déchirures. Les mois qui précédaient, il se savait ne pas être assez à la maison et il le déplorait sans plus, aujourd'hui. Comme il considérait que ses déboires conjugaux ne devaient pas altérer la vie de son fils, ce n'était que très tard, qu'il avait osé les mettre au courant de sa séparation, de la nouvelle tenue de sa vie, sans parler de divorce. Pas encore...

"Un américain est libre et il doit assumer au besoin en silence", se disait-il.

Ce matin-là, il ne savait pourquoi, mais Bob ne se sentait pas autant pressé d'aller travailler que d'habitude même s'il avait dit le contraire à n'importe qui, qui lui aurait posé la question. Il avait mal dormi, mais bizarrement, il se sentait plus frais que s'il avait passé une nuit entière de sommeil.

Un café, pris plus fort que d'habitude, probablement. Il en prenait toujours un avant d'enfiler un déjeuner rapide, mais il s'était servi une double ration pour l'occasion après ce réveil laborieux et cela avait agi comme un booster, quitte à le stresser au maximum.

Cela faisait une vingtaine d'années qu'il travaillait dans une multinationale qui produisait des médicaments et des produits esthétiques. C'était travailler à la boîte mais pas à l'intérieur de la boîte. La liberté était sacrée pour lui. Une antenne administrative avait son siège dans deux étages du gratte-ciel America à San Francisco dans laquelle il se rendait très peu. Le maison mère était dans l'Etat de Washington.

Délégué médical, il préférait hanter les routes du matin au soir à la visite de clients chez les médecins et dans les pharmacies de la région de l'Ouest américain. Beaucoup d'hôtel et restaurants de la région n'avaient plus de secrets pour lui. Il aimait ces rencontres avec des médecins et les pharmaciens. Il s’enorgueillissait que les affaires marchaient relativement bien malgré la crise bien que celle-ci avait touché fortement bien des entreprises de tous les secteurs. Il avait commencé sa carrière dans les bureaux de la firme, mais les grands espaces l'avaient attiré comme l'aimant. Une place de vendeur ambulant s'était présentée et il avait sauté sur l'occasion.

Puis, comme tout allait bien, il avait gravi un premier échelon de management. Petit chef, responsable d'un service de quelques vendeurs pour une catégorie de nouveaux médicaments lancés après les derniers tests, l'agrégation et les demandes de brevets. Sa vie, après sa nomination, n'avait pas trop changé. Chaque trimestre, il réunissait les chiffres de ventes de chaque membre de l'équipe. Si cela ne lui plaisait qu'à moitié, que les résultats se révélaient en dessous de l'espérance, il avait trouvé quelques trucs pour adoucir son travail de statistiques en arrondissant les angles, comme il osait le dire. Les trimestres avec des résultats en surplus par rapport au quota, il les rabotait et reportait sur le suivant. Quand par malheur, ils restaient en perte, il s'arrangeait pour trouver des arguments en donnant des raisons conjoncturelles à ces maigres résultats. Les résultats trimestriels étaient, comme il le disait aux oreilles amies, un peu bidon mais il s'en foutait. C’était en fin d'année, en dernier ressort, qu’il parvenait à nouer les deux bouts pour que son quota annuel corresponde aux attentes. Le problème, ces derniers temps, il y arrivait plus difficilement.

Avec l'ordinateur, il avait des relations du type "je t'aime, moi non plus" comme peut être un ami obligatoire de circonstances que l'on rencontre quand on ne peut faire autrement. Vu son activité de nomade, pendant laquelle, souvent, il partait le lundi pour revenir chez lui le vendredi soir, il s'en accommodait sans trop de passions vu sa déjà longue carrière dans la boîte. 

Quelques amis étaient au courant de sa nouvelle vie solitaire, mais l'information était loin de s’être propagée. Les amis, qui savaient, étaient plutôt ceux de Mary.

Ses propres amis, il les avait construit en mission, sur la route ou dans un hôtel de passage. Il s'était fait un point d'honneur de tenir sa vie privée en dehors de sa vie publique. Pour ses collaborateurs, c'était le blackout au sujet de son côté privé. 

Il n'avait donc eu aucun secours moral d'aucun des membres de son équipe. Les amis de son épouse en moins, il se retrouvait souvent seul à philosopher. 

Les premiers jours, il avait broyé du noir sur toute la ligne, mais en silence comme un artiste qui se devait de faire bonne figure comme le soir de représentation après avoir appris la mort d’un proche. Cinquante-deux ans, il était trop tard pour envisager de changer des habitudes ancrées, trop tôt pour penser à la retraite.

Depuis sa séparation avec sa femme, la douleur s'était estompée et le sourire reprenait son office de maquillage. A certains moments de solitude à la maison, les images du passé revenaient et les larmes coulaient. C'était surtout le cas, quand il reprenait les photos, les albums, les vidéos et revenaient sur la table. Celles qui pendaient sur les meubles ou au mur avaient été enlevées et avaient laissée des zones plus claires.

Tout engendrait, insensiblement, sa volonté de déserter la maison.

Ce qui l'avait distancé de son épouse se limitait à peu et à beaucoup de choses, à la fois.

Pour lui, le travail représentait une espèce de plaisir retrouvé dans le hasard du "public relation" d'occasions, auprès de ses clients et de ses prospects. Bob avait des goûts très basiques, en définitive. Très peu de choses pouvaient le satisfaire. A la maison, il avait compris que tout ce qui était interne à la maison avait un chef et un seul, son épouse. 

Comme il gagnait suffisamment pour deux, son épouse, Mary, aurait pu rester comme femme de maison. Elle avait choisi de travailler. Elle l'avait fait au début de leur mariage à la naissance de son fils. Puis, une envie de s'en évader vint et il l'avait laissé décider. 

Pour elle, son boulot était un moyen de satisfaire ses moindres désirs et une force de montrer qu'elle ne dépendait pas de lui. Elle avait énormément de goût mais souvent ses goûts s'harmonisaient avec des dépenses exorbitantes qui faisaient disparaître beaucoup d'espoirs d'assouvir les plus essentielles. Ses goûts, elle les utilisait dans son métier dans le design moderne. Elle revenait souvent à la maison avec de nouvelles découvertes quelle avait faite dans le "frog design". Bob, pour lui faire plaisir, les lui vantait en faisant semblant qu'il appréciait. 

Mais, à l'extérieur, dans la vie active, les vraies crises économiques avaient touché, en cascade, toutes les classes de la société, tous les secteurs d'activité. Réduire les coûts existait jusque dans la volonté des gens de ne plus passer par l'essentiel, par les soins médicaux, de ne plus coudoyer de médecins ou de pharmaciens qu'en dernière limite. Les assurances devenaient de plus en plus chères. A part, les avocats d'affaires et de divorces, seuls les croque-morts ne connaissaient pas la crise dans leur entreprise. Souvent, on entendait des publicités qui parlaient de succession, post-mortem malgré le prix élevé d'un passage sur antenne de la radio.

Pour Bob, les quotas de ventes, tout comme les bénéfices, n'étaient plus jamais dépassés que par un pourcentage au ras des pâquerettes.

Les médicaments qui faisaient la gloire de l'entreprise, tombaient dans le domaine public à l'échéance des brevets. Il fallait sortir toujours de nouveaux médicaments alors que les anciens étaient considérés comme dépassés, obsolètes.

Lui ne faisait, bien entendu, pas partie des concepteurs des projets des pharmaciens et de nouveaux médicaments. Il ne faisait que remonter les desiderata, les feedbacks des clients qu'ils lui apportaient. Ce qu'il en était fait ensuite, ne lui regardait plus. D'énormes investissements avaient été consentis à la recherche du sida, du syndrome d'Alzheimer. Les maladies dites orphelines, pas assez rentables, n'intéressaient plus la corporation depuis longtemps. Entre le moment de la découverte d'un médicament et sa commercialisation, il se déroulait toujours dix années d'attentes. La consommation du produit dans le public se révélait comme un succès de la recherche ou un échec cuisant suite à un effet secondaire qui n'avait été évalué que sur un échantillon restreint de volontaires.

A demi-habillé, il alla quérir le courrier dans boîte postale. Une bien jolie boîte, au devant de la maison, un souvenir de plus, un desiderata de Mary, qui avait pour but de montrer les jours heureux au facteur et à l'entourage. Dépense nécessaire, disait-elle, comme si la boîte aux lettres était quelque chose de représentatif du contenant et de ce qui se passait à l'intérieur de la maison.

Un achat, encore une folie de Mary qui avait généré une dispute.

- Tu ne te rends pas compte qu'une boîte aux lettres représente la vitrine de nous-mêmes ?

Alors, il sortait. Fuyait. Puis, cédait une nouvelle fois, sans rien dire avant de se réfugier dans un mutisme pensif en s'asseyant sous la véranda en verre. Il regardait devant lui. Se lavait de toutes les idées sulfureuses ou carrément noires, en attendant que l'orage interne se termine. Il savait qu'il ne parviendrait pas à la contredire. Il se convainquait. "Bien sûr qu'une boîte aux lettres est la vitrine de ce qu'on voudrait montrer de soi", se disait-il. Le problème pour Bob, c'est qu'il ne voulait pas montrer qu'il lâchait prise.

Les voyages, une autre source de disputes. Pour Bob, les jours de vacances se résumaient à se retrouver à la maison. Il avait tellement voyagé pendant ses activités commerciales qu'il voulait se reposer, renouer avec la famille. Pour les vacances courtes en générale, Mary, après avoir hanté les bureaux, aimait les voyages lointains à visiter le monde, de ville en ville avec le plus grand plaisir. Le Mexique était son exotisme préféré.

Malgré les années, elle avait gardé son charme d'antan et connaissait la technique pour arriver à ses fins. Le bling-bling en faisait partie. Un lifting avait dégagé les rides naissantes. La boîte aux lettres, elle la réservait aux factures, aux prospectus de publicité. Les lettres importantes passaient toutes par l'intermédiaire d'Internet.

Cette fois, Bob l'ouvrit lui-même, cette boîte aux lettres qui avait occasionné tant de discussions. Des deux mains, il compulsa le courrier, une lettre après l'autre défilait avant d'être déposée dans un tiroir ou jetée dans la poubelle qui jouxtait la "merveilleuse" boîte. Rien de bien dangereux à première vue. L'une des lettres attira son regard avec les sigles de l'entreprise qui l'employait. Il l'ouvrit sur le champ en déchirant l'enveloppe.

Cher Monsieur Robert Manson,

Pourrions-nous nous rencontrer un de ces jours dans nos bureaux.

Nous aimerions nous entretenir avec vous de l'avenir.
Bien à vous

John Marcovitch

H.R. Director 

"Plus laconique, que cela, tu meurs", pensait Bob. "De l'avenir" ? Qu'est-ce que cela sous-entendait ?

Marcovitch, oui, il se souvenait du nom du nouveau patron du département Human Ressources. Un quadra en phase terminale, bon chic, bon genre qu'il avait vu en photo dans la revue mensuelle de la boîte, mais qu'il n'avait jamais rencontré physiquement.

Une réunion, une de plus ? Un nouveau produit qui devait-il être lancé sur le marché et qu'il allait avoir à vendre ? Une promotion ?

En général, il en recevait les spécifications envoyées par mail, avant d'en recevoir les instructions plus précises, avec les prix d'émission, suivie d’une présentation du produit dans les bureaux et dans les mises à jour du catalogue.

Alors pourquoi, cette forme de contact ? Pourquoi pas un coup de fil ?

Il prit la série de lettres restantes et en fit un paquet qu'il déposa dans l’alcôve du hall d'entrée de la maison.

Bob se sentait parmi les privilégiés du système américain. Mais, il votait démocrate en se rappelant de sa période d'étudiant et de la guerre du Vietnam.

La maison en bois qu'il occupait était petite mais jolie. Son environnement immédiat comprenait un petit jardin avec des fleurs qui commençait à flétrir en manque d'eau et qu'il entreprit d'arroser. Une vue lointaine sur la mer, lui permettait de rêver. La maison respirait le calme, d'ailleurs. Elle avait un certain luxe bourgeois qui ne se laissait pas entrevoir de l'extérieur. Tout cela constitué, organisé, sérié, depuis des années, par Mary.

Ce jour-là, le ciel était gris. Du brouillard passait et camouflait alternativement des parties du paysage, puis se découvrait pour laisser, plus longuement, entrevoir l'horizon. Rien d'anormal pour la saison. Le Golden Gate est bien connu pour être perdu dans la brume sur les photos des cartes postales.

Une voix dans son dos le fit sortir de ses pensées.

-Salut Bob, bien dormi ?, entendit-il.

Le voisin l’avait vu sortir et voulait entamer une petite conversation qui depuis longtemps, avait été interrompue.

-Pas trop. Je suis un peu stressé ces derniers temps. Désolé, mais je n'ai pas beaucoup de temps à t'accorder. Je l'admets, je suis vraiment un très mauvais voisin. On devrait se téléphoner plus souvent et on devrait passer une soirée ensemble pour rassembler les moments perdus.

Il ne l'avait pas fait plus tôt car il ne voulait pas ressasser une nouvelle fois toute l'histoire, la raison de sa solitude.

-Bonne idée. Je dois avoir ton numéro de portable dans mon agenda. Nous avons certains points à discuter, pour diminuer les frais d'entretien de nos deux jardins. Je te laisse à tes occupations puisque tu es pressé. A plus...

- Merci, pour le comprendre. A bientôt. Téléphone-moi quand tu peux et quand tu veux.

La conversation s'arrêta là et il rentra.

Pourquoi avait-il coupé la conversation avec son voisin ? Bob le regrettait déjà. Il n'était pas pressé. Un faux stress ? Un besoin d'aller toujours plus vite ? Trop vite ? Il n'en trouvait aucune autre raison. Il n'avait pas d'horaire à respecter, seulement un quota à respecter, un chiffre d'affaires partiel du troisième trimestre qui entrerait bientôt dans les résultats de la société.

Ce qu'il avait à faire, peu de choses. Dérouler la "check list" d'actions à prendre pour un matin commença. Consulter ses mails sur son PC. Écouter d'une oreille distraite la radio ou la télé. Voir si l'équipe avait des problèmes et chercher à y remédier, parfois y répondre, allait prendre encore une demi-heure.

Pas de visites urgentes à faire auprès d'un client. Il décida de passer au bureau avant toutes choses naturelles à sa mission. Marcovitch l'avait appelé et il irait, donc, ce matin à San Francisco. Il n'allait pas lui téléphoner puisqu'il l'avait voulu ainsi.

Il avait une petite demi-heure en voiture pour arriver ua bureau. Il laissa la clé sous le paillasson comme il en avait l'habitude du temps où son fils aimait la retrouver.

La vieille MG rouge dont il ne se séparait jamais, était au garage. C'était son seul luxe. Sous le capot, c'était le troisième moteur. Quant à la carrosserie, il la bichonnait comme un bébé. Il aimait que l'on se retourne sur elle, à la suite du ronronnement qu'elle faisait.

Il s'y inséra sous son plafond bas. Elle démarra comme une horloge dans un ronronnement assez caractéristique qu'il aimait entendre.

Tout devait aller bien. Une belle journée. Il faisait doux.

Pourquoi s'inquiéter ?

Le problème, c'est que les apparences sont parfois trompeuses.


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12/01/2013

Chapitre 02 : Une journée mortelle

"La tragédie de la mort est en ceci qu'elle transforme la vie en destin", André Malraux.

0.jpgPartant de Sausalito, une route qui longeait l'océan avant d'arriver au Golden Gate, il y avait le "National Recreation Area".

Dieu sait s'il la connaissait cette route pour l'avoir empruntée de multiples fois. C'était presque du pilotage automatique pour sa voiture MG rouge.

Arrivé au Golden Gate, comme souvent, il se retrouva dans un brouillard épais.

"Tiens, le prix de passage avait encore une fois changé depuis son dernier passage. Plus de six dollars. Cela devient cher", se dit-il presque instinctivement en passant devant le locket du péage.

Le paysage était fantomatique. Rien n'apparaissait en entier. Pas de jambes ou pas de tête. Le pont qui semblait suspendu dans les airs.

La pointe de la pyramide du bâtiment "TransAmerica Pyramid", où il avait la société qui l'employait avait son antenne administrative, semblait se pendre dans l'espace, attachée à des fils de mystérieux marionnettiste avec une force surhumaine. L'île d'Alcatraz, il la savait à sa gauche, dans la baie, mais elle était totalement invisible.

Le "Golden Gate" avait été repeint à l’occasion de son 75ème anniversaire qui devait être fêté bientôt. Pour Bob, c’était la plus belle porte d’or qu'il connaissait. Souvent, il l’avait empruntée lors de joggings, très sportif dans sa jeunesse, du temps où il allait à l'USF, l'Université aux valeurs jésuites de San Francisco. Que de fois, avait-il fait le marathon... 

Au milieu du pont, les yeux fermés, il s’arrêtait, alors, pour sentir le vent, à soixante mètres au-dessus des flots avec les nuages qui semblaient donner du mouvement à bord d'un vaisseau fantôme. Une impression de liberté, à nul autre pareil, s'éveillait alors en lui. Irréalité qui disparaissait en voyant, des ouvriers qui s’affairaient au-dessus de lui. Rien qu’à les voir suspendus dans le vide, pris de vertige, il ressentait des fourmis entre les jambes.

Sans ce vertige, il aurait aimé être à leur place et peindre pour fusionner les couleurs ocres. Il planifiait de peindre tout cela, un jour, au pinceau sur une toile. Un rêve de retraité, probablement.

Cette fois, l’ocre du pont et la ville blanche tranchaient en couleurs pastelles avec le capot de sa MG d'un rouge saturé. Comme on ne voyait pas à dix mètres, il traversa le pont, plus doucement. Le buste du constructeur du pont, Joseph Strauss, arriva, à sa gauche, sérieux, mystérieux, figé dans son costume trois pièce de métal. Parfois, la Baie transparaissait au travers des nuages, lentement dissipée par couches successives quand le soleil se prêtait au jeu de cache-cache. Des reflets étranges s'ajoutaient alors à cet ensemble qui se reconstituait de proche en proche à la poursuite du vent.

Aujourd'hui, assagi, cela faisait seulement quelques mois, qu'il n'y était plus passé et l'enthousiasme de revoir la ville, lui reprenait.0.jpg

Il s’engouffra dans la ville. Une nouvelle éclaircie laissait entrevoir et ce furent le Presidio, le Fisherman's Warf, le Pier 39 sur le port qui avaient été le cadre de tellement de films, qui revivaient en pleine activité.

Tout de suite, les collines avec des pentes raides obligeaient à changer de vitesse de la voiture. La Lombard Street, en lacets, étroite, en allées et retours successifs, tellement célèbre, il ne l'emprunta pas. Cette rue, même si elle restait dans toutes les mémoires des automobilistes de passage et sur les photos des touristes, l'emprunter aurait été un détour.

San Francisco, Cisco, comme on l'appelait, il l'aimait. Il n'y était pas né, mais il y avait passé plusieurs années dans sa jeunesse. C'était toujours une ville où le piéton a droit de cité où les voitures se réservaient uniquement les grandes artères du centre de Down Town. Une ville de creux et de bosses, avec des noms de "Valleys" et de "Hills" entrecoupés de "sunsets". Une ville qui aurait pu ressembler à une ville d'Europe s'il n'y avait pas eu les "cable cars" comme moyens de transport commun. L'un d'entre eux lui boucha la route pour la remontée à partir du port. Son arrivée, on aurait presque pu la ressentir par le tremblement du sol. Deux autres attendaient leur tour et faisaient le plein de touristes avant de franchir la remontée vers le centre de la ville.  

Il y avait aussi des charrettes couvertes avec chacune, un cheval qui attendaient les touristes. En chapeau boule et jaquette noir, ces promeneurs de touristes avaient fière allure. Ici, pas de petits trains pour faire la visite de la ville comme dans tellement d'autres plus planes. Les déclivités l'empêcheraient très vite. Tellement de films d'actions avaient pris l'habitude de montrer les voitures qui à grande vitesse, plonger sans plus toucher le sol, dans une descente. Les problèmes pour suivre une vitesse continue énervaient les embrayages des voitures. 

0.jpgPlus loin encore, Downtown. Castro, le quartier où l'on rencontrait le plus d'homos. La monotonie pour les habituels travailleurs qui ne prenaient plus le temps de regarder autour d'eux, trop pressés de regagner le boulot. China Town, à droite, précédée d'une porte en forme de pagode, ornée d’enseignes lumineuses avec une odeur du hot dog, mêlée à un plat chinois, qui flattait les narines. Un autre monde qui rencontrait l'Amérique. Un pianiste de rue avait entamé un morceau de jazz sur le trottoir et exerçait son pouvoir d’attraction sur quelques touristes en créant un attroupement. Il avait remarqué que plus de porches de gratte-ciel étaient squattés par des sans-abris pendant la nuit. Ce n'était pas récent. Mais, ce n'était plus seulement des clochards.  

Broadway était endormi, à cette heure. Elle se réveillerait à la nuit tombée, avec ses vices cachés, classés par catégories, du "soft" au "hard". 

Union Square avec ses maisons repeintes à intervalles réguliers avait fait place à de hautes tours, chacune avec leur nom propre. Dans les hauteurs, les maisons victoriennes en bois de séquoia, colorées de bleu et de blanc, les "Painted Ladies", il adorait. Mary avait voulu sortir de la ville, sinon, il aurait cherché à y habiter. De là-haut, un panorama à ne pas rater pour tout photographe en quête de contrastes, par temps clair. Des maisons de style d'un autre temps, en avant plan et les gratte-ciels en toile de fond.0.jpg

Mais, Mary avait raison. Il n'y avait pas photo, Sausalito avait un avantage indéniable sur la ville avec ses airs méditerranéens, ses palmiers et ses maisons qui n'avaient qu'un ou deux étages maximums. La compétition avec le centre-ville ne faisait pas le poids.

L’excitation de ce matin s'était dissipée pour faire place à la lenteur des embouteillages.
« Embouteillage » voilà le mot qu'il avait appris à connaître à contre-sens.
A ce rythme, cela lui donnait encore dix minutes encore dans la vue avant d'arriver au parking de sa société à l'étage -2 des visiteurs.
Embouteillage pour monter jusqu'à l'étage de la société. Malgré les dix-huit ascenseurs, il attendit son tour avant que l'un d'entre eux se décide à reprendre la remontée. Il était déjà chargé par les étages inférieurs et remontait ses 48 étages.
0.jpgArrivée au 2ème étage. L'enseigne « Pharmastore » apparu.
-Tiens, voilà, Bob, fit la réceptionniste de derrière son bureau.
Tout le monde l'appelait Bob, même si son prénom de Robert apparaissait sur ses papiers officiels et sur son passeport.
Cela faisait déjà bien longtemps qu'il n'était pas venu passer quelques heures aux bureaux. Sandy avait aussi usé ses jupes à cette même place. Il n'y avait plus beaucoup de personnel, à avoir un bureau personnel. Un business centre avec des places à réserver quelques jours à l'avance, remplaçait les bureaux réservés aux employés sédentaires. La coiffure de la standardiste avait changé et il avait eu de la peine à la reconnaître.

-Bonjour, Sandy, cela fait un certain temps, en effet. Cela te va bien les cheveux blonds. C'est Marcovitch qui m'a fait demander. Convoqué sans me donner les raisons. Est-ce qu'il y a d'autres personnes dans la salle de réunion ? Est-il là ?

-Oui. Il est là. Non, pas d'autres personnes convoquées dans la matinée. Si tu veux, je l'appelle pour voir s'il est disponible pour te recevoir. Tu sais, ces derniers temps, il est fort occupé. C'est la première fois que tu me vois en blonde ?

-Oui, Sandy, et je répète, cela se marie très bien avec tes yeux. Ok, vas-y, appelle-le.

Bob, en entendant les mots de "fort occupé", se demandait "à quoi ?". Que faisait un chef du personnel de ses journées ? Il s'en souvenait parfaitement du temps du prédécesseur de Marcovitch qui arpentait souvent les couloirs de la société. On l'avait appelé "radio corridor".

Sandy pris le téléphone intérieur et appela le poste du manager HR. Bob ne prit pas le temps d'écouter, trop pris à regarder autour de lui. Il se déplaçait dans la pièce pour se familiariser au décor qui avait changé depuis sa dernière visite.
Sandy reprit la parole.

- Bob, il t'attend. Tu ne sais peut-être plus, c'est au fond du couloir, après le business centre, avant dernière porte à gauche.

- Merci, Sandy. Je n'ai pas à prendre l'escalier de service, ni ascenseur, c'est déjà ça. 

Il entendit à peine la réponse de Sandy alors qu'il était déjà dans le long couloir. 
Là, une porte de couloir avec une plaque qui annonçait "Bureau de l'administration de Pharmastore".

Les laboratoires de préparation des médicaments se trouvaient sur la côte est des États-Unis.

La porte franchie, il commença à lire les étiquettes qui se trouvaient à la gauche de chaque porte. "John Marrovitch", sur l'une d'elle. Arrivé.

Il frappa.

- Entrez, répondit une voix forte presque grave au travers de la porte.
Bob entra avec le sourire aux lèvres et la main tendue.

- Assied-toi. Bob. Nous ne sommes jamais rencontrés, non ? Comment vont les affaires ?

- Pas trop mal. Tu as raison, c'est notre première rencontre. J'ai planifié de visiter quelques nouveaux clients dans la région, cet après-midi, mais comme tu me demandais de passer, et que le bureau était sur ma route..., dit Bob.

Bob mentait. Le secteur de ces "nouveaux clients" était à l'opposé. Il était seulement intrigué et cela expliquait son changement de programme.

-Bien. Content pour toi. Et l'équipe, elle suit ta fougue ? Je te sers un café ? Du lait, du sucre ?

-Bien sûr. Merci, un complet. J'ai eu Phil, hier, au bout du fil. Il m'a envoyé son rapport de visites et tout semble aller pour le mieux, mais nous sommes encore au milieu de l'année, fit-il. 

Après de longues minutes, Marcovitch revint et finit par lui tendre le café de retour de la machine à café, installée dans une autre pièce.  John reprit le fil de la conversation interrompue. Trop fort, peut-être, le café avait un arrière-goût amère que le sucre ne parvenait pas à dissiper. Il n'eut pas le temps d'analyser la situation. Marcovitch avait repris la conversation.

-Si je t'ai appelé, c'est que nous sommes obligés de restructurer quelques départements.
« Restructurer », le mot à la mode, en période de crise, celui qui tinte à l'oreille comme sonne le glas. Pris de cours, même si les joues de Bob devenaient, insensiblement, plus rosacées, il ne répondit pas.

John repris la conversation.

- Tu connais le problème. Les affaires en Europe ne vont pas trop bien. La Corporation a déjà dû restructurer là-bas, mais elle nous demande d'éliminer quelques personnes du service de l'administration.

Bob sentait le piège se dresser à plein nez. Service de l'administration ? C4 en Europe. La vente en faisait-elle parie  ? Vu son âge, il devait être sur une liste noire quelque part. Peut-être des membres de son équipe? Pris de court, Bob, attentiste, ne parvenait toujours pas à ouvrir la bouche et John enchaîna.

- Tu es déjà quelques années dans la boîte. Tu n'es pas encore trop vieux. Il a fallu choisir. Tu coûtes relativement cher. Alors, vois-tu, nous devons nous mettre en règle avec la Corp et ton nom a été cité par le conseil d'administration.

La Bob sauta presque de sa chaise et faillit en tomber.

- Putain, tu veux me virer, quoi ? Mes quotas annuels n'ont pas été assez concluants ? On me vire alors que tout marche dans mon groupe ?, fit Bob éclatant de rage.

- Bob, je sais. Ne te fâche pas. Nous n'y sommes pour rien. Ne te mets pas en furie. J'ai contesté cette décision, c'est le conseil d'administration qui....

Bob connaissait bien ce laïus "ce n'est pas moi, ce sont les autres" et pris la parole à débit accéléré.

- Laisse-moi une seconde que je reprenne mes esprits. Je connais la musique. Ce n'est pas à un vieux singe qu'il faut apprendre à faire des grimaces. Et mes années de services, je suppose que cela ne compte pas pour des prunes ?

-Non, ne t'inquiète pas. Tu peux descendre à l'étage du dessous, ils ont tout calculé et tu vas voir qu'il y aura une prime supplémentaire qui t'es destinée. Petite, vu les circonstances mais cela pourra te donner plus de chance par la suite pour retrouver du boulot. Dès que tu auras signé, on t'enverra un mandat bancaire.

Bob, furieux, ne pouvait plus entendre la suite. Il ne fit ni une ni deux, sortit en claquant la porte, laissant Marcovitch, presque surpris, par sa réaction.

Il se dirigea vers l'étage du dessous. Un sourire sur le visage de John était sur ses lèvres. Peut-être, rien à voir avec du sarcasme d'ailleurs, mais Bob ne put le voir, il était déjà sorti.

- Salut Bob. Ça va ? fit la petite blonde dont le bruit de la porte et la force avec laquelle Bob l'avait poussé, se rendait compte qu'un drame s'était passé.

- Je crois, oui. Mais, j'ai connu des jours meilleurs", répondit-il sans donner plus de détail à la première venue.

"Ah la vache. Il m'a viré.", pensait-il, sans prononcer les mots en s'éloignant. Il ne voulait pas la mettre au parfum. Ce genre d'information arrive tout seul et reste en vase clos.

Bob n'écoutait pas et continua sur sa lancée en ruminant en interne.

"Juste quand j'avais des clients à visiter. Ils m'entendront lors de ma visite. En une minute, une carrière, une vie, tout est expédié. Plus de vingt ans dans cette foutue boîte avec une rentabilité exemplaire. Tout est foutu en l'air. Je suppose que je vais pouvoir vider mon casier avant qu'un gentil soldat du feu ou de la sécurité ne dise gentiment, « Désolé, M'sieur, mais on m'a demandé de vous faire partir ».

Un rapide calcul. Vingt un an de services, cela devait faire vingt une semaine de fixes. Plus la prime habituelle pour ceux qui ont réalisé leur quota l'année dernière. Une participation aux bénéfices. Juste assez pour pouvoir et voire venir pendant quelques temps. Quelques bonnes années devant toi avec ton expérience. Hein, Bob.".

C'est vrai que cela faisait quelques billets de mille dollars bien mérités.

Bob, redescendu, lâcha avec un rire cacochyme et une bouche ricanant, en marmonnant à Lizbeth.

-Tu sais pourquoi je viens ? Je suppose. Tu me fais mon compte, comme à la caisse du supermarché, grande surface et je pars. S'il te plaît, retire-moi une petite avance sur la somme avant de verser le reste sur mon compte. Où dois-je signer ?

Il continuait de maugréer, à voix haute, n'y tenant plus.

Au rancart, comment est-ce que je vais pouvoir me reconstruire un avenir prometteur du même type ? Ils sont cons ou incompétents pour regarder ce qui se passe à l'extérieur. Trouver un nouveau job, à mon âge ? Ils connaissent tellement de firmes pharmaceutiques par ici ? Laisse tomber les marques de regrets et de sympathie. Je n'ai pas l'habitude de gerber et de pleurnicher.

Tout fut réglé en moins d'une demi-heure.
La blondinette, Lizbeth, n'ajouta rien et s’exécuta sans commentaire. Elle n'eut pas la chance de le voir partir. Elle avait compris le problème pour l'avoir connu de multiples fois dans le département HR. Rester muette en dehors des questions-réponses de son interlocuteur et exécuter les ordres étaient ses seuls soucis, non responsable et encore moins, coupable.

Il ne prit même pas l'ascenseur de peur de rencontrer d'autres personnes, d'autres collègues devenus des "ex" auxquels il aurait fallu répéter les mêmes paroles pour expliquer son état de fureur. Cinq étages à descendre à pied lui permettraient de réfléchir en décomptant les marches.

Le garage, la voiture et retour à l'expéditeur. Mais que diable était-il venu faire dans cette galère de grand matin ? Il aurait mieux fait de continuer ses visites chez les clients et aller voir Marcovitch, bien plus tard, dans un mois. Il aurait gagné du temps, un mois et de l'argent en plus.

Back home, sweet home. Au diable, la boîte.

Au volant de la MG, il ne parvenait pas à effacer les minutes qu'il avait passées dans le bureau de Marcovitch. Le passé revenait par bribes saccadées. Il avait manqué toucher un des murs du garage. La rage ne partirait qu'après beaucoup de temps et ce n'était pas encore le moment.

Lui n'avait pas voulu gravir les échelons de la hiérarchie comme on lui avait proposé. Il avait voulu garder sa liberté et ne pas avoir à aller toujours au même bureau à longueur d'année. Cela lui avait desservi. Loin des yeux, loin du cœur. Cela lui apprendra.

L'image de sa femme lui revenait, aussi, à l'esprit avec des épisodes plus que chauds.

Arriviste, elle, était tout le contraire de lui. Prête à tout pour obtenir quelques billets de plus ou une barrette plus éclatante à accrocher sur l'épaule dans l'escalade de la hiérarchie.

Il se rappelait même qu'elle lui avait dit dans un moment de colère.

-Tu es un raté. Tu ne veux pas t'investir et grimper dans la hiérarchie alors que tes collègues le font. Homme de terrain, mon oeil... Même pas un écran devant les yeux pour suivre l'actualité de ton entreprise. Cela ne t'intéresse pas. Monsieur est au-dessus de ces considérations matérialistes. Un homme de terrain s'efface de lui-même sans effusion de sang. Vivre sa vie, ton objectif, mais quelle vie ?

Encore, une fois, Bob n'avait rien ajouté à cette tirade dont il connaissait que trop bien, toutes les vicissitudes. Ce qui l'énervait, c'est qu'avec le recul, elle devait avoir raison. Ses parents n'avaient pas le même niveau de vie que ceux de Mary. Ils s'étaient sacrifiés pour l'éducation de Bob.

Aujourd'hui, les parents de Bob étaient décédés depuis une dizaine d'années. Il les revoit encore dans leur petit magasin de quincaillerie à l'enseigne "Where hard is nice", situé dans le quartier Castro. Son père, avec ses bretelles pour retenir le pantalon et la fine cravate de cuir avec une broche qui représentait l'université où il n'avait mis les pieds que pour voir son fils lors des remises de diplômes. Elle, à la caisse, souvent assise, affairée, attentive. Le magasin avait été vendu plusieurs années avant leur disparition, transformé en disquaire. Il se rappelait des années 80 pendant lesquelles, le sida décimait beaucoup de jeunes amis à l'époque.

Son épouse, Mary, il l'avait connue lors d'un déplacement. Elle était la fille d'un médecin de renom à Oakland. Plus jeune que Bob de huit ans. Entre eux, cela avait été le coup de foudre immédiat. Il s'était marié à Las Vegas à l'insu de tous, rien que pour suivre une envie de faire autrement que les autres. De Bob, elle avait aimé son indépendance, son teint hâlé, buriné par le soleil de cette époque, sa réserve d'histoires drôles qui la faisait rire et qu'il avait rassemblé en mémoire.

Pour Bob, c'était la coquetterie de Mary, sa finesse d'esprit, le fait qu'elle aimait ce qu'il racontait et aussi, comme de normal, son regard malicieux et ce qu'elle faisait pour lui faire comprendre qu'elle l'aimait.

Après cela, tout avait été très vite. Dès le mois suivant, les beaux-parents de chaque côté avaient admis cet état d'esprit moderne dans deux familles américaines plutôt puritaines typiquement américaine. Chacun avait trouvé que le couple était presque parfait physiquement et moralement et cela avait effacé les doutes.  

"Avec un tel ensemble intégré, on ne peut y faire longtemps opposition", se disaient les parents et beaux-parents. Le voyage de noce avait eu lieu en Californie du sud. La Sierra de Guadalupe à dos de mule. Une véritable aventure qui les avait enthousiasmés. Pendant quelques années, Mary et Bob avaient repris l'album de photos avec toujours des rires, qui suivaient le traditionnel "tu te souviens de...". Puis l'album n'avait plus quitté le tiroir où il était garé et les années étaient passées avec l'amour des habitudes et les douceurs qui s'effritent. 

Vendeur dans l'âme, il pouvait vendre n'importe quoi.  Plus rigolard que rebelle, aimé par son entourage, Bob avait gagné son diplôme universitaire. Ses blagues n'étaient pas réservées uniquement à Mary. Prospects ou clients avaient reçu une rasade bien ficelée de blagues de sa part. L'humour créait des liens, par-delà les objections et les hésitations. Des liens amicaux se créaient qui en affaires se terminaient par des contrats.

Mais à la fin, le couple se durcissait dans ses différences dans leurs conceptions de la vie. L'amour se détruit à force de citations répétées et d'options choisies.

- Tu m'emmerdes, Mary. A bas la routine. je n'ai pas un cerveau sur mesure pour me plier à tous tes sacrifices, avait-il, un jour, répondu en claquant la porte.

A bord de son bolide rouge, le volant d'une main, il se posa la question de savoir pourquoi il avait été pointé comme un gars à éliminer. Son passé commercial commença à le poursuivre. Qu'est-ce qui avait merdé ? Quelques affaires revenaient en mémoire en séquence. Il y avait bien ce contrat qui avait foiré et n'avait pas été considéré comme rentable pour la boîte. Il n'était tout de même pas responsable et si oui, pas le seul, des suites de cette affaire, se disait Bob.

Pendant son survol de retour sur la route, tout cela défilait dans sa tête, dans un désordre indescriptible. Survol parce qu'insensiblement, il allait plus vite que d'habitude, en pressant le champignon.

Il avait dépassé le Golden Gate s'en même s'en apercevoir. C'est lui qui se trouvait dans un nuage ouatiné avec le paysage. Les deux bandes de roulages étaient plus dégagées au retour qu'à l'aller, ce qui lui permettait encore plus de vitesse. La route sinueuse ne lui fut pas plus un ralentisseur. Depuis le matin, la brume avait rendu la route humide. Avec la pluie, encore, plus glissante.

Dans un élan de colère, il dépassa un camion et la double ligne blanche centrale. Perdu dans ses pensées, jurant entre des moments de colère, il fit ce qu'il n'aurait jamais osé entreprendre en temps normal.

Un camion arrivait droit sur lui. Il n’eut pas le temps de voir des appels de phares très puissants en sens inverse. Ils l’aveuglaient en plus. Une sorte de corne de brume lui tombait dans l’oreille, en même temps et lui glaça le sang d'effroi dans les dernières secondes.

Dans un réflexe instinctif, un coup de volant puissant pour éviter la collision et se rabattre sur la droite. En le faisant, il toucha le truck qu'il dépassait et qui ne sentit même pas le choc. Il perdit le contrôle.

L'embardée devenait inévitable, incontrôlable. La MG tourna sur elle-même, rebondit, fit un tonneau, avant de se lancer vers le bas-côté. Les coups commencèrent à se suivre en rythme accéléré et faisait penser Bob aux autos tamponneuses de la foire. Le dernier réflexe, pour une éventuelle chance quand la voiture s’élança vers le ravin, se protéger la tête et les yeux avec les bras. Un rocher avant le parapet. Puis, il ne sut pourquoi, il déboucla la ceinture de sécurité, ouvrit la portière et sauta avant le grand plongeon dans le ravin. Tout cela avait duré l'espace de quelques secondes. Ensuite, ce fut le vide, l’espace d’une dernière seconde, juste avant la chute. Bob roula en parallèle dans l'herbe en rebondissant pendant un temps qui paraissait des heures.  Au fond du ravin d'une vingtaine de mètres de profondeur, un bruit de ferrailles, de tôles froissées, lui parvint. Une lumière et une explosion. Il fut retenu par le tronc d'un arbre.

Bob se rendit compte qu'il n'avait plus que quelques secondes à vivre. Puis, ce fut le vile noir complet. Bob sentait qu’il allait mourir.

Peut-être l'était-il déjà.


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08/01/2013

Chapitre 03 : Un réveil bizarre

« Le réveil commence comme un autre rêve. », Paul Valéry 

0.jpgDes bruits. Des voix.

Le premier œil de Bob s’ouvrit avant l’autre. Un tour d'horizon, étroit, du bout des yeux.

Dans le lit, Bob pouvait voir une chambre toute blanche. Un baxter planté à côté du lit.

Pas d'autres lits que le sien. Rare d'avoir une chambre particulière.  Beaucoup de monde dans la chambre. Il ne parvint pas à se mouvoir. Il tenta de bouger les doigts. Pas sûr que cela marchait, puisqu'il ne pouvait vérifier en l'état de véritable momie, enrobée de bandelettes.

Le brouillard dans la vue s’éclipsait progressivement.

-Il a bougé, s'écrie quelqu'un à côté de lui et voilà tous les visiteurs qui se retournent ensemble vers le lit.
La surprise semblait entière autour de lui.

La mémoire lui revenait, bizarrement, assez vite. Trop vite, peut-être.

L'avait-on déjà mis dans la tombe ? La surprise, il la revendiquait surtout pour lui. Après l'accident, il lui avait semblé avoir traversé le miroir définitivement. Des images lui revenaient de cet accident. Le tragi-comique n'avait aucun droit de cité, cette fois.

Tenter, encore une fois, des étirements, de bouger le reste du corps, minutieusement, lentement. 

Non, impossible. Son corps ne répondait pas.

Suis-je paraplégique ? pensait Bob

Son épouse lui tenait la main, il la sentait, heureusement. Il avait pu lui répondre. Bouger les doigts, Ok.

Il sentait sa main, désormais, dans celle de son épouse qui la caressait. Ce n'était pas un mirage, il la sentait. 

Après ses surprises physiques, ce furent les surprises psychiques. 

A ses côtés, son épouse, donc, deux collègues de bureau, dont Phil, qu’il reconnaissait. Des anciens. Le voisin de la maison était là aussi. Puis, il y avait, plus étonnant encore, Marcovitch, tout sourire. 

"Là, cela devient folklorique. Suis-je arrivé dans le royaume de Disney ou parmi les magiciens d’Oz?", pensa-t-il.

- Et bien Bob, tu peux dire que tu nous as fait une de ses peurs. Tu as voulu jouer au cascadeur ? Tu nous reconnais tout de même ? Tu sors du coma après près d'un mois. Ne bouge surtout pas. On ne croyait plus te revoir vivant. Tu ne te rends pas compte comme on a pu être inquiet, lance la voix de Marcovitch qu'il reconnaissait à peine.

Les souvenirs étaient presque tous revenus. Il avait été viré de la boîte. En retournant chez lui, il avait rencontré plus fort que lui, un camion, un truck.

"Incroyable qu'il soit venu aussi, celui-là. Si je suis dans cet état, il en est, un peu, la cause, non ?", pensait Bob en fixant Marcovitch, sans bouger la tête.

S'il avait pu parler, Bob aurait lâcher une blague ou quelque chose du style :  "Mais on dirait que c'est vous qui êtes à plaindre. C'est moi qui ai dégusté ce poids lourd, je rappelle". 

Il fit seulement un "oui" par un clignement des deux yeux, mais ne répondit pas. La mâchoire lui faisait mal. Quant à bouger la tête, fallait pas y penser.

Un temps encore et tout deviendrait plus clair, pensa-t-il.

- Tu sais, il y a ton équipe qui va prendre congé pour venir te voir dans la semaine. Ils veulent venir pour te faire plaisir. Phil passait par hasard avant d'aller travailler et coïncidence, tu es revenu à toi. Nous sommes tous contents de te revoir dans le monde des vivants, enchaîne Mary.

Qui avait prévenu son épouse du drame ?

Marcovitch restait tout sourire, figé, sans plus rien dire. Après lui, tout de miel, sa femme qui l'avait quitté, la douceur personnifiée. 

"Elle devrait aussi avoir oublié la tendresse depuis qu'elle avait quitté la maison et voilà qu'elle revenait comme par miracle", objectait Bob en pensée.

Mais, ces seules pensées l'avaient fatigué. Les paupières lourdes eurent raison de Bob et il s’endormit en pensant que le monde des vivants apportera toujours quelques surprises à celui qui revient du monde des morts. Des surprises comme celles-là, cela lui avait bouché un fameux coin, trop lourd à analyser pour un réveil trop laborieux.

La morphine devait avoir eu quelques effets modérateurs pour contrecarrer la douleur car il ne sentait pas vraiment le mal que tous ses dégâts  corporels apparents avaient causé.

Dans son sommeil, des images du passé repassèrent pour confirmer ce qu'il avait vécu, mais au ralenti avec des couleurs inhabituelles.

Le truck avait pris la gueule d'une poupée gonflable en se déplaçant tout en prenant son temps.

Le ravin, devenu un espace verdoyant, sur lequel il rebondissait comme sur un matelas. Tout semblait avoir été nettoyé des avatars des vivants. 

Tout avait été étrange lors de son réveil. Ce qu'il avait entendu, l'endroit dans lequel il se trouvait. Les gens qui étaient chargés de le réveiller.

Le rêve se continuait comme dans un coma éthylique. Un paradis dans lequel des anges passaient. Cupidon qui lâchait ses flèches. Judy Garland, qui avait les traits de Mary, chantait en maîtresse des lieux enchanteurs. Des animaux parlaient entre eux. Ce qu'il entendait, étaient des plus subtils, tellement simples.

Et, Bob levait les yeux et il riait de ces couleurs pastelles qui enrobait son entourage.

"Comment le réel avait-il pu être autant complexe ?", se disait-il.

Le réel était trop fou. Il n'avait presque plus envie de le retrouver.

Ces visions idylliques lui redonnaient du baume au cœur. Il ne pouvait que se sentir aller mieux. Plus aucune envie de mourir, mais de continuer ce rêve. 

0.jpg

Le rêve, la manière la plus habile que la nature ait pu inventer pour effacer les ennuis des exilés de la vie. 

Entre temps, dans la chambre, ils se regardèrent et comprirent qu'ils n'avaient plus rien à faire de positif sur place. Un sourire imperceptible de Bob les incitait à l'imiter. Ils se concertèrent avant de prendre congé.

Contents, ils avaient eu la chance d'être là pour le premier réveil du miraculé. Le désastre avait été évité. 

Ils sortirent ensemble avec des paroles qui les réconfortaient l'un l'autre.

L'inquiétude, lors du coma de Bob, avait été trop longue.  

Le médecin avait prévenu qu'il n'avait subi aucun dommage fatal, alors qu'au départ, les dégâts physiques apparents, faisaient penser au pire.

Bob, sauvé, les autres soulagés, cela devait s'arroser. Ils allèrent à la buvette de la clinique.

Tout était pour le mieux.

God bless them all. 

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04/01/2013

Chapitre 04: Une convalescence de réflexions

« Une convalescence est comme un fruit qui mûrit... », Jacqueline Mabit

0.jpgQuelques heures plus tard, après son premier réveil, sans connaître au juste combien, peut-être le lendemain, Bob revint à lui. Ce fut le chirurgien qui était, cette fois, à son chevet.

- Bonjour, Monsieur Manson. Nous avons eu quelques difficultés à vous remettre en état, mais je vous assure que vous allez rester en vie. Vous avez l'art de vous mettre dans un état à faire pâlir d'envie, Ramses II. Rien de vital n'a été touché, un miracle. C'est plutôt l'explosion de votre voiture et l'incendie qui a suivi qui nous ont obligé de vous couvrir le corps de la sorte. Il y a eu quelques réparations à faire aussi, mais ne vous inquiétez pas trop. Ce n'est pas sûr que vous allez retrouver toutes vos facultés dès demain et sans efforts de votre part. Il vous faudra quelques rééducations, au paravent. De la kiné, bien sûr. Cela devrait sauver quelques articulations endolories. Mais, attendez quelques temps. Heureusement que vous avez eu la présence d'esprit de sauter de voiture, sinon vous ne seriez plus ici.

Bob eut presque envie de sourire, mais les lèvres ne suivaient pas son esprit. l avait de l'humour.

"Ramses IIUn chirurgien, expert en égyptologie, cela ne doit pas être courant", se dit-il. Lui, il en avait à peine entendu parler.

-Marta, ne laissez pas trop de visiteurs entrer chez Monsieur Manson. Il a besoin de se reposer. C'était beaucoup trop la dernière fois, dit-il.
L'infirmière, Marta qui l'accompagnait, opina de la tête sans répondre.

Une fois, le chirurgien sorti de la chambre, Bob commença à réfléchir au sujet de la visite dont il se souvenait lors de son premier réveil.

D'abord sa femme, qui se faisait aimante. Elle qui n'avait plus vue depuis un mois, qui avait claqué la porte, qui était proche de demander le divorce avant son accident.
Ensuite, Marcovitch qui faisait les yeux doux comme si rien ne s'était passé, comme le pouvait être un Samaritain de bas étage. 

Dans le royaume des faux-culs, il doit y avoir des empereurs en formation. Les collègues étaient les moins soupçonnables.

S'il avait pu bouger, parler sans problèmes, quelle attitude aurait-il dû prendre ? Devait-il réagir, bouder ou s'insurger ? Il n'en avait pas les moyens, donc, cela restera une question à se poser plus tard. Actuellement, il avait besoin de soins, de douceurs et de compassions. Il fallait continuer et entrer dans leur jeu et sortir de ses propres convictions. Il n'était pas à mène de contredire qui que ce soit ou de contrefaire leurs actions de bienfaisance en bons offices ou de « public relation ».

Feindre l'amnésie et laisser le temps au temps. Après il aviserait.
Une heure après, il reçut la visite de son épouse. Toujours aimante, attentionnée. Toujours le même manège de réconciliation qui ne semblait absolument pas forcée. 

- Comment vas-tu chéri ? 

Les lèvres de Bob essayèrent de remuer pour dire seulement, "bien" ou de sortir une feinte dont il avait le secret. A peine perceptible.

-J'ai apporté des fleurs. Cela mettra un peu de couleurs dans cette chambre trop blanche.

Elle passa encore une heure avec Bob et puis s'en alla. 

Le lendemain, comme il avait été prévu quelques autres collègues de son équipe vinrent à son chevet, solidaires. Étaient-ils curieux ou y avaient-ils un peu de solidarité avec lui ? Cela semblait sincère.
Ils lui racontèrent les dernières histoires drôles pour lui faire oublier les moments tragiques. Le mauvais caractère de quelques clients, un sujet favori. Ses lèvres bougèrent dans un demi-sourire pour leur faire comprendre qu'il n'était pas devenu idiot et pouvait les comprendre, mais que ses maxillaires ou zygomatiques lui faisaient mal.

Puis, les semaines passèrent. Ce fut une guérison lente qui commença. Lente, progressive et patiente. Bientôt, il put bouger, se mettre sur son lit. 

Recoller les morceaux. Le travail du kiné commença. Le reste de son corps apparut. Les dégâts n'étaient pas trop apparents.

Pour passer le temps devenu trop long, Bob demanda une télévision.

Les actualités du soir arrivèrent dans le programme de la télé, puis vint une émission-documentaire parla des évènements qui entouraient les élections américaines. Un détail lui frappa l'esprit. Le présentateur parlait de Pâques. C'est alors qu'il se rendit compte que tout ce dont il parlait, lui était étranger, qu'il ne se souvenait de rien. Le trou de mémoire. Il essaya de remonter le temps de sa mémoire. Plus de rien entre la Noël 2011, dont certains points lui revenaient et le départ de Mary en juin de cette année. Si ce qui avait suivi, il s'en souvenait presque de tout. Sa période de coma après l'accident ne pouvait pas lui laisser sans souvenirs de ce qui l'avait précédé. Pourtant c'était le cas. Le trou noir. 

Quelque chose clochait au niveau dans le timing de sa mémoire. 
Avait-il été zombie pendant une période plus longue que celle qu'il imaginait ?

Il n'y pensait pas, ce n'était pas dans son caractère. Bob n'était pas un fan des romans de fictions pour penser à un voyage dans le temps. S'il ne souvenait pas des évènements du monde, ceux qui lui étaient plus intimes, il aurait dû s'en rappeler. Même le pourquoi de l'abandon Mary du domicile conjugal l'avait quitté. Les élections pour le second mandat d'Obama bouchaient un peu trop les émissions de la télé. Il prit la zapette et éteignit la télé pour commencer à réfléchir.

Les bons sentiments à son égard de son épouse. L'attention de Marcovitch qui manifestait une joie de le voir vivant alors que normalement, suivant le timing de Bob, alors qu'il aurait pu se sentir si pas content de sa chute, au moins débarrassé de l'obligation de lui verser d'indemnités de dédits. Il semblait qu'il ne tenait nullement compte de son renvoi de la société. Bizarre.

Difficile de faire aussi vrai ou alors, c'était un parfait acteur qui avait raté leur vocation. Mary qui avait rejoint l'opération de bons offices et qui regagné la maison du couple et qui ne semblait pas parler de ce qui l'avait causé, comme si de rien n'était. Bizarre.

Son accident avait été banal et devait arriver tous les jours dans le monde. Le sien était dû à une colère mal contenue et il s'en souvenait. 

Il devait y avoir autre chose.

Un dérapage de mémoire avec effacement partiel.   

Une sorte d'Alzheimer temporaire avec un trou en son milieu, comme si son coma avait été morcelé pour lui, alors les mêmes évènements, plus récents, semblaient n'avoir jamais existé pour ses interlocuteurs. Un shift du temps. 

A partir de là, tout pouvait arriver. S'il jouait leur jeu, il pouvait dès lors reconquérir son épouse. Passer plus de temps avec elle. Prendre des vacances ensemble pour permettre pas de reprendre des conversations d'amoureux, transies par des années de solitude à deux. Le fait qu'il avait été viré pouvait disparaître de du même coup. Il semblait toujours faire partie de Pharmastore. Ce dernier point restait tout de même à confirmer et à réajuster complètement sur des bases stratégiques nouvelles.

Pourquoi ne pas les prendre le destin à revers et se construire un nouveau futur avec une vue antérieure même partielle, en entrant dans leur jeu?

La nuit suivante, Bob ne dormit pas un seul instant à réfléchir.


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31/12/2012

Chapitre 05: Les premières révélations temporelles

« Dans l'échec, tous les hommes finissent par se ressembler. La réussite est le révélateur des natures, et ce qu'elle révèle n'est pas souvent beau. », Maurice Chapelan

0.jpgBob était, ce qu'on peut dire, un bon malade. Pas grincheux pour un sou. Il avait créé de bonnes relations avec les différents soigneurs.

Mary continuait ses visites quotidiennes. 

Le chirurgien était revenu quelques fois à son chevet pour garder le contact et suivre les progrès de sa médecine.

Bob avait le même sens de l'humour que lui. Il appréciait ses visites comme le délassement de la journée.

Sans vraiment le laisser entrevoir, pour joindre l'utile à l'agréable, Bob lui posait des questions courtes pour combler ses trous de mémoire concernant l'actualité publique.

Puis, les visites s'estompèrent, ne laissant plus que la place au kiné pour continuer à lui fortifier le corps toujours prioritaire. 

Ses bandages avaient été enlevés, un à un.

Fin septembre, Bob marchait sans béquilles depuis quelques jours seulement.

Remettre l'esprit à niveau professionnel et familial dans de meilleures dispositions fut réservé à l'étape suivante. 

Il n'avait jamais été un grand consommateur de télé, mais tout ce qui parlait d'évènements du début de l'année, l'intéressait au plus haut point. Comme pour l'Hibernatus, remplir le trou de mémoire devenait presqu'une obsession.

Le kiné, un beau noire, tout en muscles, fut celui qui ordonna les histoires chronologiquement sans que lui-même ne se rende compte que Bob avait des trous dans son agenda du temps.

Pendant qu'il le massait, Bob le questionnait bêtement, presque inconsciemment avec des questions presque futiles, l'air de rien.

- Tiens, j'ai vu un documentaire à la télé, hier soir, disait Bob.

- Ah, oui, il faut savoir tenir ses neurones éveillés. Moi, les films à la télé avec la pub et ces remakes, ce n'est pas trop mon truc. En cette période, c'est toujours la même chose. Nous avons tellement de chaîne et, même, zapper de l'une à l'autre, cela m'épuise car cela ne sert à rien. Les élections qui approchent me donnent le tournis. Plus question de voir un film sans être interrompu des dizaines de fois par ces spots électoraux.

- J'ai pu le constater. Le mandat d'Obama qui touche à sa fin, nous fout les boules.

- Ouais, les élections, c'est toujours la même chose. Bientôt les débats entre les candidats. Cela va se corser. Un beau match entre Titans. Obama devrait gagner mais Romney reprend du poil de la bête.  

Bob connaissait l'opinion du kiné. Ce n'était pas son opinion sur l'un ou l'autre des candidats qui l'intéressait.

- Oui, bien sûr. Une belle bagarre en perspective dans les deux mois qui suivent. Le temps passe tellement vite qu'on s'y perd un peu en chemin. Qu'est-ce qui ne s'est pas encore passé depuis le début d'année pour en arriver là ?

Une question banale qui a priori, ne donnerait qu'une réponse évasive, mais essentielle pour Bob pour le faire remonter aux évènements du monde qui lui manquaient Des trous de mémoires dont il souffrait mais dont il ne voulait pas informer personne, ni éveiller leurs soupçons d'un quelconque trouble avant d'en connaître les raisons. Ce qu'il était aujourd'hui, d'où il était venu dans un passé proche, il connaissait sans problèmes alors qu'il ne gardait aucun écho de ce qui avait précédé.

Le kiné était un bon interlocuteur pour l'en informer.  Il aimait bavarder, donner son opinion sur tout et il ne faisait pas partie du jeu de poker menteur auxquels pouvaient se livrer les plus proches.

Pour Bob, tout était devenu des pièces de puzzle qu'il se devait de remettre en place en trois dimensions dans l'espace et dans le temps. Il le savait l'opération pouvait le réconforter ou le déstabiliser. Mais il voulait en prendre le risque. Le doute, la peur de ne pas savoir le rongeait bien plus. Cette césure dans le temps avait dû avoir une raison, une histoire qui ne correspondait pas aux actions tarabiscotées du film "The game" dont il se souvenait. Bob, contrairement à son héros n'avait rien demandé pour changer son futur. Celui-ci lui avait été imposé. 

Il ne laissait rien entrevoir de ses lacunes de mémoire à Mary. Sa nouvelle situation dans un premier temps, le fait d'être choyé par elle, lui plaisait. Il s'en accommodait en prenant tous les avantages. 

Il ne voulait pas changer cette impression de bien être, de famille unie, de collègues dans une ambiance cordiale de camaraderies. Cela faisait partie de sa reconstruction, de sa reconversion.

Aucune envie de rallumer la mèche d'éventuels désaccords.

La suspicion avait ses limites. Ne pas verser dans la paranoïa.

Le reste, c'était pour plus tard, à son retour à la maison, si cela s'imposait mais il fallait qu'il reconstitue les évènements publics avant tout comme des références.  

Les semaines passèrent et il se sentait de mieux en mieux. Une petite difficulté de bouger le bras gauche sans effort, une interdiction de croiser les jambes par prescription médicale, mais rien en relation avec les débuts dans la clinique. On devait lui avoir implanté une prothèse artificielle et des articulations qui ne l'étaient pas moins. Bob était devenu un autre homme, un peu bionique et cela l'amusait plus que l'effrayait.

Fin octobre, Mary avait reçu l'autorisation de le faire rentrer au bercail. Elle avait immédiatement pris les dispositions pour le ramener à la maison. Noël approchait et les enfants se faisaient une joie de la passer avec eux, lui disait-elle avec enthousiasme. 

Les mots "les enfants" l'avaient fait réfléchir. Toutes les paroles de Mary le faisaient d'ailleurs.

De quels enfants s'agissait-il ? Bob n'avait qu'un fils. Elle devait probablement assimiler le pluriel à sa bru et qui sait, à sa progéniture qu'il n'avait jamais vu. John, son fils, était très certainement content de présenter son épouse avec le bébé, puisqu'il avait de vagues souvenirs qu'elle avait dû accoucher.

Être dans une famille unie, cela n'avait pas de prix et cette réconciliation se présentait sous les meilleurs auspices.

Le reste, la vérité n'avait plus d'importance dans l'immédiat.

Mary se faisait toujours aussi aimante. Le débat entre Obama et Romney du 3 octobre l'avait quelque peu excité. Il découvrait une autre femme en elle, attentionnée qui aimait s'occuper de son mari malade mais, aussi, un peu "passionaria" en politique. Elle avait même pris quelques jours de congé pendant le mois dernier pour soutenir son candidat que Bob n'avait aucun problème pour deviner pour qui elle voterait. Mitt Romney, sans hésitation. Et son poulain avait marqué des points.

Il ne pouvait pas la décevoir en trouble-fête, lui qui était pro-Obama et il ne prit pas son opposition.

Ses talents d'organisatrice, elle allait les mettre en pratique quand le moment fut venu de revenir à la maison. Cela, seul, comptait.

Quelques jours après, ce fut le départ de la clinique. Pour ne pas l'obliger à marcher, elle avait réservé un déambulatoire pour sortir plus facilement de la clinique. Elle savait qu'il aurait pu faire le chemin sur ses deux pieds, mais elle disait que cela faisait mieux de faire plus malade aux yeux des voisins, pour justifier son absence prolongée au bureau et ainsi continuer ses bons offices.

Une voiture qu'il ne connaissait pas, attendait à l'entrée de la clinique.

Ce n'était pas la copie conforme de sa vieille MG, qu'il avait toujours aimé mais elle en avait la couleur rouge pour lui ressembler. L'ancienne avait payé de sa vie comme tout ancêtre, dans une embardée qui l'avait fait échouer lamentablement dans le fond d'un ravin.

- J'espère que ta nouvelle voiture te plaise, Bob. dit Mary.

Bob n'avait pas à juger le choix de Mary. Elle avait d'autres goûts et il n'avait pas l'intention de faire la fine bouche.

- Oui. Elle est très belle. Tu as toujours eu beaucoup de goût. Merci.

La clinique était en plein centre de San Francisco. Le trajet ne devait pas durer longtemps. 

Mary au volant. Bob, à l'arrière de la voiture, n'eut aucune envie de décrire les rues qui déroulèrent leur activité habituelle. Trop content de quitter la clinique, il n'eut pas un moindre regard vers elle, par la lucarne arrière. 

Un regard vide au défilé des voitures, des gratte-ciels. Le Golden Gate arriva et revoir son pont préféré fut le seul sourire du du voyage qui s'afficha sur ses lèvres. 

Mary avait bien préparé le terrain de son arrivée. Elle avait raconté les dernières péripéties à ceux qui voulaient l'entendre pour qu'ils soient préparés aux retrouvailles.

Sausalito. Enfin, au détour d'un chemin, la maison qui arriva dans son champ de vision.

- Content d'être rentré, chéri ?, demanda Mary en se retournant vers lui. Les premières paroles du voyage...

-Bien sûr. Je reviens de loin. Je ne pensais pas revenir encore vivant.

Il n'avait pas envie de parler de ce lointain passé. Son devenir était de plus en plus dans son présent.

A l'entrée, sur le perron, son fils, John, était là avec sa femme, tout sourire aux lèvres, un bébé dans les bras. Bob était grand-père. Il en avait désormais la preuve.

Une banderole avait été plantée au-dessus de la porte d'entrée avec un grand « Welcome Daddy » en technicolor. 

Pour accueillir le revenant, sur le perron, le voisin avec son épouse, son fils et sa bru avec un bébé sur les bras. Plus loin, à l'intérieur, un « Home sweet Home » prônait au-dessus de la cheminée.

La table était mise. Les rallonges de la table étaient sorties pour accueillir huit couverts.

- Ce sera une répétition pour le Thanksgiving, dit Mary, avec un rire nerveux de plaisir.

Les deux places vides étaient réservées aux parents de Mary qui arrivèrent en soirée.

Ce le fut vraiment, une soirée exceptionnelle pendant laquelle on oublie tout et on remet les compteurs à zéro.

Rire et manger, n'est-ce pas les meilleurs moyens pour tout oublier ?

Aller irait plus loin dans sa quête d'informations, il n'y pensait même plus.

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27/12/2012

Chapitre 06: Réconciliation avec le passé

« Les morts se prêtent aux réconciliations avec une extrême facilité. », Anatole France

0.jpg

Le 6 novembre, ce fut la réélection d'Obama. Secrètement, il était content qu'il eût gagné. Il n'en laissa rien paraître à Mary qui plus nerveuse que d'habitude était visiblement contrariée par le même événement.

Pas question de commencer un conflit familial pour un problème de politique. 

Tout doucement, Bob reprenait goût à la vie. L'idée que tout était beau, gentil et peut-être vrai, l'avait effleuré.

Marcovitch lui avait donné un mois de plus après sa convalescence à la clinique. Il oublia l'événement qui d'après lui, avait provoqué son accident.

Les cicatrices physiques s'effaçaient définitivement par suite des soins que Mary lui apportait.

Le kiné était encore venu une ou deux fois. Plus une visite de courtoisie que pour donner des soins. Une amitié s'était forgée entre eux. 

Les cicatrices morales, elles, s'estompaient derrière un mur de bonnes paroles volontaires.

Ce qu'il avait enduré pendant le mois de solitude avant son accident, ne pouvait être qu'un effet du hasard suite à une erreur de jugement et du temps. Il se forçait à le penser ainsi.

Un soir, il en entama la consécration de ce succès dans une conversation avec Mary pour couronner ce changement psychologique.

- Mary, si on partait en vacances une semaine. Nous sommes presque en hiver, et si on allait en montagne. Tu ferais du ski. Je me reposerais au soleil. Cela fait tellement longtemps.

- Ce serait une bonne idée, mais nous avons un projet important au bureau pour l'année prochaine. Je ne peux quitter le bureau aussi facilement. Ta convalescence ne va pas durer et bientôt tu retourneras au boulot. Je suppose que tu as déjà repris des contacts avec tes clients et...

- D'accord, mais ce serait aussi une possibilité de remettre nos compteurs à zéro. Nous sommes mariés depuis 29 ans. Dans quelques mois, 30 ans de vie commune. Nous sommes un vieux couple reconnu comme tel par nos connaissances. Tu ne crois pas que ce serait une bonne idée de tout balancer et de penser à nous pour un temps. Notre garçon semble sur les rails. Au Mammoth Lake, par exemple. Ce n'est pas loin. Quatre heures de route et on est en pleine nature dans les grands espaces, il devrait déjà y avoir de la neige. Et, Là-haut, le soleil brille. Il y a longtemps qu'on y a été. Qu'en dis-tu ? 

- Je vais voir ce que je peux faire, mais je ne te promets rien. Ne fais pas de projets sur la comète avant que je ne t'ai donné le feu vert.

- Ok mais ne tarde pas. Mon congé supplémentaire ne va pas durer. Nous sommes déjà tard pour entamer un voyage sur le pouce.

La conversation s'arrêta là. Bob n'avait pas l'intention de lui donner plus de raisons intimes à l'écarter de la maison. Pour ce qui est du boulot, s'il avait repris des contacts avec le bureau, ce n'est pas pour le faire revenir dans l'esprit des clients. Ceux-ci avaient appris sa mésaventure. Son équipe avait repris les rênes de ses propres affaires et certains avaient été délégués pour lui remettre leurs voeux de prompts rétablissements.

Tout tournait sans lui et jusqu'ici, il n'avait pas encore eu l'envie de se remettre le collier autour du cou. Cette vie, légèrement handicapée dans sa mobilité, ne le contrariait qu'à moitié, en définitive. Il n'avait jamais connu cette plénitude d'un bonheur qu'il n'avait pas connu en pleines facultés physiques.

Jamais, il n'avait pris le temps de regarder la maison et le jardin avec autant de sagesse et de plénitude. Ce n'était pas du yoga, mais ses moments de réflexions ressemblaient à une analyse existentielle. Il se rendait compte que rien n'était jamais acquis ni dans un sens ni dans l'autre.

Il ne voulait plus ressembler à l'homme d'avant, ne plus recommencer ces moments sombres et de disputes.

Non, vraiment, pas de crainte à avoir. 

Il prit le temps de lire, ce qu'il avait oublié de faire depuis longtemps, trop occupé au boulot. Pas vraiment bricoler dans la maison, mais remettre de l'ordre dans sa vie. Des occupations qu'il avait perdues de vue.

La maison n'était pas grande mais jolie. De type méditerranéen, comme beaucoup. Le jardin était de la taille d'un jardinet que l'on mesure plus en centiares qu'en ares. Un palmier prenait beaucoup de place et nécessitait depuis quelques temps plus qu'un élagage. Le parterre de roses à arroser complétait la place encore libre dans son emploi du temps. Les roses avaient ainsi, comme lui, repris goût à la vie.

Bob était un américain de traditions. Californien dans l'âme, il aimait son pays. L'Etat dans lequel tout était possible, pour seul horizon. Il ne connaissait quasiment rien du reste du monde si ce n'est par l'intermédiaire des médias.

Depuis un certain temps déjà, il se rendait compte que la Californie était partie en vrille avec ses nouveaux chômeurs de la classe moyenne. Mais il se cachait derrière cette réalité. C'était le paradoxe d'une situation vieillissante mais qui faisait toujours un carton au box-office. Quand on travaille dans les nuages que l'on appelait le "cloud computing", il en était encore loin. Il n'avait pas le besoin d'atterrir en sortant des nuages puisqu'il n'avait décollé. Il n'avait jamais voulu partir dans ce djihad en mode "bleu" ou "vert", devenu la phobie ou la religion de la Silicon Valley.

Ils connaissaient trop bien les yuppies qui étaient aux commandes. Cette "Valley" avec ses gosses de riches et ses pelotons de créatifs, il ne voulait pas en faire partie. Cela lui avait souvent joué trop de concurrence avec une certaine agressivité. Bob avait une excellente formation issue de facs d'élites, mais il ne se sentait pas intégré dans ce domaine de friqués et de dingues que l'on adore ou insulte au besoin. Dans son équipe, il comptait deux Indiens, trois Mexicains et un Cubain. Les autres étaient des natifs, des immigrés d'une autre époque, devenus de purs Américains plus vrai que nature. Tous aimaient les sports pour garder la forme physique à courir comme seule arme de destruction massive de cet esprit rivé à l'économie. Quitter la Californie et ses grands espaces, jamais l'idée ne l'avait effleuré.

Ce soir-là, Mary revint avec la bonne nouvelle.

- J'ai parlé à mon chef. Il m'accorde une semaine. Je prendrai mon PC et mon portable avec moi, mais je dois être rentré à la fin du mois de novembre pour un meeting. Si tu veux te charger des réservations.

- Formidable. Je m'en charge. J'avais déjà jeté un coup d’oeil sur les hôtels. Il y a des séjours de ski... et si cela ne marche pas, pourquoi pas l'inverse au soleil plus au sud, au Mexique... et refaire notre voyage de noce en Basse-Californie...

- Je te laisse seul juge. Fais pour un mieux. Je sais que tu as des talents d'organisateur. Je te fais confiance.

Le dîner fut encore plus joyeux que d'habitude comme de jeunes amoureux. Les yeux rivés dans les yeux, Bob se disait que sa stratégie était la bonne pour contrecarrer ce mauvais présage qui faisait partie d'une vie plus antérieure. Une fausse vie sans futur qu'il fallait relier au présent, un peu plus tard.
Le lendemain, tout fut réglé. Une réservation sur Internet. Départ pour Mammoth Lake pour le lendemain.

Tout se passa comme prévu. Quatre heures de route dans les grands espaces qu'il reconnaissait pour avoir visité quelques clients sur place. Mary conduisait. 

Il remarquait qu'il ne connaissait pas beaucoup du métier de Mary. Elle travaillait dans un bureau d'architectes.

Elle lui raconta les derniers projets dont elle devait s'occuper.

Bob l'écoutait avec une écoute qu'il n'avait eu que rarement l'occasion. Construire des maisons, quelque chose dont il ne connaissait pas grand-chose. Bob découvrait ou redécouvrait la passion de son épouse. Que de temps perdu, se disait-il.

L'étape suivante du plan réconciliation pouvait commencer à germer. Quant à la conciliation avec le futur, tout restait à faire.


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23/12/2012

Chapitre 07: Des vacances studieuses

« Mon éducation, je l’ai faite pendant les vacances. »,  Osbert Sitwell 

0.jpgPendant les premières matinées, Mary était partie skier sous son conseil.

Le deuxième jour, Bob regardait les montagnes et rêvait. Cette semaine, il voulait la réserver en partie à éclaircir son passé professionnel.

Assis dans une chaise longue, habillé chaudement, il suivait à la jumelle quelques skieurs et à rechercher Mary sur les pistes de ski.

Il faisait froid, mais beau, aucun vent et un soleil qui rendait la neige trop brillante pour continuner à viser la neige trop longtemps.

Il prit son laptop dans ce temps libre.     

Du temps à se reconnecter avec sa société 'Pharmastore' pour comprendre pourquoi il avait été mis sur une liste noire avant l'accident car il en doutait de moins en moins et parl là, comprendre le revirement qui en avait suivi.

La première récolte de renseignements qu'il pouvait rassembler sur Internet, n'apportait rien de bien explicite ou d'utilisable, utile pour confirmer ou infirmer ses soupçons.

En général, tout se résumait à plus ou moins des annonces publicitaires. Un catalogue prix de médicaments que l'on pouvait commander par l'intermédiaire de la Toile. Quelques renseignements sur la santé de l'entreprise limités à la fin de l'année 2011, terminée sans heurs. Rien au sujet des échéances trimestrielles. Il ne serait pas étonné si les bénéfices de fin d'année 2012 allait fondre, même si le chiffre d'affaire devait probablement grimper.

Pas de « profit warning » en vue, c'était déjà ça. Le dernier rapport du patron lors de l'interview d'une journaliste de Wallstreet disait que les résultats correspondaient aux attentes, et aux perspectives ou plutôt, pour être plus exact, à la conjoncture morose qui réduirait les bénéfices. Mais le message était, il ne fallait pas s'inquiéter. La planification de nouveaux produits allaient relancer les ventes. Pas d'annonces tapageuses, explicites sur ces nouveaux médicaments contre le Sida et la maladie d'Alzheimer n'avait pas été évoqué. D'autres projets sur les maladies orphelines n'avaient pas reçu l'aval des administrateurs ou des actionnaires. Le secret du fait que les délais avaient dû être postposés par manque de résultats probants des tests, était préservé.

Point positif, aucun plan de restructuration à l'horizon de la fin de l'année 2013.

De proche en proche, Bob, vu son expérience du terrain,  commençait à ébaucher un autre avenir de la société même si le rapport ne permettrait pas à se faire des idées précises de la situation. Il était clair que les administrateurs préparaient les actionnaires à des chambardements à la fin de l'année fiscale. Se faire racheter pourrait se manifester bientôt pour confirmer l'idée que seule une société plus grosse et bien en forme pouvait encore donner des fruits dans un soucis d'économie d'échelle. Soucis qui mène obligatoirement à des licenciements vu la redondance des fonctions. 

Son enquête se poursuivit par la lecture des concurrents de «Pharmastore». Au début, il ne trouva rien de particulier.

En pousuivant sa recherche, il constata que le principal concurrent, «Pharmacom» s'apprêtait à racheter «Europhar». En cherchant plus loin, il apparaissait que cette dernière, producteur européen était en difficulté. Des brevets  sur des médicaments stratégiques arrivaient à échéance et tombaient dans le domaine publique. Les médicaments génériques étaient poussés en avant par les gouvernements européens pour épargner les remboursements des mutuelles. Une nouvelle restructuration au menu. 

Plus loin encore, une autre annonce rendait la situation générale encore plus claire: "USA: le pharmacien GSK paie une amende record de 3 milliards" pour mettre fin à des poursuites du gouvernement américain liées à la promotion illégale de certains médicaments, de ne pas avoir dévoilé certaines données liées à la sûreté (des médicaments) et d'avoir fait de fausses déclarations sur les prix... plus gros accord à l'amiable d'un groupe de santé dans l'histoire des États-Unis et du plus gros versement par un groupe pharmaceutique. ... enquête engagée par le procureur de l’État du Colorado en 2004 et reprise en main plus tard par le procureur du Massachusetts sur les pratiques commerciales du groupe liées à neuf produit. GSK, forcé de tirer sur la ficelle des impôts en se concentrant sur les vaccins comme vache à lait".

Un autre article, Janssen et Pfizer ramaient dans la découverte de médicament contre le sida. Ce qui avait décidé la société d'arrêter les recherches trop couteuses.

Pour d'autres médicaments, il apprenait que la contrefaçon touchait huit cent médicaments dans le monde. Ce qui devait également entraver les bénéfices.

Non, tout n'allait pas si bien dans les entreprises pharmaceutiques. Dans tous les secteurs d'activité, il fallait se battre, mais dans celui-ci, il fallait jouer des coudes dans une véritable guerre de tranchés contre les concurrents, mais, en plus, contre les autorités des pays. 

Il avait appris les histoires de magouilles qui planaient au dessus des médicaments dont il avait été parfois, l'instrument de vente comme l'était "Mediator". Des effets secondaires non nuls ou au contraire, qui se révélaient avoir une efficacité trop faible.

Son renvoi de Pharmastore, qu'il avait gardé en mémoire, pourrait, dès lors, très bien ne pas être une pure imagination ou une vision chimérique.
Il avait pris des notes au passage d'un site sur l'autre et avait construit les bribes d'un dossier. Mais, la question subsistait: pourquoi, ce revirement artificiel après son accident?

Il était encore plongé dans ses réflexions, quand Mary rentra.

Assez excitée, elle était à des années lumières des considérations de Bob.

-Comment as-tu passé les dernières heures? Tu ne t'ennuies pas trop? Tu devrais me rejoindre sur la neige. Tu verrais que la glisse apporte tellement de plaisir », lança-t-elle.

-Qui a partagé tes glisses sur les pentes neigeuses?

-Comme, il y avait longtemps que je n'avais plus skié, je me suis inscrit à des cours et le moniteur était vraiment un chouette gars, très sympa, répondit-elle avec une certaine excitation dans la voix.

Touché. Des paroles qui réveille une jalousie innée et secrète, mais Bob ne laissa rien voir de ce sursaut. 

-Je suis désolé de ne pouvoir t'offrir ma présence maladive. Je ne suis pas sûr de pouvoir être en forme pour skier avant longtemps.

Elle devait avoir vu les joues de Bob rougir.

-Chéri, je ne voulais pas te reprocher quoique ce soit. Je te faisais le résumé de la matinée, sans plus. Es-tu jaloux?

-J'avoue, un peu. Jaloux de ne pas pouvoir t'accompagner, mais heureux que tu passes agréablement ta journée et que l'on se retrouve ensuite.

-Tu sais que je t'aime, non? 

-Figure-toi qu'il y a des moments, il fut une temps où j'ai hésité à le croire.

Mary ne voulait pas engendre ce genre de conversation et fit semblant de n'avoir rien entendu.

-Demain, je t'emmène. Tu verras que tu en oublieras tes problèmes de la veille.

Elle leva les épaules et quitta la conversation avec un sourire très câlin aux lèvres.

-D'accord. On verra si je peux me transformer en danseuse étoile sur la neige, répondit Bob en lui rendant son sourire.

Bob avait 52 ans et Mary en avait cinq de moins. En pleine force de la mûre séduction, elle ne pouvait cacher ses manières de dompteuses.

Les jours suivants se déroulèrent sans heurs. Les promenades à deux avaient un charme que chacun semblait apprécier. Le soleil au dessus des nuages avait brûlé et tanné les peaux. Le soir, après le restaurant de l'hôtel, quelques skieurs venaient raconter leurs exploits dans le salle de repos. Ils divulguaient les pistes moins encombrées avec une neige encore molle dans laquelle on ne se fait pas de mal en tombant. Des informations stratégiques que tous skieurs écoutaient avec attention.

Mary et Bob avaient fait la connaissance d'un autre couple plus jeune dont, le mari, Jef, avait des sujets de conversations en commun puisqu'il était vendeur en vins californiens. La vente attire les idées de vente entre ses acteurs, peu en importait ce qui en constitue la substance. Les difficultés de vendre se retrouvent en commun.

Le temps avait passé plus vite que prévu. La semaine s'était écoulée et il fallut repartir. 

Mary n'avait quasiment pas utilisé son portable qui restait toujours à proximité, connectée avec le monde des affaires.

De l'après-midi jusqu'au soir, Bob, au contraire, avait fait le break complet et ne voulait pour aucune raison être dérangé de ses moments précieux de bonheur. Le cadre avait été superbe. La dernière nuit, la neige était tombée et le lendemain, le brouillard était tombé le matin. Un temps qui ne fait pas regretter de repartir et d'établir une conclusion au voyage.

La montagne, prise sous la neige blanche, lui avait apporté une paix indicible et il avait fait quelques belles photos avec un pied de ce décor féerique à tous les moments de la journée. Photos qu'ils revoyaient ensemble le lendemain.

Avant de partir, Bob prit Mary à témoin de ce qu'il avait découvert sur Internet et lui demanda:

-Penses-tu, parfois, devoir quitter la société qui t'emploie et recommencer à zéro ? Vendre des maisons et en construire, ce n'est plus la grande fougue des Américains quand on pense aux subprimes. 

-Non, pourquoi ? As-tu des intuitions qui te le ferait penser pour toi-même?

-Tu connais les affres de la crise qui touche toutes les entreprises. On restructure partout. On rajeunit les cadres. On rationalise les postes pour obtenir plus de bénéfices dans le rayon pharmacie.

-Je lis les journaux comme toi, mais ressens-tu cette tendance dans ta propre société? «Pharmastore» n'est pas une «start up». Marcovitch, le chef de Human Ressources m'a semblé très serein pour l'avenir de la société quand nous avons parlé pendant ta convalescence. On aura toujours besoin de médicaments surtout avec le vieillissement de la population.

-C'est peut-être cela qu'il faut craindre. Quand il y a de l'argent en caisse. Une société se doit d'éliminer les éléments qui coûtent trop cher. Les branches trop vieilles comme moi, les actionnaires pourraient aimer les couper. Aujourd'hui, on met des jeunes fraîchement sortis des universités qui s'ils n'ont pas l'expérience, ont des avantages indéniables de connaître de nouvelles techniques de vente. Eux, ils aiment les titres ronflants et ne sont pas encore trop regardants sur le montant de leur fixe. C'est ça prévoir l'avenir pour une société dans le vent, non?

-Mon cher Bob, tu ferais peur à n'importe qui. Tu ferais pleurer le bébé qui vient de naître avec tes histoires. Tu es d'un triste à casser toute l'ambiance d'une fête. Je ne te suivrai pas dans cette voie. Nous avons passé une semaine de vacances exceptionnelle à deux sans tous ces soucis et te revoilà replongé dans la moise comme un oiseau de mauvaises augures.

Bob n'avait pas l'intention de la faire peur et encore moins de lui reparler de son aventure mystérieuse qu'il avait ressenti dans son court passé parallèle. Il voulait lui parler de ce qu'il avait découvert sur Internet, de ces rachats, des fusions de sociétés dans ce qui touchait la branche "pharmacie" et de la faire réfléchir au cas où il serait mis sur la sellette ou se retrouverait sur un siège éjectable. Sans plus. Le job de Mary était complètement différent. Il ne voulait pas la contrarier.

-D'accord. Dès ma rentrée, avant que je ne revienne sous l'emprise de la société, j'irai faire un tour parmi les collègues qui sont sensés en savoir un peu plus long au bureau. Le délit d'initié est puni par la loi mais pas pour ce qui est de se renseigner sur son propre avenir dans une société. Non?

La première partie du plan post-accident n'avait pas pris une mauvaise allure avec Mary. De ce côté, il était rassuré. Elle semblait ne plus avoir des envies d'aller voir si l'herbe était plus verte ailleurs. Il y avait quelques indices qu'il n'avait pas tout inventé. La tendresse était bien là, mais la tendresse seule ne fait pas un couple. Faire l'amour ne faisait plus partie de ses souvenirs depuis longtemps. Puisqu'il semblait que les bons sentiments reprenaient le dessus, il fallait bientôt confirmer ces sentiments.

Le deuxième volet, son avenir dans la société, demandait encore plus de suivi et de recherches, mais ce n'était qu'un début.

La suite de ses découvertes l'inquiétait plus.


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19/12/2012

Chapitre 08: Enquête de départ

« Lorsque des éléments, des détails, même anodins, reviennent régulièrement dans une enquête, il faut toujours les retenir, parce qu'ils dissimulent à coup sûr une signification profonde. », Jean-Christophe Grangé

0.jpgLe retour fut sans histoire. Des souvenirs heureux à mettre dans un album de famille.

Plus aucune allusion au sujet de la discussion de la veille.

Tout sourire, Mary était partie pour assister à son meeting important et Bob avait reçu un coup de fil de Jef et Agnes, leurs nouveaux amis avec qui ils avaient partagé quelques bons moments pendant ces vacances.

Bob repris contact avec les réalités de la maison.

"Pourquoi ne pas repeindre le living qui avait déjà quelques années de loyaux services ?", se disait-il.

Bientôt, Thanksgiving, il y a des pièces où ce ne serait pas un luxe de remettre un peu de jeune. Le soleil ronge et l'humidité termine le travail de sape.

Mais, le goût n'y était pas. Cela faisait tellement longtemps que les pinceaux et les brosses avaient dû prendre des allures de plomb fondu en un seul tenant. Il fallait probablement leur donner des remplaçants ou les rénover quand c'était encore possible. Non, trop de latence pour rompre cette alerte dans l'immédiat.

Il prit la décision d'aller au bureau pour aller tâter le terrain comme il l'avait annoncé à Mary.

Plus question de faire des excès de zèle ni de vitesses en route. Le temps était clair. La tour blanche triangulaire bien dégagée qui détenait les bureaux de la société, approcha plus vite que d'habitude.

Sa nouvelle voiture rouge, moins agressive que la MG, ne le tentait pas de revivre ce passé tragique. Quand il arriva au point de la chute de sa MG dans le vide, il eut un pincement au cœur en ralentissant et en essayant de voir les restes de l'accident.

Plus rien d'apparent, si ce n'est une profonde entaille qui déchirait un des taquets le long de la route. En y regardant de plus près, on pouvait encore apercevoir la couleur rouge de son ancienne voiture. Au fond du ravin, la carcasse avait été enlevée et seule un peu d'herbe roussie aurait pu rappeler l'accident. 
Arrivé, il trouva une place de parking au deuxième sous-sol et prit l'ascenseur.
Arrivé à la réception, la préposée l’accueillit avec un large sourire.
- Salut Bob, jamais vu un revenant en si bonne forme. Quel bronzage. Plus aucune cicatrice ?
- Salut Berty. Je ne vais pas te montrer ce qui me reste de l'aventure et faire un strip pour te montrer les cicatrices. Tout est bien caché sous les vêtements. Aujourd'hui, les chirurgiens font des miracles de coutures. De vraies bonnes femmes. Il faut dire que pour faire de la couture, ils sont un peu lent de compréhension de ce qu'est le point de croix, mais qui a besoin d'en arriver là ? Tiens, tu ne te rappelles pas de la raison pour laquelle je suis passé par ici, avant mon accident ?, questionna Bob, mélangeant l'humour à la question cruciale qui le poursuivait.

-Je ne suis pas sûr d'avoir été présente ce jour-là. C'est à ma collègue, Lizbeth qu'il faudrait poser la question. Elle est en congé depuis hier.

-Ok. Pas de problème. Laisse tomber, c'était une question banale sans intérêt. Je ne me rappelle plus de tout des détails. Cela doit être le syndrome d'Alzheimer qui me guette à ce sujet. J'ai encore quelques jours devant moi avant de revenir au turbin alors je suis passé par ici pour me remettre dans le bain. Qui est là, ce matin parmi les anciens que je connaisse ?

-Après ton accident, normal que des bouts de mémoire te font défaut. Il y a Marcovitch de "HR", Silmons de la comptabilité, Darquette de "Projects",... les autres sont plus récents. Tu ne dois pas connaître.

- Merci. Cela me suffit pour la matinée. Je vais voir Darquette.

- Troisième porte à droite.

Bob était déjà dans la direction que Berty lui indiquait du doigt, après avoir fait un clin œil et lever le pouce gauche et l'index près de la tempe. Il frappa.

Il frappa à la porte et une voix nasillarde lui dit d'entrer.

- Salut Jim, j'espère que je ne te dérange pas.

- Pas le moins du monde surtout que quand c'est un miraculé qui m'interrompt, je suis encore plus enclin à lui répondre par l'affirmative. Comment va ? On dirait que tu as rajeuni depuis notre dernière rencontre. Tu es même bronzé.

- Oui, Jim, j'ai eu une semaine de convalescence assez reposante au soleil des montagnes au-dessus des nuages. Et ici, comment progresse les nouveaux projets Pas de nouveaux médicaments en vue ? Mes clients commençaient à rester sur leur faim avant que je les abandonne à mon triste sort.

- Tu sais comme moi, que le projet du vaccin contre le Sida n'a pas encore fait des étincelles. Trop d'effets secondaires. Quant à les médicaments contre Alzheimer, de ce côté, ce n'est vraiment pas la gloire. Tu connais la Metformine et la Statine. Ils s'y intéressent mais cela n'a rien apporté de nouveau. Ils ne passeraient pas entre les mailles du fillet des tests du Conseils de contrôle. Je suis sûr que la boîte pourrait mieux s'en ressentir s'il n'y avait pas ce retard dans les délais. Pour les chiffres, je te laisse aller voir à la comptabilité. Ici, je surveille l'évolution de quelques projets. Mais n'as-tu pas de mot de passe pour aller sur Intranet ? Tu aurais déjà une meilleure approche de ce qui se passe dans notre noble maison.

- Je l'ai eu cet accès, puis j'ai perdu le mot de passe. Je n'ai jamais été un fana d'Internet, tu sais. Les listes de prix, on me les donnait imprimées pour les clients.

-Ok. L'adresse, toujours la même « www.pharmastore.us ». Prends ton nom et une initiale comme reconnaissance et je vais te donner le mot de passe après l'avoir réinitialisé. Tu peux le changer à ta guise. Tu verras que certaines entrées sont encore protégées par d'autres mots de passe. Il y a même un projet militaire ultra-secret dont peu de monde dans la boîte ont les clés d'accès pour obtenir tous les détails. Il s'agit d'un projet qui s'occupe de la mémoire.

Le mot « mémoire », Bob eut un déclic à peine perceptible, une sorte de relation de cause à effet avec son propre parcours de perte de mémoire. "Non, hallucine, cela n'a rien à voir", se disait-il.

- J'ignorais que l'on travaillait pour la Défense.

- Je ne peux t'en dire plus. Je ne m'intéresse qu'aux projets pharmaceutiques pour le public.

- Qui est au parfum de ce projet ?

- Je n'en sais rien. Le patron à New-York probablement et d'autres grands pontes. Cela t'intéresse ?

- N'oublie pas que si je suis vendeur de produits pharmaceutiques, j'ai aussi une formation de neurologie sans l'avoir vraiment patiqué.  Le cerveau, la mémoire, ce sont des domaines dans lesquels, j'ai écrit ma thèse à l'université.

- Si j'en apprends plus, je te préviendrai sans faute.

- Ok. Merci. 

Bob prit congé et sortit. Il avait son compte.
Dans le couloir, il fut surpris de rencontrer Marcovitch.

- Salut, Bob, quelle forme !

- Je te remercie de ta visite à la clinique. En effet, il suffit parfois d'un accident et on reprend des formes parfois différentes et des couleurs inattendues. Mais, je ne te conseille pas la formule, il y a des effets secondaires notoires à cette belle forme, répondit Bob avec un sourire en coin en se rappelant d'une visite dans son bureau dont personne ne semblait avoir le souvenir excepté lui-même.

"Tu oublies le traumatisme d'avoir été viré", eut-il l'envie d'ajouter, mais heureusement, il n'en fit rien. Dire cela et tout aurait été perdu, partie jouée et personne n'y aurait gagné.

Tant qu'il n'avait pas les clés de l'affaire, il avait décidé d'être muet comme une tombe sur ce passé-là. Voilà la stratégie du moment qu'il se proposait de suivre. Le complot du mutisme collégial, ce n'est pas lui qui allait le rompre. Il tiendrait bon. Le mensonge était plus contagieux qu'il ne l'aurait cru.

Une enquête, c'est toujours comme ça: au départ tout est décousu. Puis on remonte les fils et on retrouve les couleurs fusionnelles si pas originelles.


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15/12/2012

Chapitre 09: Mystères à rebondissements

« Demain est un mystère, pour tout le monde, et ce mystère doit provoquer le rire et l’envie, pas la peur ou le refus. », Marc Levy

0.jpg

De retour, Bob se reconnectait sur la Toile.

Son fils avait baigné tout jeune dans l'informatique et connaissait les moyens de ne pas s'y perdre. Bob avait essayé quelques fois et avait très vite lâché prise pour les grands espaces loin des écrans trop noirs pour lui.

Son nouvel appétit tranchait mais cette fois, il acceptait d'y consacrer plus de temps. Son expert de fils en aurait été étonné et Bob riait en le pensant.

Jusqu'ici, il avait utilisé le laptop de Mary.

Contrairement à celui de Mary, celui de Pharmastore semblait encore sortir tout droit de son premier carton d'emballage avec l'adresse d'entrée, colée sous le clavier, pour atteindre le site commercial.

Le mot de passe précédant son nom "Manson" avec l'initiale «R». 

Ensuite le mot de passe. Miracle, cela répondait toujours.

Il pénétra sur le site interne de "Pharmastore". Il se félicitait de s'être exercé au préalable. Assez agréable et intuitif à consulter, se disait-il à première vue.

Certains liens vers différents noms de projets lui disaient quelques choses. Même si cela l'attirait moins, mais il s'y attarda.
Les objectifs et l'évolution de chaque projet permettait d'avoir une idée assez précise des progrès de chacun. Les formules chimiques ne s'y trouvaient pas mais tout était documenté.

Plus loin, sautant de lien en lien, le mot « MIND » apparut. Beau nom pour un projet, ne manqua-t-il pas de penser, mais pas moyen d'en savoir plus. 
Entre parenthèse «Memories of Individuals Naturally Dispatched». C'était tout. Aucun lien ne permettait d'y aller voir de plus près. Peine perdue. 

Bob passa le reste de la journée en passant d'un projet à l'autre.
Le projet « SIDA » était bien commenté. Il était clair qu'il était important, mais aussi qu'il végétait partiellement derrière des obtentions de brevets et d'accréditations.

Quand Mary rentra, elle ne put s'empêcher de lancer avec un humour non dissimulé... 

- Depuis l'accident, j'ai un autre homme. Voilà qu'il s'intéresse à Internet, maintenant. Ce n'est plus de l'amour, c'est de la rage.

- Fous toi de moi. Je le mérite. Je n'ai jamais pris le temps, mais j'ai fait des progrès prodigieux en à peine quelques heures. Les moteurs de recherches sont tellement rapides et efficaces et n'on plus aucun secret pour moi, fit-il avec le sourire

- Je ne te le fais pas dire, mais tu n'as jamais voulu comprendre l'efficacité que tu pouvais en tirer.

Dans la soirée, le portable de Bob se mit à vibrer. Il sauta de sa chaise et pressa le bouton pour se mettre en communication. A l'autre bout, une voix qui lui était familière.

- Salut Bob, ici c'est Jim. Jim Darquette. Je ne te dérange pas ?

- Non, pas du tout. Je ne m'attendais pas à entendre ta voix de sitôt.

- Je comprends. Mais j'ai beaucoup de choses à ajouter depuis notre entretien. Es-tu seul ? Si ce n'est pas le cas, retéléphone-moi. Quand je dis seul, c'est seul, même sans ton épouse...

- Non, mais je vais aller au jardin. Comme il fait bon à l'extérieur, elle ne trouvera pas étrange que je le fasse, chuchota-t-il.

Quelques instants et Bob reprenait la conversation.

- Ok, je suis seul, vas-y.

- Désolé de devoir te demander cela mais, ce que je vais t'apprendre ne s'adresse qu'à toi. Ne le répète à personne. Moins, il y a de personnes au courant, moins il y a de risques de fuites et de risques tout court. Désolé d'imposer un tel traitement d'exclusion à ton épouse. Pas de nom. Je ne plaisante pas. Je ne pense pas que je sois sur écoute, mais il faudra que nos contacts soient les plus discrets et les plus brefs possible.

- Là, tu m'intrigues vraiment. Quand nous nous sommes quittés, je n'avais pas l'impression qu'il y avait beaucoup de secrets dans l'air entre nous.

- Tu as raison. C'était voulu. Les murs ont des oreilles. Je t'ai parlé d'un projet. Ce que j'en ai dit ne correspond pas totalement à la vérité de ce que j'en ai appris. Achète un autre portable et prends une carte prépayée, comme je le fais actuellement. Mon portable habituel, je ne l'utilise que pour le travail. Téléphone-moi demain, je serai chez moi. Ne m'en veux pas si je coupe ici, comme je ne connais pas la sécurité de ton portable. J'en ai déjà trop dit.

- Ok, J'ai relevé le numéro avec lequel tu m'appelles. Je t’appellerai demain dans la matinée. Ton affaire m'intrigue et m'intéresse à la fois. Je veux la tirer au clair. J'ai encore plus de raisons que toi pour le faire. Je ne t'ai pas tout dit, non plus. Je vis dans deux espace-temps-temps différents. Je connais des évènements que mes interlocuteurs devraient connaître tout autant que moi puisqu'ils y étaient et pourtant, ils n'en laissent rien paraître. Par contre, une autre époque ancienne, me semble, elle, inconnue, perdue dans mes souvenirs. Mais... 

De l'autre côté, plus de tonalité, on avait déjà raccroché. Pas sûr que Jim ait tout entendu. Il devait avoir raison. Localiser des interlocuteurs prend un certain temps qu'il ne fallait probablement pas dépasser dans ce cas. 

Il rentra. La soirée se déroula sans plus aucun commentaire à ce sujet.

 

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11/12/2012

Chapitre 10: Révélations

« Ne révèle pas aux autres le malheur qui te frappe. », Pindare

0.jpgBob ne parvenait pas à dormir.

Mary dormait profondément quand il se leva et alla rêver sur la terrasse. Le ciel était limpide. La pleine lune éclairait la mer.

Il se servit à boire.

Les précautions que Jim demandait et qu'il fallait prendre pour ne pas être découvert, il n'avait jamais eu l'occasion de connaître un tel secret à ne pas partager avec Mary pour ne pas l'impliquer.

Tout cela lui faisait peur, tout en l'excitant. 

Jouer les agents secrets, participer à un "complot", c'était à la télé qu'il voyait cela et il était dans la vraie vie.

Un dilemme se présentait à lui. 

Continuer serait prendre des risques dont il ne soupçonnait pas les conséquences. Bob avait une famille, une épouse, un fils et une belle-fille et un petit-fils, avec lesquels il avait retissé des liens plus étroits. Il ne s'agissait pas de les mettre en danger en affrontant le Ministère de la Défense par l'intermédiaire de sa société Phamastore.

Arrêter et dire à Jim qu'il ne voulait pas entrer dans ce jeu trop dangereux, serait l'abandonner et quelque part, le trahir. Jim avait eu confiance en lui. Il l'avait choisi pour son diplôme dans les neurosciences, mais ses connaissances dataient de plusieurs années et n'avaient jamais été mises à jour. Les neurosciences, un domaine des sciences en perpétuelle évolution. 

Il sentait qu'il ne pouvait pas le décevoir. 

C'était aussi une occasion de rafraîchir ses connaissances, de se remettre dans le bain sur ce qu'il avait appris pendant ses études universitaires via Internet. 

De proche en proche, tout en le passionnant, le jargon utilisé lui revenait en mémoire et facilitait sa remise à niveau. Les heures passèrent dans cette récupération de mémoire.

A 06h00 du matin, insensiblement, il s'était assoupi, sa machine toujours allumée, distribuait des images sur l'écran, en éclairant et assombrissant alternativement la pièce.

Le réveil avait dû sonner dans la chambre et Mary apparu, assez étonnée, de ne pas l'avoir à côté d'elle dans le lit.

Elle descendit au rez-de-chaussée et le vit affalé au côté du PC.

Elle le secoua avec douceur avec la ferme intention de le réveiller.

- Alors, tu découches maintenant ?

- Excuse-moi, je ne parvenais pas à dormir. Je suis venu me chercher à boire et comme la nuit était belle, je me suis mis à rêver et à consulter sur ce putain de PC.

- Rêver devant un ordinateur, là, vraiment, je ne te reconnais plus du tout depuis ton accident. De la rage, ai-je dis.

Bob sourit et referma l'écran sur le clavier. Il en savait assez.

Il se leva et entreprit de préparer le déjeuner, toujours l'air songeur, sans plus rien dire.

Mary comprit qu'elle ne devait pas trop insister pour chercher les raisons de son mutisme pour rouvrir le dialogue.

Elle le tenta néanmoins.

- Ta convalescence arrive à sa fin. J'espère que tu ne t'ennuies pas trop. Après ce que tu m'avais dit en vacances, pas de paranoïa, tout de même ?

- N'aie crainte, j'ai du travail à rattraper. Hier, je suis allé au bureau pour me reconnecter avec les affaires ?

- Ah, Et que t'ont-ils dit ?

- Pas grand-chose. C'était une première remise en condition. Un premier contact, sans plus. J'ai vu Marcovitch, qui m'a trouvé bronzé. La réceptionniste, aussi. Tout va donc bien du côté de ma beauté physique.

- Là, c'est toi, qui va me rendre jalouse.

Aucune mention de sa rencontre avec Jim.

Après le déjeuner, Mary s'en alla en lui jetant un sourire et un baiser sur le front.

A peine quelques minutes après sa sortie de la maison, Bob s'apprêta pour aller acheter un nouveau portable comme Jim le lui avait conseillé. Un banal jetable, loin d'être sophistiqué, comme il en existait pour les appareils photographiques.

Pourquoi avait-il attendu si longtemps pour s'en acheter ? Il aurait été moins ignare dans ce monde de brutes.

Aussitôt acheté, déballé, le vendeur l'avait mis en service avec les options habituelles pour qu'il fonctionne immédiatement sans retard.

Bob se retrouva dans la rue. Il composa le numéro de Jim.

Il était déjà 08h30. Matinal, Jim ? Il l'ignorait. A l'autre bout, la voix connue apparut.

- Allo, Jim, ici, Bob. Peut-on reprendre la conversation de hier ou dois-je te rappeler plus tard ?

- Non, c'est parfait. Même chez moi, je suis réveillé depuis longtemps à cette heure. Comme nous avons du temps, je vais commencer par te mettre au courant des projets de la société. Tu peux te rendre compte que tous les pharmaciens essayent aujourd'hui de trouver la pilule miracle pour permettre aux gens d'allonger leur vie au mieux et, ainsi, assurer la vie d'une société qui aurait lancé la pilule miracle sur le marché. Lutter contre les maladies de la génération papy et baby-boom, tout un programme. Pour traiter l'arthrite rhumatoïde ou d'autres troubles auto-immunes, il y a déjà l'Infliximab, mais on cherche mieux, à prévenir les problèmes inflammatoires. Je ne vais pas te faire un cours, mais tu vois où je veux en venir. 

- La pilule "élixir de jouvence", quoi. J'ai des clients de la classe plutôt riche qui en utilisent déjà.

- Exact. Les recherches essayent de vaincre le cancer, l'infarctus, Alzheimer, le sida. Rien que cela il y a une fortune à faire dans l'industrie pharmaceutique. Les maladies orphelines, tu peux comprendre que c'est pas leur truc. Il faut que cela rapporte. Tu as peut-être lu que les laboratoires pharmaceutiques auraient ignoré un traitement du cancer parce qu'il ne leur permettait de  gros bénéfices. Pourtant, c'est de ce côté préventif et non pas curatif, que l'on pourrait améliorer la santé des patients. Il vaut mieux prévenir que guérir comme dit la maxime. Tu as dû connaître les aventures néfastes des anti-inflammatoires comme le Vioxx, le Mediator et j'en passe et des meilleurs.

- Je m'en souviens du Vioxx, retiré du marché. Mais je suppose que ce serait trop simple et que c'est de l'histoire ancienne.

- Dans notre jargon, on donne à ces pilules miracles, le caractère "pléiotropique". Il y a beaucoup de médicaments qui sont déjà dans le domaine public qui pourraient en faire partie. Tu connais la plus célèbre Aspirine, le vulgaire acide acétylsalicylique qui donne des espoirs dans la prévention des maladies cardiovasculaires. Simplement suite au fait d'être anticoagulant, le cerveau est mieux oxygéné et il déboucherait les artères. Tu connais évidemment l'effet secondaire, les saignements et les hémorragies.

- Oui, je connais cela. C'est son point négatif. Tu en as d'autres ?

- Il y a la Metformine qui est un antidiabétique notoire qui est aussi connu, depuis longtemps et donc qui ne rapporte plus rien à l'industrie pharmaceutique de très juteux, mais qui pourrait vraiment apporter un plus comme Glucophage. La molécule est excellente pour la maintenance des neurones et contre leur dégénérescence. C'est l'inhibiteur de la fonction des radicaux libres. Les effets secondaires sont surtout digestifs. Tu suis toujours ?

- Oui. Je connaissais la Metformine et donc, elle ne serait pas d'un grand secours pour faire entrer de l'argent dans les caisses non plus.

- Tu as raison. Le Sida, le 1er décembre a été sa journée mondiale. La société avait espéré de sortir quelque chose de plus efficace que la trithérapie. Raté, rien de miraculeux de ce côté.  La benzodiazepine destinée à contrer l'anxiété augmente les démences et favorise la maladie d'Alzheimer. A ce sujet, il y a aussi la Statine qui existe pour prévenir du cancer, l'ostéoporose et la sclérose en plaque. Moins connue mais tu dois connaître le Lipitor et l'équivalent de la Pitavastatine en Europe. Mais, il y a un hic. La molécule a la désagréable manie d'avoir des effets secondaires qui apportent des troubles de la mémoire.0.jpg

-Mazette. Ce qu'on apporte de bien d'un côté, on le retrouve comme un mal, d'un autre côté.

- Tu as tout compris. La recherche est devenue statistique, à la recherche de compromis, du moindre mal. De plus, les patients jeunes ne réagissent pas de la même manière aux médicaments que ceux qui ont un âge de raison de 50 ans et plus. Ce sont ces derniers les plus grands consommateurs, les plus riches, les plus inquiets pour leur vieillesse. Des cocktails de médicaments existent pour ceux-ci et ils s'en gavent pour rester jeunes. La Mélatonine, la DHEA, la Rapamycine qui inhibe le cancer mais entame le diabète, en même temps. Le fameux équilibre, ce n'est pas encore pour demain. 

Tout tient dans des indices, des suspicions de résultats qui demandent des années pour être confirmés. Entre temps, les pharmaciens en chef, nos chers patrons, doivent se donner les moyens de leur politique.   

- Je vois que l'auberge espagnole est en place.

- (Rires) Comme tu dis. Je te parlais, hier de "MIND". Quand ce projet «MIND» m'est passé sous le nez, moi qui ai la supervision de tous les projets de la Corporation, cela m'a beaucoup intrigué. Cela m'a paru louche et je dois l'avouer, indigné de ne pas avoir été consulté. Cela ne m'était jamais arrivé. Étais-je sur la touche ? Je me suis mis à chercher sans beaucoup de succès. Puis, j'ai eu un correspondant anonyme qui m'a mis l'eau à la bouche. Une sorte de corbeau du genre Wikileaks. Si tu veux. Pharmaleaks, plutôt. Probablement quelqu'un parmi les concepteurs du projet. Il avait brouillé sa voix. Comme tu m'as dit que ce genre de sujet était dans tes cordes, je me suis dit qu'il fallait te mettre dans le secret. Je suis trop mouillé par ailleurs pour le tenir pour moi seul, et y réagir à revers. J'ai connu les moyens, le nom d'utilisateur et le mot de passe pour entrer sur le site du projet. Tu penses bien que j'y suis allé.

- Et qu'est-ce que c'était ?

- C'était lié à la mémoire et aux neurosciences. Pour moi, un problème que je connais moins. Je dis « problème » car d'après moi, sans beaucoup de connaissances du projet, cela ne sentait pas bon. Il s'agirait de recherches pour la génération d'un médicament qui permettrait d'effacer la mémoire d'un individu pour une période donnée plus ou moins longue, dépendant de la quantité du produit absorbée. Pour des militaires, tu penses bien que cela pourrait-être utile.

Quelques secondes de réflexions. Un blanc dans la conversation pour réfléchir avant que Bob reprît la conversation.

- Jim, tu ne le sais probablement pas, je suis peut-être paranoïaque, mais je pense que j'ai été probablement un des cobayes de leurs expériences. Le jour de mon accident, je soupçonne Marcovitch de m'avoir fait boire quelque chose de bizarre à l'insu de mon plein gré. C'est dire à quel point, cette histoire m'intéresse. Donne-moi les infos pour entrer dans l'antre du diable. Je chercherai ce qui se trame derrière ce projet et les noms des ingénieurs qui sont impliqués.

- Ils y sont. Tu vas être surpris à ce sujet. Marcovitch de HR est dans la liste. C'est le seul que je connaisse au bureau de San Francisco.

Bob réfléchit à peine quelques instants.

- Je répète, donne-moi vite les moyens pour aller y jeter un coup œil.

- Là est mon erreur. J'ai pris quelques notes au vol sans aller bien loin. Je n'ai pris aucune copie du site. Mon interlocuteur-corbeau m'avait dit d'utiliser un proxy pour me connecter et de ne pas y rester pointé trop longtemps de peur que les IP des ordinateurs qui se connectent, soient mémorisés. Il avait omis de dire que les accès changeaient couramment. Je pensais y revenir le lendemain. Le mot de passe avait changé. J'étais gros-jean. Plus moyen d'y accéder.

- Quelle m...

- Ce ne sont pas des novices. Le croire, ce serait signer ton arrêt de mort. Voilà, tu sais tout ce que j'ai appris avant de me planter lamentablement.

- Il n'a pas promis de te contacter à nouveau ?

- Si. Il voulait avoir mon feedback. Il devrait me recontacter très   prochainement. Je te l'enverrai. Bonne chasse aux sorcières avec lui. Aux États-Unis, on aime les sorcières, non ? (rires) Je vais devoir te laisser, Bob. La smala arrive. Les enfants sont levés. 

Un déclic. La conversation était coupée. Jim ne voulait pas que quelqu'un ait l'envie d'enregistrer la conversation. Il n'y avait plus qu'à attendre le coup de fil de son informateur. 

Remonter les fils de la Toile jusqu'à leurs sources et tuer, si besoin, l'araignée qui s'y cache. Voilà, ce que Bob voulait réaliser sans être pour cela, un justicier. 

Rien ne semblait le justifier, rien de suspect, encore, mais, à y réfléchir, un souvenir lui revint.

Un détail avant de sombrer dans le néant après son accident. Il avait reçu de l'aide et une ambulance de secours très rapidement. Trop rapidement, peut-être. Ce qui l'avait peut-être sauvé. L'appel ne venait pas des deux camionneurs qui avaient été en cause. Ceux-ci étaient partis après avoir vu qu'ils n'avaient subi aucun dommage et vu qu'ils n'étaient pas impliqués, trop content de ne pas perdre de temps. De cartes de visite de leur part, aucune trace. L'appel au secours avait été donné à partir d'une voiture qui suivait. Voiture dont Bob gardait une vision vague dans ses souvenirs juste avant de se sentir mourir.

Coïncidence ? Il ne pouvait le dire. Nulle mention de cette voiture avait été faite dans le rapport de police. Elle avait disparu. Il se proposait d'aller voir les bureaux d'un journal pour obtenir les détails de son accident et peut-être, se reconnecter avec le rapport de police.

Si la paranoïa est considérée comme une maladie, la prudence, elle, ne fait aucun mal à personne et encore moins à celui qui n'a pas l'habitude d'une telle situation face à des forces occultes.

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07/12/2012

Chapitre 11: Analyses révélatrices

« En ultime analyse, toute chose n'est connue que parce que l'on veut croire la connaître. », Koan zen

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Tôt le matin suivant, pris encore dans ses songes, Bob fut surpris par la sonnerie du portable dont personne, à part Jim, ne devait connaitre le numéro.

Un coup d'œil sur le petit écran.

Non, ce n'était pas Jim. Un numéro s'affichait qu'il ne connaissait pas.

Il pressa le bouton pour entrer en communication.

- Bonjour. Ne demandez pas qui je suis. Pas de nom. Pas de mots trop explicites. Notre interlocuteur commun m'a donné votre numéro de téléphone. Il m'a dit que vous étiez intéressé à retrouver la vérité au sujet de notre affaire. Affaire qui pour vous s'est déroulée assez mal pour vous, ma-t-il dit. Je suis prêt à vous aider dans vos recherches. Il m'a dit que vous aviez assez de connaissances scientifiques pour comprendre les recherches pharmaceutiques et les neurosciences. Appelez-moi à 10h00 heures à ce numéro ?

La communication fut coupée. L'interlocuteur commun n'avait pas attendu la réponse. Cela ne faisait aucun doute, il devait être l'informateur de Jim.

Bob nota le numéro de téléphone de ce nouvel inconnu appelant.

Cette fois, le trio d'espions devait être au complet.

Les précautions prises confortaient Bob.

Comme disait Jim, les « autres n'étaient pas des novices ».

Ce qu'il devait découvrir et que Jim aurait pu lui donner, il allait, probablement, pouvoir confirmer le malaise et le mystère qui planait autour de son accident. Dans le cas contraire, pour le moins, des indices.

Le PC et le logiciel d'aspirateur de sites, ce qu'il avait besoin pour l'occasion, il les avait. Bob s'était exercé avec ce logiciel et cela marchait parfaitement.

Plus qu'à attendre impatiente jusqu'à 10h00.

A 10h00 pile, il prit son portable, du papier et un crayon et composa le numéro.

Immédiatement, la voix voilée recommença.

Prenez note. Je vous en laisse le temps. Je ne répéterai pas. Dans le site, pointez votre souris sur le mot MIND du site. Puis pressez les touches Ctrl-Alt-M. Un nouveau dialogue devrait apparaître. Dans lequel vous entrerez ce qui suit. Actuellement, le 1er mot est "mind$1132%". Le 2ème, "oscar#1220$$". Après, c'est à vous à voir.

Les mots "à voir" furent suivit d'un déclic. La conversation était déjà coupée. Tout avait été noté avec fidélité.

Il prit son PC et commença les opérations dans l'ordre. Cela se passa comme prévu.

Le dialogue et les deux mots de passe, après la communion des touches sur le mot « MIND ». Le site apparu dans son entier. Sans prendre le temps de lire, il déchargea tout le site sur son PC pour rester le moins de temps connecté.

Il ne fallait pas rester en rade pendant des heures à lambiner sur une page. Il fallut très peu de temps pour que les pages se garent sur son propre PC. Une vérification pour s'apercevoir la profondeur de ses téléchargements. Ensuite, il se déconnecta d'Internet.

Il s'intéressa tout d'abord aux personnes impliquées avec un intérêt non dissimulé.

Parmi les noms des ingénieurs qui s'occupaient du projet, peu d'entre eux étaient connus par Bob. Tous travaillaient dans la maison mère dans l’État de Washington. En consultant, la liste des intervenants au niveau management, il trouva le seul nom connu, celui de Marcovitch. Celui-ci était donc la seule antenne à être au courant à San Francisco.

Marcovitch n'était pas étranger à tout ce qui allait suivre pour Bob. Comme chef du personnel, il avait été, probablement, en charge de trouver des cobayes pour ce médicament qui agit sur la mémoire. Le test devait se résumer à évaluer le temps pendant lequel, Bob allait se souvenir de l'affront et du stress qu'il venait de subir en apprenant son licenciement. Un test suffisamment marquant pour qu'il soit concluant. Un test dans le réel. Vraiment une bonne idée, pensait Bob.

Quel faux-cul, pensa-t-il. 

Le doute n'était plus permis, Bob avait été drogué lors de son passage dans son bureau. Mais, son accident n'avait pas été programmé.

Cela n'avait, donc, pas été, vraiment, concluant à son réveil. Bob s'était souvenu de tout ou presque, mais il n'en avait rien laissé paraître. C'était un raté dans le timing. Les médicaments de réanimations que les médecins de la clinique, devaient, peut-être, avoir agi comme un antidote ou, du moins, avoir apporté un décalage dans le temps.

La période pendant laquelle Bob était resté dans le coma, avait annihilé complètement l'espoir de tirer des conclusions sur son cas particulier.

Marcovitch, tout miel, était venu constater sur place à la clinique quand Mary lui avait dit que son réveil, allait être imminent.

Cela devait néanmoins être stressant pour lui de choisir la bonne attitude à adopter, ne sachant pas si la drogue avait eu l'effet escompté ou non.

La question principale était "Quelle attitude allait prendre sa victime à son retour à la vie ?"

Bob avait choisi, pour lui, en jouant le jeu de l'amnésique patenté.

Malrovitch avait dû pousser un ouf de soulagement.

L'arroseur, il fallait, à nouveau, l'arroser.

Quant à Mary, à quel niveau, jouait-elle la comédie ?

Elle aussi devait y avoir joué un rôle. Contrainte, volontaire ou sans même s'en rendre compte. C'était évident aujourd'hui.

L'idée qu'elle fut, également, un autre cobaye dans l'affaire, lui vint à l'esprit. Idée vite écartée.

Impossible. Comment la drogue lui aurait-elle été administrée ?

Toutes ces réflexions qui venaient en file indienne, lui donnaient le tournis.

Où se trouvait la limite entre vérité et mensonge, entre possible et impossible ?

"Marcovitch ne doit plus jamais espérer que j'irai à nouveau me régaler d'un de ces breuvages qu'il concocte dans le dos de ses invités", pensa Bob.

Le goût de l'aventure, de la découverte l'encouragèrent pourtant à continuer ses recherches.

Une sorte de guerre s'était enclenchée dans son esprit. Il n'était pas contre les développements de la science, mais celle-ci devait servir l'homme et non pas chercher à le détruire psychiquement.

Il avait lu les noms de ceux qui étaient les responsables du projet, sans les reconnaître et sans aller plus loin.

Quels étaient ceux qui faisaient le lien avec le Département de la Défense ? La CIA était-elle impliquée ?

Il entreprit de remonter dans le temps et de recréer le CV de tous les membres de la liste, un a un.

Les deux premiers noms étaient des pharmaciens de formation, mais le troisième attira plus l'attention de Bob.

Graham Mineway, un ancien gouverneur d'un autre État. Mais qu'est-ce qu'il est venu faire dans le domaine pharmaceutique si ce n'est chercher ses jetons de présences lors d'Assemblées Générales ? Quel était son intérêt ?

Avait-il fait des choses répréhensibles qu'il aimerait voir effacer de la mémoire de quelqu'un ?

C'est ici, que Bob se retrouvait à la croisée des chemins. Aller de l'avant comme si de rien n'était, comme si rien ne s'était passé et reprendre le collier comme avant et attaquer.

Il était clair que cet interlocuteur anonyme était coincé lui-même et qu'il espérait obtenir de l'aide de l'extérieur parce qu'il ne pourrait agir de l'intérieur sans être très vite brûlé, pris par ses obligations professionnelles. Probablement, avoir une famille et des bouches à nourrir pour l'entraver dans une attaque en règle.

Son éthique personnelle était prise en défaut. Peut-être était-il jeune. Peut-être que s'il levait le petit doigt de son poste qu'il serait brûlé à jamais dans la profession.

Bob se sentait chargé de mission pour dénoncer ce qui ne pouvait se faire. Il se devait de tirer cette affaire au clair. Son affaire ne touchait pas que lui. Quelqu'un comptait désormais sur son action. Il était pris au piège du secret mais quelque part, être dans le secret l'excitait comme si c'était une nouvelle vie qui commençait.

La première chose qu'il devait élucider et tirer au clair c'était sa vie privée à lui. Le reste viendrait peut-être dans le lot.

Son épouse n'était plus la même par rapport à l'époque qui avait précédé son accident. Elle avait de la prévenance en s'occupant de lui alors qu'avant elle ne voyait que le rendement à toutes les actions entreprises en commun accord ou non.

Il décida de s'y atteler, dès le soir et imagina un subterfuge pour se lancer dans cette tâche. Pourquoi pas une invitation et faire grimper son épouse aux rideaux, comme les français disent dans ce cas ?

Il n'était pas encore trop vieux pour cela. Après l'amour, on peut changer de sujet et chercher, sur l'oreiller, à savoir qui est qui et qui fait quoi.

Pour ce qui est de la société qui l'emploie, il avait reçu toutes les informations, tous les secrets. 

Il fallait qu'il rembobine les fils sur la pelote de laine toute entière.

Bob se rappelait d'un film "Le Fugitif" dans lequel il était question du même genre de dérive dans le domaine de la pharmacie. Dans ce film, l'épouse était assassinée.

Bob se rendait compte que son histoire à lui ne correspondait pas à celle-là, mais cette affaire le poussait encore plus à creuser la sienne.

Jouer le rôle de cobaye ne lui avait pas plu.

Impliqué dans son nouveau rôle par obligation de réagir à une tromperie avec une mission même si elle pouvait être dangereuse, devait être un risque calculé pour lui. 

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03/12/2012

Chapitre 12: Stratégie

« Il faut avoir une stratégie, mais il faut qu'elle soit souple, c'est l'instinct qui nous dit quand il faut changer de stratégie. Les deux sont importants mais on ne peut pas avoir l'un sans l'autre. », Paul Desmarais

0.jpgBob n'avait pas dormi, la nuit suivante.

Tout s'était bousculé dans sa tête.

Attaquer de front, révéler la vérité, cela aurait été de la folie. Une multinationale même en difficulté ne se serait jamais gênée par un olibrius qui s'attaque à elle dans son coin.

Son avenir en dépendait tout autant.

Un ombudsman, ce n'était pas ce qui existait dans les projets primordiaux de l'administration californienne.

Que du contraire.

On aurait préféré couler les rafiots, qui se présentaient à la rencontre d'un porte-avions plutôt que de lancer des torpilles contre ceux-ci.

Aurait-il été digne de confiance, lui-même, vis-à-vis d'une autorité compétante et indépendante ? Qui l'aurait cru ?

On retourne facilement les travailleurs d'une entreprise puissante comme le sont les multinationales. S'il était découvert, on aurait pu déjà l'utiliser et lui donner de fausses informations pour, ensuite, le faire plonger.

Il avait déjà été trop loin en posant des questions sur ce qui s'était passé lors de son passage et qu'il avait en principe reçu son C4.

Qui sait, la préposée au département HR avait été mise au parfum ou pire pour elle, subi le même traitement de lavage du cerveau.

Non, il fallait jouer serré, continuer à faire semblant. Jouer à l'amnésique l'avait servi jusqu'ici. Ne pas se tromper était plus difficile mais faisable après avoir calé quelques points de ruptures pour pouvoir s'y référencer en cas de doute ou de déroute. 

Combien de temps allait tenir son rôle de corbeau pour dévoiler ce qui se cachait derrière le projet MIND et qui l'avait mis dans la confidence ?

Son instinct s'était toujours tourné vers le client qui allait acheter sa camelote et ainsi augmenter le chiffre d'affaires de ses employeurs et pas pour les faire tomber.

Qu'avait jouer son épouse dans cette pièce en deux actes ?

Comme Mary était fatiguée en rentrant, il n'avait pas osé commencer son entreprise de fol-amour.

Pas question de brusquer les choses. 

Ces questions reprenaient une boucle infernale dans sa tête au rythme de ses changements de positions dans le lit dans lequel Mary dormait à ses côtés.

Une stratégie ne se présentait pas. Le cirage.

Il avait bien entendu qu'il existait l'hacking sur Internet, que Wikileaks publiait les malversations des états mais il s'agissait d'une multinationale privée et il n'était pas du tout sur cette longueur d'onde par son expérience. 

Appeler la presse et raconter à quelqu'un, les détails de ce qu'il avait cru comprendre sans en avoir de preuves... Qui voudrait jouer le diffuseur masqué et ne dévoilerait pas ses sources.

Un journal, voilà la bonne idée.

Mais qui mettre dans la confidence ? Quel journal ?

Tout se calma et il s'endormit.

Mary, dans le lit jumeau, n'avait heureusement pas ressenti son excitation et la transpiration qu'elle avait généré.

Le lendemain, le réveil fut laborieux.

Mary se leva peu de temps avant lui et vient l'embrasser en lui rappelant l'heure avancée.

Il se leva, s'apprêta et prit la décision de la suivre comme une ombre.

Un instinct, une curiosité ? Allait-elle aller à son bureau ou avait-elle d'autres objectifs ?

Partie dans sa propre voiture, Mary ne pensa pas avoir un suiveur. Bob, malgré son inexpérience dans les filatures et sa voiture rouge bien reconnaissable, n'eut aucun problème pour la suivre. Mary n'eut aucune raison de jeter une coup s'œil dans le rétroviseur.

Quelle ne fut pas sa surprise de la voir aller vers son propre bureau de "Pharmastore".

Là, pour ne pas être reconnu, Bob ne pouvait aller plus loin. Il s'arrêta le long du trottoir à distance respectable et décida d'y rester en faction. Mary était entrée dans la pyramide de l'America.

Rien ne se passa.

Midi sonna. Mary, accompagné de Marcovitch, sortirent ensemble. Là, le doute n'était plus permis, de près ou de loin, elle devait être impliquée. Peut-être, étaient-ils ou avaient-ils été amants. La rage mêlée à la jalousie le prenait à la gorge.

Un nouveau rôle à jouer, celui de détective après celui de corbeau. "Vraiment comblé, Bob", se dit-il.

Il devait éclaircir cette ambiguïté dans sa vie privée, mais Bob n'avait jamais aimé les esclandres en public. Ensuite, il ne connaissait rien du type de relation qui les avaient rapprochés.

La compréhension, il le ferait, dès le soir même, avec le plus de doigté possible.

Il rentra sans attendre la sortie des deux d'un Wimpy dans lequel ils s'étaient glissés. 

C'est alors, qu'une idée lui vint.

Il se rappelait un copain qu'il avait connu pendant ses études universitaires et qui avait choisi le journalisme.

Se rappeler de son nom, d'abord. Si le prénom, Thomas, lui revenait sans peine, le nom, par contre, s'était perdu dans ses souvenirs.

Bob entreprit de consulter l'annuaire téléphonique en même temps qu'Internet pour trouver les numéros de téléphones des journaux. 

Sur la table de cuisine, le déjeuner à gauche, le PC sur la droite et l'annuaire sur les genoux, il entreprit sa recherche.

Le "San Diego Union-Tribune", le "San Francisco Chronical" semblaient être les meilleurs, il s'en rappelait vaguement. Le premier journal avait subi une fusion en 1992. Son souvenir datait de cette époque. 

Il forma le numéro de téléphone.

- "San Francisco Chronical". Bonjour. Que puis-je faire pour vous ?

- Bonjour, je recherche un ancien condisciple d'école dont le prénom est Thomas, mais j'ai complètement oublié son nom. Pourriez-vous regarder dans votre liste de journalistes d'investigation ? Je sais, c'est un prénom souvent utilisé, mais peut-être, pourriez-vous m'en donner une liste ?

- En principe, je ne peux pas donner les noms de nos journalistes.

- Je sais, mais faites-moi plaisir. Pourriez-vous faire une exception ? C'est urgent et vital, pour moi, j'ai des informations qui pourraient l'intéresser au plus haut point. J'ai été étudiant avec lui à l'Université, il y a une vingtaine d'années.

- Je regarde dans ma liste.

- Merci, de faire une exception.

Quelques minutes pendant lesquelles, une musique d'attente était censée faire patienter tout interlocuteur trop pressé. Puis, retour de la voix de la préposée.

Vous avez de la chance, il y a trois Thomas chez nous.

- Bonne nouvelle. Pouvez-vous à l'aide du fichier du personnel s'il y a l'un d'entre eux qui est âgé de 42 ans environ ?

- Décidément, vous avez une chance de pendu. Je n'ai qu'un journaliste avec cet âge. C'est Thomas Eddington.

- C'est ça. Je m'en rappelle à l'instant. Dites-moi comment je peux vous faire parvenir un petit cadeau, mais avant ça donnez-moi son numéro intérieur direct. Je vais le rappeler dans une heure.

- C'est le numéro d'appel que vous avez utilisé auquel vous ajoutez 448 et vous tomberez sur son poste interne. Pour le cadeau, si un jour vous passez par ici, j'aime beaucoup les fleurs roses. A vous de choisir lesquelles... Mon prénom est Léa. Demandez-moi à la réception. Je n'aime pas les cartes et j'aime connaître la tête de mes soupirants. (rires)  

- Entendu. Je m'en souviendrai. Je passerai certainement un de ces jours. Encore, merci.

Bob raccrocha et s'apprêtait à utiliser son portable quand celui-ci sonna.

L'espion interne. La voix toujours voilée.

Décidément, son interlocuteur, informateur était pressé d'avoir des résultats. Peut-être se sentait-il déjà repéré.

- Vous savez qui est à l'appareil. Avez-vous progressé dans vos recherches ? Dois-je vous donner de nouvelles informations ?

- Je vous ai reconnu. J'ai étudié une stratégie. J'ai un ancien copain journaliste qui pourrait nous aider. Pas de problème de votre côté ?

- Non, l’anonymat est conservé. N'oubliez pas de ne pas rester connecté à l'adresse que je vous ai communiquée.

- Pas de problème de ce côté, j'ai déchargé le site complet sur mon PC en utilisant une IP d'un serveur et me suis déconnecté après le déchargement.

- Ok, parfait. Sage précaution. Ne cédez pas toute l'information d'un seul coup, à votre journaliste. Si vous avez des questions, vous savez à quelle heure, il faut le faire. Toujours la même. Je ne pourrai pas vous rencontrer.

- Pas de problème. Je...

La communication était coupée.


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29/11/2012

Chapitre 13: Une reconstruction d'amour

« L'amour meurtrier. L'amour infâme. L'amour funeste. Amour. Amour. Unique vie en ce monde. », Anne Hébert

0.jpgAvant que Mary ne rentre, Bob alla chez le fleuriste pour acheter deux douzaines de roses rouges. Ensuite, il passa au bijoutier et connaissant ses goût, il choisit un bracelet.

Ainsi chargé de cadeaux, il revint et se mit à cuisiner à préparer la table, pour finir par attendre Mary.

Mary rentra à l'heure normale et commença la conversation après la surprise.

- Que se passe-t-il ? Je sens qu'il y a quelque chose de changé dans la maison. Une odeur inhabituelle, même. Je me trompe ?

- Non, tu ne te trompes pas. Depuis mon accident, j'ai changé. Je vois une autre vie devant moi. Plus rose. Je ne sais si elle sera meilleure, mais là n'est pas la question. J'ai voulu fêter ça. J'ai fait venir un traiteur.

- Ah, bon...

- En fait, tout a changé. C'est comme si je renaissais.

- Ai-je changé à ce point ?

- Toi comme les autres. Mais avant d'aller plus loin, j'ai été cherché un petit quelque chose qui si je me souviens bien devrait te plaire. C'est ma nouvelle philosophie. J'ai aussi évolué. D'abord, il y a les fleurs. Les fleurs, tu sais que je les aimais dans notre jardin. Je me rends compte que je ne t'en jamais offerts. Pour couronner le tout, bientôt notre anniversaire de mariage, pour te remercier de ta patience pendant ma convalescence, je t'ai apporté ceci.

Bob tendit la boîte allongée à Mary qui la regarda avec des yeux mouillés d'émotion.

- Il ne fallait pas. Ma patience pendant ta convalescence ? Je suis ta femme, non ?

- Bien sûr que tu l'es toujours, mais à certains moments, j'ai pu penser le contraire. Et encore, aujourd'hui, je t'ai vu en présence de...

Mary devint écarlate. Ses pommettes sans qu'elle puisse y remédier rougirent de tous leurs feux.

- Que, que veux-tu dire ? Aujourd'hui ?

Bob n'avait plus qu'à ne dire qu'une partie de la vérité.

- Ben, en allant chercher les fleurs et ton bijou, je t'ai vu avec Marcovitch. J'étais très étonné. Je ne me souviens pas t'avoir entendu dire que tu le connaissais en dehors de moi, à part, bien sûr, à la clinique, lors de ma convalescence.

Bob sentait qu'il jouait de plus en plus serré. Allait-elle créé une scène de ménage avec la jalousie comme atout ou allait-elle s'expliquer ? Il ne s'attendait pas à la suite.

Mary se mit à pleurer et à parler entre ses sanglots.

- Tu sais Bob, je t'ai toujours aimé. Au début de notre mariage, j'étais follement amoureuse de toi. Depuis l'année dernière, tu partais à chaque fois, pour une semaine, je ne te voyais plus que le weekend et encore. Tes absences se répétaient. Je le supportais de moins en moins. Je dois t'avouer que dans une certaine époque, j'étais tellement seule à t'attendre, toi, qui cherchais ta liberté sur les routes. Notre fils a fait sa vie loin de chez nous...

Mary reprit sa respiration.

Bob ne disait rien. Il se rendait compte de l'erreur du passé. Pourquoi n'en avait-elle rien dit ? Bob croyait que le refroidissement de leur relation n'était que l'opposition de point de vue au niveau financier. Il sentait une boule lui naître dans la gorge. 

Mary reprit après deux longues minutes.

- J'ai été jusqu'à penser que tu avais une aventure ailleurs. Je ne le supportais plus. Un jour, croyant te trouver dans les bureaux de ta société, j'y suis allé. C'est Marcovitch qui m'a reçu. Très bien, le Monsieur, d'ailleurs. Il a joué avec tout le charme nécessaire pour une femme seule. Trop bien, même. Il m'a fait la cour et je me suis laissé aller sur cette vague. Cela n'a été qu'une fois, mais une fois de trop. Je n'ai jamais cédé et accepté où il voulait en venir. Il m'a menacé ensuite. J'ai tenu bon, mais il me poursuivait de ses assiduités.

- Salaud, laissa échapper Bob.

- Un jour, il m'a dit "t'en fais pas, Bob, bientôt ne se souviendra de rien. Il ne saura même plus qu'il est marié avec toi". Sur le moment, je n'ai pas compris. J'ai souri et je suis parti en claquant la porte.

- Et tu as quitté la maison...

- Oui. J'étais déboussolée. A cette époque, je suis retournée chez mes parents quand j'ai quitté la maison. Ma mère me cachait à mon père en espérant que tout s'arrange en définitive.

Bob se sentait, de plus en plus, pris en défaut. 

Mary fit une nouvelle pose.

Une pose tout aussi intéressante et nécessaire pour les deux parties.

Bob déglutissait, attentif, comme un enregistreur peut l'être. Bob reprit la confession à son compte avec sa propre version.

- Tout a commencé, il y a plus longtemps. Quand notre fils grandissait, je ne me sentais plus responsable de lui. Puis tu l'as pris en charge jusqu'à ce qu'il quitte la maison. Je me suis senti exclu. Pourtant, tu étais bien plus carriériste que moi. Tu voulais une vie de bureau. Je le comprenais qu'à demi. Ton goût pour le matérialisme le demandait. Tu gagnais ta vie de ton côté. Je ne me sentais plus indispensable. Je vois maintenant que j'étais dans l'erreur. Je te demande pardon, Mary.       

Mary continuait à sangloter et à jouer avec la boîte dans les mains, sans vraiment écouter Bob, comme si les deux histoires ne se confondaient pas. Elle continua.

- Puis, il y a eu ton accident. Je me sentais coupable vis-à-vis de toi. Je t'ai toujours aimé et cette parenthèse m’angoissait. Je ne savais pas comment l'aborder avec toi. Te mentir m'était intolérable. Il m'a accompagné lors de certaines visites à la clinique pour te voir. J'ignorais pourquoi il apportait tant d'attention à tes premiers mots dès que tu es revenu à toi. Il voulait être présent. Qu'on le prévienne s'il n'était pas présent. Je l'ai fait. J'ai saisi l'occasion de me montrer plus gentille que de normal avec toi. Tu savais comment je peux l'être quand je n'ai pas ce que je veux. Mais, là, je me sentais coupable et toi qui semblait ne pas te rappeler que je t'avais quitté pour la forme.  J'ai sauté sur l'occasion. Notre fils n'était pas au courant de mes péripéties extra-conjugales. Quand il est venu à ton chevet, je n'ai pas réagi, prise dans un cycle de mensonges.

- Et, ce matin, tu l'as rejoint...

- J'étais allé le voir pour lui rendre le cadeau que j'avais accepté de lui en toute innocence, pour lui dire que tout était fini entre lui et moi.

- Comment a-t-il pris la nouvelle ?

- Mal, comme tu peux le penser. Nous nous sommes disputés. Nous sommes sortis de son bureau pour le faire, car il ne voulait pas ébruiter l'affaire. Nous avons été dans un resto rapide. Il m'a, une nouvelle fois.

- J'ai vu. De quoi cette fois ?

- De tout te raconter, comme j'aurais dû le faire depuis longtemps, avant ton accident. Mais avec quelques amendements avec la vérité. Je te demande, aujourd'hui, de remettre les compteurs à zéro. Que tout puisse recommencer comme avant et peut-être mieux qu'avant.

Bob mit son index sur la bouche de Mary. Là, c'est lui-même qui devait prendre du recul. Il se sentait autant fautif que Mary. Avait-il vraiment cherché à comprendre sa solitude ? Lui voyait son propre plaisir dans ce travail en dehors de la maison. La maison n'était pas vraiment sa manière de voir le monde. Il y voyait plus un pied à terre qu'un endroit pour y loger longtemps. Y vivre si ce n'était pas vraiment contraint et forcé. Il voyait la rentabilité d'un projet comme celle d'un investissement que l'on pouvait accorder quand un meuble, une chaise avait vraiment passé son temps pour les remplacer. Bob avait une dose de pragmatisme dont Mary ne pouvait assumer les excès que par des excès de dons de soi pour faire tourner la "machine commune".

Il se rendait compte de tout cela, en vrac, après ces minutes de confession bipartites.

Pouvait-il décemment haïr sa femme parce qu'elle avait essayé de combler un vide que lui ne comblait pas comme un époux absent ? Il reprit le dialogue après un long moment de silence alors que Mary attendait la réponse avec une certaine impatience et une peur visible avec une ride se creusait sur son front.

- Tout peut toujours recommencer, Mary. Mieux qu'avant, aussi. Dans une deuxième vie. Avant cela, il y a des choses à régler à l'extérieur de nous. En fait, cette histoire ne s'est jamais terminée vu ce que ton cher Marcovitch m'a fait boire le jour de l'accident.

- Quoi, que m'apprends-tu, ton accident serait dû à lui ? Il t'a fait boire de l'alcool ?

- En fait, pas exactement, mais indirectement, oui. Ce n'était pas de l'alcool, mais un élixir de composition. Tu ne l'as pas su, mais tout était arrangé d'avance pour que ma mémoire s'estompe. Pour rendre l'affaire plus vraisemblable, il avait imaginé un test de vérité absolue. Un subterfuge. Il m'avait été viré de la boîte, juste avant. Tu peux te rendre compte de mon excitation. J'ai fait des choses sur la route dont je n'avais pas l'habitude. Tu ne m'as jamais connu comme slalomeur pour gagner une place, non ?

- Non, en effet. C'est moi qui devais te demander de pousser un peu sur le champignon.

- Ta sortie du circuit entre toi et moi, avait été tout autant organisée, probablement. Je crois que tu manques quelques pièces au jeu d'échec qui avait commencé juste avant mon accident. Je suis sûr que je ne les ai pas encore tous sous contrôle, non plus, mais je remonte jusqu'aux sources. Ce que je suis sûr, c'est d'avoir été manipulé, viré ou non. Mais après mon accident, j'ai pris la tangente. J'ai fait semblant comme chacun de vous. Vous me le conseilliez par votre silence et j'ai interprété la suite.

- J'en suis abasourdie de ce que tu me racontes.

- Est-ce que je peux te faire confiance ? Si oui, je vais t'apprendre quelques bribes de mes conclusions partielles.

- Bien sûr que tu le peux. Je te demanderai d'être le plus complet possible. Ce n'est pas que je suis une fan d'énigmes, mais quand il s'agit des miennes, j'apporte beaucoup plus d'attention.

- Attention, il y a un risque à connaître toute l'histoire. J'ai promis de garder ce secret à certaines personnes.

Bob remonta le fil juste avant celui qui concernait son informateur secret. Son réveil qui lui semblait bizarre. Ses trous de mémoires du début de l'année qu'il essaya de combler par bribes par toutes les informations possibles, publiques ou privées, alors que tout l'entourage semblait localiser ses trous de mémoires normalement limités à la période pré-accident et accident. 

Il étudia le visage de Mary. De son côté, il ne pouvait pas parler de tout après avoir juré le silence même vis-à-vis de son épouse.

Il ne pouvait pas aller plus loin dans ses révélations.

Son histoire semblerait décousue vers la fin avec des déductions que n'importe qui aurait pu considérer comme farfelues.

Présenter cela comme des intuitions après des suspicions, se disait-il.

Une histoire d'amour ne s’oublie jamais, dit la chanson et il était prêt à tout pour revenir en arrière.

Le reste était son affaire.

Il l'embrassa. Mary lui rendit son baiser avec fougue. 

Parfois, il suffit seulement d'événement spéciaux pour que les souvenirs reviennent.


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25/11/2012

Chapitre 14: Vengeance en commun

« Une vengeance trop prompte n'est plus une vengeance; c'est une riposte. », Henry de Montherlant

0.jpgBob venait de terminer son récit.

Mary avait semblé tellement intéressée qu'elle n'avait plus osé l'interrompre pour poser d'autres questions.

Elle n'avait jamais pu imaginer ce qui avait été à l'origine de la situation présente.

Il avait envie de lui donner confiance. Il pencha pour la deuxième option. Etait-elle seulement prête à aller plus loin, à jouer un rôle dans cette partie d'échec dont elle avait dû prendre quelques pièces sans en connaître les règles dans sa totalité ? 

Pendant une heure, il la laissa sur cette fin avant d'aller plus loin et après l'avoir observée. 

Visiblement, Mary prenait son temps pour assimiler l'histoire et Bob n'était pas pressé.

Il lui lança de manière inattendue.

- Veux-tu entrer dans l'arène des personnes que l'on nomme "espions" ou pire "espions-double" ? Tu sais comment Matahari a terminé sa vie. Je ne t'ai pas tout raconté pour ton bien. Moins tu en savais mieux, cela vaudrait si cela arrivait à être découvert. J'ai pris la décision de dénoncer ce qui doit l'être, même si je n'ai pas encore saisi tous les maillons de la chaîne. J'ai commencé mon enquête sur Internet, comme tu le sais, et cela m'en a appris bien des choses. Mon dossier est presque complet. Moi, qui n'étais pas un fanatique d'Internet, cela t'a fait tout drôle au début. Tu dois t'en souvenir. Mais je ne pouvais pas t'en dire plus. Je manquais trop de pièces à insérer dans ce puzzle.

Pas encore question de lui parler de ceux qui lui avaient ouvert les portes de ce qu'il avait dénommé "l'enfer pharmaceutique".

Elle avait déjà tout cogité et finit par répondre.

- Donc, à part ton accident, tout était du bidon... Tu as joué à l'amnésique, alors que tu savais.

- Comme tu dis.

- Ce qu'on t'aurait fait boire n'a pas fonctionné comme prévu. Je peux te jurer que je n'étais pas au courant et que tu m'apprends beaucoup de choses aujourd'hui. J'ai des torts mais pas ceux-là.

- L'amnésie m'arrangeait. J'ai préféré laisser croire à tout le monde que je ne me rappelais de rien avant mon accident. J'y prenais un avantage personnel puisque tout le monde me prenait en estime. Au départ, ce fut, donc, un test.

- Un test ?

- Que dis-je, une manipulation, une tromperie suffisamment efficace pour rendre le test le plus perspicace. M'annoncer que j'étais virer. Marcovitch n'y était pas allé par quatre chemins. Il avait eu une imagination machiavélique. Il savait que j'allais réagir violemment.  

- Mais cela ne s'est pas passé comme prévu.

- Puis, ce fut ce bête accident. Non prévu, qu'il lui a fallu intégrer dans le test. Ce fut la faille qui a tout foutu parterre sans qu'ils ne s'en rendent compte alors qu'il croyait le contraire. Perdu dans ses illusions, cet accident aurait pu être un tsunami. La machination n'a pas été déroutée et ils se sont dit que cela avait marché. Tant qu'ils gardent la face et leurs illusions...

- Mais, ce n'est pas nous qui sommes les marionnettistes. Nous sommes plutôt les marionnettes. Remonter les fils pour les leurs couper reste-t-il possible avec le temps ? Nous avons toujours travaillé honnêtement. Trop peut-être.

- Peut-être. Mais, ils vont devoir me le payer. Je leur en ferai voir de toutes les couleurs à leurs médicaments. Ils ne pourront plus que me virer, chose qu'ils avaient déjà fait.

- Mais, il y a des risques. N'est-ce pas le pot de fer contre le pot de fer?

- Cette fois, il faudra, en plus, rester en vie. Ne pas la perdre car j'ai des sources qui m'ont averti des dangers. Cela veut dire rester dans l'ombre.

- Comment crois-tu réaliser cela ?

- Je suis au début de l'enquête. Alors, je répète si tu veux rester en dehors de tout cela, je ne t'en voudrais pas. Personnellement, j'ai déjà pris des engagements et on compte sur moi. Quant à toi, tu me serais d'une aide utile, ne fut-ce que morale. 

Mary, d'abord silencieuse, assimilait, déglutissait tous les mots de Bob en plusieurs lampées. 

- Tu m'as convaincue. Je jouerai ce jeu. Je t'ai retrouvée comme à tes débuts. Passionné. Prêt à tout. Combatif. C'est cela qui m'avait plu en toi dès les débuts de notre mariage. Avec le temps, j'avais senti comme un relâchement, une érosion de ce genre de sentiment. Je sens le retour du Jedi est en toi et je marche avec toi, un rien excité par la tâche.

- Des paroles que je croyais avoir oubliées à tout jamais. Alea jacta est. Merci, Mary.

Bob la prit une nouvelle fois, dans ses bras. Leurs regards se croisèrent. Leurs bouches se fondèrent dans un deuxième baiser encore plus profond. Les mains commencèrent une exploration, en commun, qu'ils avaient oubliée avec le temps.

Il la souleva comme le jour de leur mariage. Quelques raideurs dans le dos lui rappelèrent qu'il n'avait plus les mêmes possibilités que par le passé. Mais qui aurait pu le confirmer ? Ni elle, ni lui ne s’encombraient d'une telle considération d'être victime de l'âge.

Un sourire de part et d'autre fut seulement la réponse à ce problème de poids passagé. Les caresses intimes avaient évolué aussi. Elles se faisaient plus tendres, plus expertes de ce que l'autre désirait plutôt que de seulement satisfaire son propre plaisir.

Pas question d'éteindre les lumières comme l'avait demandé Mary, le jour de leur mariage. Ils voulaient se revoir nus. L'un aida l'autre à se déshabiller sans hâte.

Puis, ils firent l'amour. Longtemps. Leur orgasme prit plus de temps à se produire.

Fatigués, ensuite, ils s'endormirent l'un à côté de l'autre.

Le travail de sape que Bob s'était fixé était déjà loin. Pharmastore, pour le moment, il n'y pensa même plus.

Étions-nous vraiment arrivés à la séquence de l'histoire dans laquelle l'arroseur arriverait à être arrosé ? Arrosé d'une eau chaude et bienfaisante ?

Compter les risques du métier d'agent double, ce n'était pas à la portée du premier venu et leur couple était novice dans l'art de la guerre. Bob n'avait pas été formé pour cela.

Demain était un autre jour et à chaque jour suffisait sa peine.

Cette fois, leur plaisir devait rester entier.

Pour le reste ... 

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21/11/2012

Chapitre 15: Rendez-vous

« L'histoire ne se répète pas, mais ses rendez-vous se ressemblent. », Gabriel de Broglie 

0.jpgLa soirée et la nuit avait été, pour , Mary et Bob, un retour aux premières heures de leur mariage. De doux moments qu'ils avaient un peu perdus de vue en esprit et dans leur chair.

Mary était partie, tôt le matin. 

Ce fut le moment choisi par Bob pour donner un coup de fil au journal de Thomas.

Après s'être identifié, avoir rappelé quelques souvenirs de leur passé commun, Bob arriva à la partie mise au courant de ses buts. Un article à écrire sur les agissements de Pharmastore. A la fin de l'entretien, Bob prit rendez-vous avec Thomas Eddington, fixé pour l'après-midi à 14h00. Thomas avait l'air très intéressé.

Le rendez-vous entre eux devait avoir lieu à Auckland, loin du journal, éloigné de San Francisco où, en principe, personne ne devait les reconnaître sauf exception ou accident.

Toute la matinée, Bob réfléchit à un plan de bataille. Comment appâter un journal avec son histoire, avec des révélations susceptibles de l'intéresser sans trop en dire depuis le début ?

A y réfléchir, il n'avait aucune preuve de ce qu'il avancerait. Des intuitions, des interprétations de faits.

Ce n'était que par d'autres interlocuteurs dont il ne pouvait pas ni donner les noms, ni les références, qu'il pouvait s'y référer. Il ne les connaissait d'ailleurs pas. Il était, seulement, l'intermédiaire qui connaissait la partie, disons "technique", du projet MIND.

Le point faible allait être, Thomas, le confident de presse. Celui-ci ne pouvait révéler ses sources alors que son rédacteur en chef pouvait l'y forcer ou plus grave encore, être contraint par la force s'il était capturé par un ennemi inconnu.

La convalescence de Bob touchait tout doucement à sa fin. Il fallait accélérer la cadence car il ne pouvait pas se permettre d'être rattrapé, ni dépassé par le temps.

Une fois après avoir repris le collier du voyageur de commerce, c'était probablement trop tard.

Pour ce faire, les infos qu'il donnerait, devaient être suffisamment, convaincantes, explicites et révélatrices pour ne pas rester lettres mortes pour un journaliste d'investigation. Il ne pouvait pas tout révéler dès le premier contact et garder un certain suspense pour ne pas brûler l'histoire dès la première entrevue.

Bob avait imaginé un scénario pour tenir le lecteur en haleine par chapitres édités dans le journal par l'intermédiaire de Thomas.

Ce n'était pas à Bob, de dicter sa marche à suivre, mais, seulement, de donner quelques directives puisqu'il était un corbeau de l'affaire par ricochet.

Le reste de la matinée fut réservé à la supervision de ce qu'il avait déchargé sur son PC. 

Ensuite ce fut un déjeuner frugal avant de partir. Il prit la voiture à 12h00 pour se rendre au débarcadère de Sausalito et y traverser la baie sur une navette. Sa voiture rouge fut laissée dans le parking.

Le ferry qu'il prit, n'était pas rempli. A la saison touristique, il aurait été bondé. La mer n'était pas agitée et le voyage fut sans histoire.

Arrivé à Auckland, il prit un taxi pour se rendre au "Cisco Bay". Ce "Cisco Bay" était une taverne ou un bar qui datait du temps où les chaînes de motels faisaient la course pour construire de petits restaurants qui délivraient une restauration rapide pour les routiers quand ils en avaient marre de solitude dans leur truck.

A la vue du parking presque complet, Bob se félicitait d'avoir pris le ferry et laissé sa voiture de l'autre côté, près de la mer. Il prit un taxi pour le reste du chemin.

Il faisait un froid de canard. Le vent accentuait cette impression de froidure que le taxi, déjà bien chauffé, avait fait oublier. Il courut sur le sol glacé et une atmosphère embuée l’accueillit dès son entrée dans le bar.

Une place libre dans un coin de la salle, c'était ce qu'il recherchait et qu'il trouva assez vite. Pas mal de routiers autour de lui.

Bob sortit, de sa poche, le foulard rouge qui devait servir d'artifice de reconnaissance.

135h5, il se demandait s'il allait reconnaître Thomas, son condisciple qu'il n'avait plus revu depuis vingt ans.

14h15, un homme entra le crâne presque complètement dégarni. Après l'opération de repérage, il se dirigea vers Bob avec le sourire.

- Bob ?

- Oui, c'est moi.

- Ben en définitive, tu n'as pas trop changé. Je ne vais pas dire que le foulard ne m'a pas servi et que je me serais jeté à ta table sans hésitation, mais... à y réfléchir, il y a des restes qui ne trompent pas.  

- Moi, de même, coupa Bob qui s'apprêta de lui mentir. Il n'y a pas à dire les années changent un homme. Mais il y a des traits dont je me rappelle et qui ne trompent pas même s'il y a quelques cheveux en moins sur le sommet du crâne.

Ils rirent ensemble. L'humour entre eux passait bien et était un bon présage à une rencontre réussie.

Pour ouvrir la conversation, ils se mirent à étaler leurs souvenirs réciproques. Les profs de l'époque qui furent leurs victimes préférées, pour remonter le temps.

Les rires fusèrent de plus belle à chaque retour sur les histoires loufoques. Une ambiance qu'ils avaient connu encore étudiant.

Il fallut attendre la 3ème consommation pour que les choses sérieuses revinrent dans la conversation.

Le vif du sujet, l'affaire Pharmastore, était plus actuel et Bob l'introduisit de manière assez abrupte.

- Mais tu te rends compte que ce n'est pas uniquement pour se rappeler des bonnes histoires d'étudiants que je t'ai appelé, dit Bob.

- Ni pour mes beaux yeux. Je m'en doute. Mais cela nous a permis de rajeunir un peu. Alors raconte-moi. Tu m'en as déjà touché une partie en me donnant l'eau à la bouche. J'ai hâte d'en connaître un peu plus. J'allume mon dictaphone-enregistreur, si tu me le permets ?

- Bien sûr. J'ai des infos complètes, mais ce que je vais te raconter sera une mise en bouche résumée. Je n'ai pas encore eu le temps de tout consulter. 

Bob commença par donner quelques éléments de sa vie active passée à Pharmastore. Une vie presque banale d'un voyageur de commerce qui aime ce qu'il fait. Il passa ensuite au point d'orgue à son accident qui en fut la césure.

Puis, il entama un survol des évènements chronologiquement sans aller dans trop de détails.

Sa longue convalescence. Le doute qui s'était installé. Sa perte de mémoire décalée dans le temps. Sa mise à l'épreuve par un informateur anonyme mystérieux. Le secret qui entourait une recherche dont même l'habituel manager des recherches n'était pas au courant. Le risque qu'il y ait des magouilles sous le seau du secret. Le projet "MIND" dans toute sa "splendeur".

Il termina son exposé en y ajoutant le suspense qui l'entourait pour son informateur et du risque qu'il s'imposait, qu'il ne fallait pas mettre en péril en le faisant vaciller sur des bases d'infiltré trop idiot.

Il attendait avec impatience les réactions du journaliste qui restait toutes ouïes comme s'il suivait un roman policier, sans beaucoup interrompre.

A la coupure de la respiration, il s'exclama. 

Mais, il y a un terrible article à écrire avec tout cela. Je suppose tout de même que ton informateur veut aller plus loin. Que cela soit révélé au grand public sans qu'il soit impliqué et sans qu'il ne tombe dans la manoeuvre. Ai-je bien compris ?

- Je ne suis pas sûr de ses intentions. Cela me semblait être le cas. Il m'a introduit dans la confidence sans nécessairement se construire une véritable chaîne de solidarité construite tout autour. Tu es le dernier à en être informé.

- Il te laisse carte blanche sur les processus ?

- Oui. Je lui en ai parlé et il n'a pas été contraire. Il faut que tu saches que dès que tu publierais la moindre ligne, tu te verrais impliqué comme le maillon suivant. Tu commencerais à risquer plus gros. Sans pouvoir révéler tes sources. Car tu es bien d'accord, pas question de révéler tes sources.

- N'aie crainte. J'ai encore cette éthique du métier. Je connais ce genre de situation. Un article d'investigation présente toujours un certain risque de véracité et de preuves à fournir. Dans ce cas-ci, je vois très bien comment emmancher l'affaire comme un feuilleton plutôt que comme un article unique.

- C'est exactement ce que je pensais que tu choisisses comme stratégie. Aller de proche en proche, pour creuser.

- Nos lecteurs aiment ce genre de feuilleton. Puisque notre conversation a été enregistrée, il me sera plus facile de découper cela en épisodes qui vont leur plaire. Je vais écrire le premier article dès demain. La mise en forme annonciatrice sans beaucoup révéler.

- Parfait.

- Juste pour tâter le terrain pour voir s'il y aura une réaction de ta société. Voir si elle dénie l'accusation ou si elle attaque. La tournure de cette réaction indiquera très bien si nous avons tapé juste et si la stratégie est bonne. Je le présenterai à mon comité de rédaction.

- Cela me paraît la meilleure approche. Dans une semaine ou deux, je dois normalement reprendre du service dans mon entreprise. Je connais ton numéro de téléphone au journal. Je t'appellerai au besoin à partir de mon portable particulier qui ne laisse pas trop de traces.

- Ok. Cela me va. Vraiment content de t'avoir revu. Vraiment content que tu m'apportes des informations pour mon journal. Je vais t'écrire une saga qui ressemblerait à "Dallas".

- Je continue mes investigations de mon côté et je prends contact plus tard avec toi, avec de nouvelles infos pour tes papiers.

Ils se quittèrent, tous sourires confondus.

Le journaliste parti en premier ce qui permit à Bob de constater que personne ne le suivait. Quant à lui, son inspection discrète dans le rétroviseur suivait son inconscient en allure de croisière.

Le projet MIND et ses commanditaires n'avaient qu'à bien se tenir. Après la publication de sa dénonciation, il y avait fort à parier que la liste des suspects s'allongerait.

Le mot de passe pour atteindre les informations confidentielles aurait très bien pu changer ensuite, mais il détenait la dernière version la plus complète sur son PC personnel, PC qu'il devait sécuriser bien plus qu'il ne l'avait fait jusqu'alors.

A son retour, il s'y attela pour le reste de l'après-midi. Copier l'enregistrement du site de Pharmastore, du dossier qu'il avait constitué sur CD et l'envoyer dans un coffre, c'est ce qu'il espérait faire dès que possible. 

La panoplie de l'espion qui venait du froid, il fallait qu'il l'apprenne en quelques leçons rapides.


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17/11/2012

Chapitre 16: Publication et répliques

« Chaque soir, pendant les représentations d'une pièce de théâtre, c'est sur la même réplique que les spectateurs enrhumés se mettent à se moucher ; c'est le moment où la pièce faiblit. », Marcel Pagnol 

0.jpgBob n'avait jamais eu le temps ni l'envie de lire beaucoup de quotidiens de la presse locale. Le quotidien faisait partie de son environnement de liberté dans les grands espaces. Les journaux déforment les réalités.

Tout avait changé. Pourquoi pas sa manière d'aborder son présent ?

Dès le lendemain, il se retrouvait comme chasseur de l'information pris dans l'impatience de lire l'article que Thomas devait faire paraître.

L'article en faisait bien partie comme prévu.

Cette fois, il se sentait au centre névralgique de l'histoire avec une excitation non dissimulée.

Elle figurait en première page, sans emphase, dans une colonne, avec une police de caractère relativement réduite.

La bombe était lâchée.

La crainte se mêlait à son excitation. Lui, l'employé modèle avec un rôle qui le transformait en taupe et comme vilain corbeau, ne lui plaisait que très peu, contrait par un serment. Il était pris dans un engrenage qu'il avait, en partie, construit lui-même. Maintenant, il ne pouvait plus reculer et se départir car d'autres personnes en dépendaient.

Les répliques allaient prendre un peu plus de temps, se disait-il.

Aucune nouvelle ne lui parvint de toute la journée.

Cette absence de réaction lui donna presque un sentiment de soulagement. Peut-être l'article n'avait été qu'un flop magistral qui n'avait ému personne. Ni parmi les lecteurs, ni parmi les dirigeants de Pharmastore. 

La prudence lui imposait de garder le silence. Toutes les parties du complot savaient comment le contacter.

Le stress retombait.

Le soir, entre le souper et la séance télé, il reçut un mail de Thomas. L'anxiété revenait. Celle d'un jeune 'délinquant'.

Son contenu ne le rassura pas :

Bob.

Je suis sûr que tu t'es plongé sur l'article que nous avons publié dans le journal ce matin.

Puisque tu n'avais aucune objection, dès le départ, il est sorti tel quel sans ton consentement.

Je n'ai pas pris contact avec toi de la journée car j'ai été fort occupé pendant toute la journée.

Au sujet de notre histoire, cela a dû créer une certaine gêne dans les hautes sphères pharmacologique.

Contrairement à ce qu'on pouvait s'attendre, il n'y eut personne de ta société, enfin, pas sûr...

Nous avons reçu la visite du FBI. Le charme était très vite rompu. Pas vraiment une visite de courtoisie. Je t'assure.

Ils ont essayé de nous faire croire que l'article était bidon, erronée. Comme nous restions de marbre sur nos positions, ils ont commencé à menacer le rédacteur en chef, si on ne lançait pas un démenti. C'est dire que ton information méritait quelques points goodwill.

Le conseil d'administration était même convié à l'entrevue avec ces deux gars du FBI. Je n'en faisais pas partie. Il y avait un scribe de service pour en écrire les minutes. On m'avait demandé de ne pas me découvrir en prenant part à la discussion.

Je ne serais pas étonné si nous allons être surveillé. C'est dire que pour que tu ne sois pas brûlé en tant qu'informateur, il faudra prendre des précautions lors de nos futures rencontres si cela s'avère nécessaire.

Nous continuons à publier l'affaire dans nos prochaines éditions en y ajoutant plus d'informations mais en laissant planer un doute de bon aloi. Les lecteurs aiment ce genre de procédé.

Je tiens à te remercier de m'avoir choisi pour divulguer ton histoire.

Bien à toi...

Thomas

Bob eut une réaction immédiate de peur. Une nouvelle fois, il sentait qu'il s'était embarqué dans une sale affaire qui le dépassait et dont il ne soupçonnait, peut-être, qu'une partie des buts.

Thomas devenait un candidat à éliminer si on le découvrait.

Que le FBI prenne les devants pour étouffer l'affaire, il ne l'avait même pas imaginé.

Le lendemain, nouveau mail.

Bob,

Quand nous avons reçu ces deux agents du FBI, ils nous avaient semblé louches. On se demandait pourquoi le FBI s'occuperait-il de cette affaire de médicaments ?

Alors, nous avons fait notre petite enquête. Nous avons pris contact avec le FBI et je te le donne en mille, ils n'avaient envoyé personne. Cette affaire, ils en avaient à peine pris connaissance.

Là, cela se corsait vraiment. Qui avait pris leur place sinon des agents de ta société Pharmastore, elle-même ? Avec de fausses cartes du FBI, bien entendu.

Après mûres réflexions, nous avons décidé de publier, dès le prochaine tirage, l'article qui précise mieux encore de quoi il s'agit. Voici, le contenu.

Histoire de mémoire (2ème volet)

Hier, nous vous avions ébauché une affaire concernant la société Pharmastore. Elle semble s'éclaircir de proche en proche, au fur et à mesure que les heures passent. Nous vous parlions d'un projet qui n'était pas déontologique pour la profession de pharmacien.  

Nous sommes, aujourd'hui, à mène de vous révéler le nom générique du projet, toujours resté secret. Le projet en acronyme s'appelle « MIND ». Les initiales désignent les mots « Memories of Individuals Naturally Dispatched ».

Ce projet, d'après nos informations, est destiné à accroître ou décroitre de manière artificielle la mémoire d'un individu. Si au départ du projet de recherche fut la maladie d'Alzheimer, il a été détourné de ses objectifs. L'utilisation machiavélique que pourrait donner ces médicaments, c'est évidemment de construire des zombies pendant des opérations guerrières dont les auteurs ne se rappelleraient pas ensuite.

Il est déjà clair que cette affaire ne restera pas lettre morte et que nous vous tiendrons informés.

Notre envoyé spécial nous délivre des informations au compte-goutte. Informations que nous publierons dans la colonne de droite de cette première page au fur et à mesure qu'elles nous parviennent.

M.M.

Ce fut tout.

Décidément, il a le goût de la distillation d'informations et tout l'art du raccourci, se dit mentalement, Bob.

Il avait à peine déposé son journal que son portable sonna.

La voix de Jim à l'autre bout.

Celui-ci semblait avoir couru un cent mètre tellement le débit de ses paroles était saccadé de phrases courtes.

- Salut Bob, Alors, c'est parti. La guerre est déclarée. J'ai lu l'article avec attention. Court mais précis. Juste ce qu'il faut pour attirer les mouches. Pas mal... Je suppose que tu es arrivé à un point plus avancé.

- Salut Jim. Reprend ton souffle. Comme tu le dis, oui, bien sûr, je connais ou j'ai déduit un peu plus des buts non avoués de la société, mais je laisse à mon interlocuteur journalistique, la bride sur le cou pour décider du rythme de ses publications. C'est loin d'être un enfant de cœur. Il connaît la musique.

- En tous cas, l'article a fait sensation dans la boîte. On n'a fait que parler de cela au bureau. On ressentait une certaine excitation et un profond malais de la direction. Mais, ils ne voulaient pas trop en faire l'évènement de la journée.

- Que t'ont-ils dit toi qui est le maître d'oeuvre des projets en cours ?

- Je m'attendais à ce qu'ils viennent me voir. Ils ne l'ont pas fait. Je suppose que ton informateur principal doit se trouver, désormais, sur les listes de suspects. Tu as déjà décidé quand tu reviendras au bercail et reprendre tes activités ?

- Je pensais la semaine prochaine. Je n'y pense plus du tout. Il faudra du temps pour que cela paraisse en entier. Je ne suis pas censé avoir connaissance des tribulations naturelles de la boîte. Donc, je ne crois pas que je serai soupçonné, du moins tout de suite. Le journal a été visité par on ne sait qui. Deux gars se sont présentés au journal et se réclamaient du FBI, mais ce fut avec l'aide de fausses cartes.

- Ah. Troublant. Fais gaffe tout de même. Prends plus de temps à regarder derrière toi. Un conseil d'ami.

- Bien sûr. J'ai enfilé mon costume d'agent secret (rires). Voyons. Je vais signé désormais de deux lettres : BB. Bob Bond, Agent 047. C'est mon chiffre porte bonheur. A plus, comme on dit dans ce monde d'Internet que je viens de conquérir.

- Je vois que tu gardes l'humour. J'apprécie.

- A plus tard. Je te tiendrai au courant, si on me laisse faire, bien entendu...

Un rire en commun et ils coupèrent la communication.

Après avoir parlé d'Internet, Bob eut l'idée de vérifier s'il avait toujours accès aux informations secrètes.

Première porte à franchir, celle de la société. Elle s'ouvrit.

Deuxième porte, celle de MIND, resta fermée. Le mot de passe avait été modifié. Cela ne fonctionnait plus pour accéder aux informations du projet. 

Attendre son informateur infiltré avec des nouvelles encore plus corsées? Pour la suite, Bob n'avait plus qu'à continuer à analyser le sauvetage du site quand il l'aurait au complet.


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13/11/2012

Chapitre 17: L'affaire en toutes lettres

« Escroquerie : une bonne affaire qui a rencontré une mauvaise foi. », Alfred Capus  

0.jpgOn approchait du soir quand Bob considéra qu'il en avait eu assez pour la journée.

Mary était rentrée de bonne heure. Il en avait oublié que c'était son jour où il devait avoir préparé le souper, mais elle ne lui en tint pas rigueur de ne pas l'avoir fait.

Le lendemain, la sonnerie du réveil se déclencha à plein volume. Il dut taper par deux fois sur lui du plat de la main pour le faire taire et ne pas réveiller Mary dont c'était un jour de récupération. Il avait dû rêver un peu trop de tout cela car il se sentait avoir la tête lourde.

Prendre une douche. Se raser. Reprendre ses esprits et aller chercher la gazette au magasin du coin, lui semblaient plus pénible que d'habitude. C'était tout ce qu'il se consacrerait comme objectifs dans l'immédiat. Le grand air lui manquait probablement.

Il avait une sorte d'angoisse qui se mélangeait avec la fatigue qu'il n'avait jamais connu auparavant dans sa vie active sur les grands espaces avec les paysages colorés d'ocres et de rouges qu'il avait l'habitude de fréquenter avant d'arriver dans les grandes villes pour visiter ses clients.

Un quart d'heure plus tard, le journal "San Francisco Chronicle" sous le bras, il fit le chemin inverse et ce fut bien installé à la table de cuisine qu'il se destinait de prendre le petit-déjeuner de la main droite et le journal de la gauche. Dès la première page, il put constater que le deuxième article avait été publié comme prévu dans la colonne de droite du quotidien.

Il avait, à peine, commencé la lecture du journal que son portable sonna.

Bob faillit tomber de sa chaise en se précipitant pour le récupérer dans son survêtement et y répondre.

A l'autre bout, une voix qu'il reconnut immédiatement sans y mettre un nom.

- Beaux débuts. J'ai pu constater que les informations concernant MIND vous servent à merveille. Nous avons tous été prévenus qu'il fallait encore plus de sécurité. Elle a été doublée. Un nouveau signon et mot de passe a été distribué à chacun des ayants-droits. Je faisais encore partie des privilégiés mais je dois redoubler de précaution. Quant à vous, je vous demanderai d'en faire autant pour éviter les coups inexpliqués qui surviendraient dans le cas où l'un d'entre nous serait découvert. Prenez quelque chose pour écrire.

Il laissa quelques secondes à Bob avant de continuer, juste le temps, de retrouver Bob à l'écoute.

- Ok ? Je continue. Le signon est devenu « A%rts771hJJtrt » tandis que le mot de passe est à deux entrées. La première « 66$KMj6e888kHGF » atteint le premier niveau de sécurité. La seconde atteint le niveau ultime. Voilà, ce que je peux vous donner à l'heure actuelle. Je ne vous rappelle plus. Bonne chance. Je suivrai les cogitations de votre journaliste.

La communication s'interrompit. Elle avait duré moins de deux minutes, interruption comprise.

Bob resta rêveur pendant plus d'une longue minute.

Que savait-il de cet interlocuteur-informateur ?

Quel était son intérêt réel pour prendre autant de risques en lui révélant ces informations ? Avait-il aussi une revanche à assouvir ?

Il était probablement un participant au projet avec le titre de pharmacien, de chimiste ou alors, participait-il dans la partie technique du site ? Un homme qui touche à tout, sans vraiment comprendre ce qu'il touche ? Pourquoi avait-il été choisi pour y participer et qu'est-ce qui l'avait fait perdre la foi dans la société qui l'employait et qui, en principe, puisqu'il était bien payé, lui avait donné sa confiance ? 

Des questions sans réponses qui se bousculaient dans l'esprit de Bob.

Il était maintenant obligé de faire confiance à son informateur à l'aveuglette et cela l'inquiétait autant que le stressait.

Bob s'était lancé dans une vengeance commune avec la sienne mais dont il ne connaissait ni les tenants ni les aboutissants. Sa propre vengeance avait été construite au cours de sa convalescence dans le trouble sans comprendre les révélations qu'il détenait depuis lors. Dans sa vie, tout était rentré dans l'ordre. Son épouse lui était revenue plus aimante que jamais. Alors, pour lui, pourquoi s'être lancé dans cette aventure périlleuse ?

Son envie d'aller plus loin s'effritait et avait reçu une nouvelle entaille après avoir entendu les risques et la menace de mort qu'il encourait.

Il ne pouvait plus reculer. Même Mary lui avait donné son blanc-seing avec fougue.

C'était comme une promesse de résultats et une promesse, cela ne se rompt pas facilement sans perdre la face.

Sauver les informations et reprendre contact avec Thomas et lui redonner encore plus d'informations pour qu'il puisse continuer sa saga d'articles.

Il termina son déjeuner dans un silence pesant. Mary était encore couchée. Il ne fallait pas la réveiller et lui faire encore plus peur, un jour de récupération. Il lui consacrerait la matinée en amoureux à préparer le Thanksgiving. Voilà, comme l'idée, elle est bonne. Mais avant cela, retour au site de Pharmastore. 

Bob remarqua qu'il était loin d'avoir tout compris du ce site secret. Un véritable dédale divisé en directoires. Ceux-ci subdivisaient toutes les données concernant le projet.

Tout passer en revue demanderait des heures et il passa tout le reste de la journée à lire et à prendre des notes au vol.

La formule chimique du produit, créée dans le cadre du projet MIND, était présente. Une formule lourde d'atomes divers de chimie organique. Elle ne disait pas grand-chose à Bob si ce n'est que l'ensemble était assez original et devait avoir un impact sur les neurones et avait un lien direct avec les formules chimiques de produits pharmaceutiques normalement utilisés pour ralentir la maladie d'Alzheimer.

En fait, il s'agissait plutôt de deux séries de produits majeurs avec d'autres qui avaient des fonctionnalités particulières de dosages. Tout cela donnait des variantes avec un rendement différent dans le temps.

La première série de produits étant, un peu, comme l'antidote de l'autre dans les buts alors que poursuivis autrement, chacun des produits pouvait agir et servir seul. L'une pour effacer la mémoire. L'autre pour, au contraire, la renforcer.

Les doses à utiliser étaient répertoriées sur des graphiques qui reprenaient le temps de l'effet désiré, en ordonnée. Des graphiques permettaient d'ajuster les doses en fonction du poids des individus à traiter.

L'administration des produits devaient se faire par son ingurgitation mélangée à un liquide qui devait être suffisamment fort pour en oublier le goût. Il se rappelait du café que lui avait servi Marcovitch, le goût du café avait camouflé tout autre ingrédient.

Bob se demandait comment et sur qui, ils avaient pu tester ce genre de références et de subtilités.

Il trouva partiellement la réponse à cette question dans un autre environnement du site.

Tout d'abord, des personnes prises dans le public à l'est des États-Unis avaient été engagés pour ce genre de tests in vivo suites à des annonces dans les journaux.

Mais d'autres avaient été choisis au hasard comme cobayes sans même le savoir.

Les noms des personnes avec leur adresse, leur poids et leur fonction avaient été minutieusement répertoriés.

C'est alors qu'il tomba sur son propre nom dans une des listes. Mais un autre nom lui tapa dans l'oeil, celui de Silmons, le chef comptable, également un ancien dans la société. Un peu tard pour aller le trouver au bureau. Il ne possédait pas son numéro de portable.

Bob avait donc vu juste. Le comptable et lui avaient été des cobayes à leur insu pour tester le produit qui consistait à effacer temporairement la mémoire immédiate. Pour lui, cela avait été programmé pour une durée estimée à un mois après l'annonce de son licenciement qu'il se devait d'oublier. Malheureusement, les médicaments qui lui avaient été administrés pour le guérir, avaient eu des effets qui avaient annulé ou atténué, du moins, leur efficacité. Il s'était rappelé de tout à son réveil. Test raté. Alors qu'ils avaient dû croire le contraire puisqu'il avait joué leur jeu.

Chaque nom de la liste pointait sur un autre directoire qui expliquait en détails les fonctions de chacun des produits pharmaceutiques avec les résultats analysés. Les noms qui n'en étaient pas suivis devaient être les prochaines victimes de ces tests.

Les clients potentiels de cette « miraculeuse » médication de la mémoire, étaient spécifiés dans un autre directoire.

On y trouvait souvent des pays, des organismes d'Etats qui avaient l'habitude de se retrouver dans toutes les expositions de matériels militaires dans le monde.

La NSA figurait en bonne place dans les prospects. D'autres organismes en faisaient partie dont les noms le laissaient rêveur.

Les noms des contacts, eux-mêmes, y étaient aussi mais restaient totalement inconnus de Bob. Il ne pouvait rien en faire mais il nota le lien pour le cas où il devait les retrouver.

Les spécialistes en informatique avaient conçu ces archives avec soin et pour avoir été impliqués, devaient aussi être convaincu d'arriver par leurs soins, à l'inviolabilité du site.

Mais ils n'avaient pas prévu un espion corbeau parmi eux. 

Un bloc pour recherches par mots clés permettait de trouver n'importe quelle information sur le site. Des documents numérisés, des photographies, les méthodes de production avec quelques réactions de chimie organique ainsi que leurs progrès chronologiques, tout y était avec les pourcentages de réussites.

Le projet devait avoir débuté depuis cinq ans au vu des dates de création des documents les plus anciens.

Des progrès de recherches et des estimations de bénéfices par année, étalées sur cinq ans, complétaient. L'exploitation était espérée dès 2013 ou 2014.

Pour conclure, un chapitre était intitulé « Sécurité ». Il mentionnait le haut degré de confidentialité nécessaire, primordial à la bonne réussite du projet. 

Bob avait eu accès à tout et cela le faisait frémir avec un certain dégoût dans la bouche. 

Il abandonna, planifia de téléphoner à Thomas et pensa à rassurer Mary.


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09/11/2012

Chapitre 18: Piégé...

 « C'est une grande bêtise de la part de la souris, une fois prise au piège, de ne pas dévorer le lard qui la leurra. »,  Friedrich Hebbel 

0.jpgL'après-midi et le soir, Bob oublia de téléphoner à Thomas. Oublier n'était pas vraiment le mot. C'était plutôt un oubli volontaire. La journée à passer avec Mary fut trop douce pour la gâcher avec des choses trop sérieuses.

Encore une fois, il passa avec elle, une fin de journée qu'il voulait garder en mémoire comme la meilleure possible. Une soirée en amoureux à passer en se rappelant les bons moments de leur mariage avec l'album de photos de l'époque.

Le lendemain, tous deux prirent un temps infini avant de se lever.

Comme s'il attendait une nouvelle, il alluma la télévision à l'heure des actualités.

Il préparait le petit-déjeuner quand le mot "Pharmastore" lui tinta aux oreilles.

Surpris, il laissa choir le couteau à la main et prit la commande à distance pour augmenter le son.

Là, une journaliste parlait d'un certain Doug Malaxter qui avait été découvert sur une voie latérale de l'autoroute avec une balle dans la tête au volant de sa voiture.

Ce nom "Doug Malaxter" ne disait rien à Bob. D'après la journaliste qui relatait l'évènement, il avait fait partie de la société Pharmastore en tant qu'informaticien.

Les images montraient en arrière-plan les lieux du drame avec des policiers qui avaient placé un cordon de sécurité autour du drame pour tenir les badauds et les journalistes, à l'écart.

La journaliste termina l'information en affirmant qu'il n'y avait pas beaucoup d'indices mais ajouta qu'une enquête avait été lancée immédiatement et que les fédéraux étaient présents. Elle passa ensuite à d'autres informations.

Bob coupa la télé et resta sans voix, pensif avant de reprendre le fil de ses idées de déjeuner.

A qui le crime pouvait profiter d'autre que Pharmastore?

Il devait à coup sûr s'agir de son informateur. Il avait été liquidé pas des tueurs engagés pour l'éliminer. C'était presque évident.

Il n'avait pas uniquement, des soupçons de responsabilité mais des certitudes de culpabilité qui dépassaient toute son analyse. 

Hier, Bob avait probablement entendu son informateur pour la dernière fois au téléphone. Il n'avait pas eu le temps de lui demander s'il se sentait, lui-même, plus menacé que précédemment.

Il avait prévenu Bob des risques car il avait mesuré l'étendue du danger pour lui-même. 

On avait dû le piéger et le repérer après lui avoir communiqué les nouvelles règles de sécurité particulières délivrées à lui seul pour le confondre.

Son portable avait servi pour prévenir Bob des changements de mots de passe. 

Si par malheur, ses assassins avaient trouvé son portable qui avait servi, après lui avoir donné son coup de grâce, il était clair que Bob pouvait devenu un prochain homme à abattre par ricochet.

Bob se rendait compte que le danger existait pour lui, même s'il était resté dans l'ombre.

Début décembre, après le Thanksgiving, il devait reprendre le travail après cette convalescence dont il ne se souvenait presque plus.

Il ne pouvait plus utiliser son portable risquant à son tour d'être localisé.

Il quitta la maison pour aller chercher un autre portable avec carte limitée de payement et sans contrat.

Avec le nouveau portable, il prit contact avec Thomas.

- C'est Bob. Je suppose que tu es au courant de l'assassinat de l'informaticien de Pharmastore.

- Oui, j'ai vu les infos. Je suppose que ce soit une occasion pour associer le projet avec l'assassinat. Il n'est pas difficile de trouver les commanditaires, mais comment le prouver ? Ce sont certainement des professionnels qui ont été engagés et ils n'ont pas dû laisser de traces de leur méfait.

- Tu l'as dit. De plus, le risque existe qu'ils aient trouvé le lien avec le prochain maillon de la chaîne, c'est-à-dire moi et peut-être, toi. J'ai déjà changé de portable sur lequel l'informaticien m'appelait. Maudite geolocation. Il va falloir que je te cède toutes les infos que tu pourrais utiliser dans tes articles suivants. 

- Je crois qu'en effet, ce serait une occasion d'en parler avec les enquêteurs du FBI. Puisque deux faux agents de chez eux, nous avaient intrigués, ce serait une bonne chose d'en référer aux vrais. Donnons-nous rendez-vous pour parler de tes dernières découvertes. Ensuite, j'irai au FBI pour les informer en demandant l'exclusivité du suivi de l'affaire en échange. Quant à toi, tu dois te faire oublier quelques temps dans un endroit inconnu. Si tu connais cet endroit, fiche le camp avec ton épouse en prenant toutes les précautions d'usage. Où se voit-on avant cela ?

- Connais-tu le Black Jack ? Cela ne paye pas de mine, mais c'est un endroit discret. Je viendrai avec Mary.

- D'accord. Bon endroit. Endroit, où il y a quelques années tu pourrais faire tache parmi les clients noirs mais qui est devenu plus cosmopolite. Rendez-vous pour 11:00. Je prendrai aussi des précautions.

- Ok. A tout à l'heure.

Bob pressa la touche « stop » de la communication et rentra chez lui.

Cette fois, Mary était levée et s'habillait pour partir.

Bob l'arrêta.

- Changement de programme. Il y a du nouveau dans lequel nous sommes impliqués et il ne faut pas que l'on nous retrouve ici. Ce n'est pas pour créer la panique, mais il y a eu un meurtre, hier soir. Un des informaticiens de Pharmastore a été descendu. Son nom ne me dit rien, mais, à y réfléchir, cela ne peut être que mon informateur. Il faudrait que l'on disparaisse quelques jours. Le lien avec moi n'est pas immédiat, mais cela se pourrait que l'on remonte jusqu'à moi. Je n'ai pas envie de nous retrouver dans la liste des prochaines victimes.

- Que veux-tu faire ? Où veux-tu aller ?

- Nous avons un rendez-vous avec Thomas, mon ancien condisciple journaliste. Il veut prendre en charge mes dernières conclusions sur l'affaire. Ensuite, il mettra le FBI au courant et continuera de publier la suite de l'affaire. Si le FBI le laisse faire. Bien sûr.

- Chéri, mais tu me donnes la frousse. J'ai toujours aimé les actions que tu prenais, jeune, mais nous ne sommes plus aussi jeunes pour jouer les casse-cous. La police pourrait nous mettre sous sa protection. Si on leur demandait.

- Protection en fonction de quoi ? Je n'ai aucune preuve tangible si ce n'est un site Internet et des soupçons. Mais, on veillera à une protection. Ne t'en fais pas. Elle devrait seulement rester invisible. Rien ne prouve que je suis déjà sur une liste noire ou impliqué à leurs yeux. De toutes manières, il s'agira d'être très prudent désormais.

- On part. Comment ? Avec quelle voiture ?

- Prenons ta voiture. Elle est moins reconnaissable et je m'y cacherai en sortant du garage. Si nous sommes suivis, il faudra les semer avant d'arriver au rendez-vous.

Tout se déroula sans anicroches. Pas de suiveurs dans le rétroviseur. Bob sortit de sa cachette en s'asseyant aux côtés de Mary.

En moins d'une heure, ils atteignirent le Black Jack.

Un couple attablé. Ils s'installèrent en fond de salle.

Ils durent attendre un quart d'heure avant que la porte s'ouvrît pour laisser passer le journaliste.

Celui-ci les vit immédiatement et les rejoignit le sourire aux lèvres.

Après des prémisses qui n'étaient là que pour rafraîchir ou pour compléter les nouvelles de la matinée, sans perdre de temps, Bob présenta Mary et raconta dans le détail ce qu'il avait découvert, depuis leur rencontre, au travers des directoires de son PC. Son carnet de notes contenait les différentes adresses de références qui à l'aide de son PC permettaient de reconstituer l'ensemble. Il y avait de quoi mettre quelques personnes à l'ombre avant de stopper cette machination qui ne tenait aucun compte de l'éthique ni de l'intégrité humaine. Faire sauter des morceaux de vie, c'est comme voler la mémoire ou violer son histoire. Les suspicions si pas les preuves étaient suffisantes pour enquêter du côté des dirigeants de Pharmastore.

Il était temps d'établir un plan de bataille et pour l'heure, de trouver une base de retranchement.

- J'ai pris contact avec un ami du FBI. Un ami en qui j'ai confiance de longue date pour avoir travaillé sur d'autres affaires en tandem avec lui. C'est à lui que je me suis renseigné sur l'arrivé de ces soi-disant agents qui se sont présentés au journal. Il m'a tout de suite dit que cela sentait très « bizarre ». C'est assez rare d'avoir des journalistes et des agents du FBI de mèche, pour être cités. Des faux insignes, il est relativement facile d'en trouver sur le marché. Quant à de faux de noms, c'est encore plus facile. En plus, mon ami du FBI a le bras long, ce qui pourra nous servir plus efficacement. Pas la peine de perdre son temps à copier les noms impliqués. Je les lui remettrai avec la clé. Il saura quoi en faire.

- Que pourra-t-il entreprendre ? Jusqu'ici, il n'y a rien que des suppositions. Un lien non confirmé avec l'assassinat de l'informaticien.

- Le lien sera peut-être plus difficile à établir, mais rien qu'avec l'information que tu m'as fournie, il y a de quoi les mettre à l'ombre pendant quelques temps. Quand les fédéraux s'en mêlent, ce n'est jamais sans biscuits.

- Le seul lien réel que je connaisse est Marcovitch dans le bureau de San Francisco. Le reste est localisé autour de la maison mère. Il risque, aussi, de se faire emporter dans la tourmente.

- Évidemment, d'après ce que j'ai cru comprendre, il t'a obligé à rester au lit pendant des mois après t'avoir donné sa potion magique qui t'a rendu la mémoire en compote. Tu as une revanche à prendre. N'oublie pas, il a aussi profité des bonnes actions de Mary. N'aie crainte, s'ils le veulent, ils lanceront une armada d'agents et tous les noms que tu me donnes, vont être utilisés pour lancer un grand coup de filet et les mettre en garde à vue. Ce n'est pas leur coup d'essai. Ils aiment pêcher les gros poissons en col blanc surtout si leurs feuilles d'impôts ne comportent pas tous les éléments nécessaires pour faire une bonne taxation.

- J'ai confiance en toi.

- Dès que l'on se quitte, je vais rejoindre mon copain Pitsburg du FBI. Il n'y a que quelques mois, depuis ma dernière rencontre avec lui. Je le sais très intelligent et dans l'heure, il aura les mandats d'arrêt nécessaires. Donc, allons-y sans vergogne ni remords. Je vais prendre des notes pour mon prochain article qui ne comportera pas de noms si ce n'est que celui de l'associé principal en tête de liste. Les autres, il ne faut pas les faire fuir.

Après avoir ouvert son PC, Bob commença à faire défiler quelques infos qu'il avait déchargées.

- Je ne connaissais rien d'un ordinateur avant cette affaire. J'ai appris en accéléré. Peut-être n'ai-je pas encore tout découvert. Mais comme il y avait un moteur de recherche sur le site et un index, cela a facilité le travail. Le programme était bien fait. Bravo pour le programmeur. Le temps de présence sur le site était minimal. Je n'ai pas tout déchargé ni utilisé. Je l'avais fait avant. Les documents sont classés en directoires. Du plus inoffensif au plus stratégique et confidentiels avec les noms des associés, des collaborateurs, leurs e-mails et les notes de services sur l'évolution du projet, les photos, les recherches technologiques... Il y en a pour des heures de consultations, si tu le prends en détail.

- Et cela prend combien de place ?

- L'espace disque du site, j'ai pu le constater, dépasse allègrement, le Giga. D'après les dernières informations de mon informateurs probablement éliminé, ils ont pris plus de précautions encore en séparant les infos, les plus sensibles encore dans la deuxième version. Je n'ai pas découvert lesquelles puisque je n'ai pas eu la possibilité de confronter l'ancienne version et la nouvelle.

Le journaliste avait toujours la bonne idée d'apporter une clé d'un Giga pour copier tout ce qui était utilisable en numérique et son portable pouvait prendre des photos tout à fait acceptables de ce qui l'était moins. Il inséra la clé dans l'ordinateur de Bob et sélectionna toutes les directoires et la copie commença.

La rencontre fut terminée au bout d'une heure.

Chacun était avide de continuer la partie d'échecs qui avait commencé même si la partie avait commencé à l'insu de leur volonté.

Dans ce jeu de stratégie, Mary et Bob se retrancheraient après avoir roqué, attentistes, tandis que le journaliste passerait à l'attaque. Il prendrait la tangente et sortirait les Tours, en révélant les noms aux FBI. Le FBI poursuivrait en diagonale avec les Fous en essayant d'éviter les coups fourrés des adversaires.

Est-ce que les associés de cette affaire parviendraient-ils à sauter les obstacles comme des Cavaliers chevaleresques et sans reproches ? Une question sans réponse.

De toute manière une partie d'échecs dont l'issue risquait d'être incertaine qui pourrait se terminer par un Pat car les adversaires devaient avoir étudié beaucoup de coups d'avances en jetant leurs pions dans la bataille.

L'adversaire avait éliminé la pièce maîtresse, leur Reine blanche, l'informateur qui connaissait toutes les prémices.

Cela était déjà trop. Il fallait jouer encore plus serrer à l'avenir pour arriver au Mat.


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05/11/2012

Chapitre 19: Tout se précipite

« La réalité est la cause principale du stress - pour ceux qui la vivent. », Jane Wagner 

0.jpg

Mary et Bob restèrent attablés juste le temps de voir partir Thomas.

Il avait pris le chemin du retour pour se diriger vers le lieu de rendez-vous avec le FBI.

Le journaliste avait pris les devants et les avaient quittés. Il valait mieux ne pas être vu ensemble. Personne n'avait pu constater qu'ils auraient pu être de mèche.

Tout était une question d'aller plus vite que l'adversaire éventuel.  Celui-ci avait démontré tout ce dont il était capable. Prendre une avance, imaginer ce qu'ils pouvaient faire.

Mary ne disait rien, mais Bob avait un pressentiment. Et si Thomas était déjà sur la liste des personnes à abattre ?

N'y tenant plus, il entraina Mary derrière lui. 

Il avait vu juste. En sortant sur le parking, derrière un buisson, un homme était planqué et avait vu sortir Thomas. Cet homme l'avait suivi depuis le bureau de son journal.

Rien n'aurait pu faire croire à un pisteur si ce n'est qu'il n'y avait pas de soleil et qu'il portait des lunettes noires et une gabardine grise. Il y avait bien un réflex qui manifestement prenait beaucoup de place sous la gabardine qui prenait la place d'un long téléobjectif qui pouvait faire croire à un touriste.

Le magnum qu'il tenait à la ceinture, lui, ne prenait pas autant de place.

Il n'avait reçu aucun ordre, plus précis que celui d'exercer une filature et il n'était pas prêt à faire des extras.

Il n'avait pas pu suivre ce qui s'était passé à l'intérieur du Black Jack, ni qui avait rencontré le journaliste. Son job se limitait probablement à de la surveillance de Thomas. Et il était resté dans le parking. 

Comme Thomas, Mary et Bob étaient cachés dans un fond de salle non visible de l'extérieur, il n'aurait pas pu les apercevoir. 

En fait, ses commanditaires ne connaissaient pas l'auteur des articles du journal. Alors, ils avaient lancé plusieurs pisteurs avec une mission de surveillance de tous les journalistes d'investigation du journal. Pisteurs choisis pour informer leurs clients, de tout ce qui pouvait être suspecté. Chacun des pisteurs pouvaient s'attendre à recevoir un changement de programme avec une extension de leur mission.

Thomas avait pris sa voiture.

Il avait bien regardé dans son rétroviseur en quittant le parking, mais il n'avait pu voir la voiture avec l'homme à la gabardine. Les professionnels et les détectives étaient plus habiles qu'il ne pouvait l'imaginer.

Bob, suivi de Mary, regagnèrent, en courant, la voiture de Mary. Juste à temps pour suivre à distance respectable Thomas et son suiveur. Ils entamèrent une filature à leur tour encore plus loin puisqu'ils savaient où allait Thomas.

Arrivé au bureau du FBI, Thomas fut invité de se rendre au 2ème étage chez l'agent McDonnald Pitsburg. En attendant de pouvoir être entendu par lui, le journaliste commença à écrire son article de révélations qui cette fois, comme il se le devait, allait prendre toute la colonne de droite de la page de garde.

Dix minutes après, il raconta de vive voix tout ce qu'il avait appris à l'agent McDonnald qu'il avait connu lors d'autres affaires. Les noms des responsables du projet intéressaient beaucoup celui-ci.

Un mandat d’arrêt lui était nécessaire, mais il se faisait fort d'informer très vite ses homologues de New York pour les envoyer inculper les responsables du projet alors qu'il irait, lui, de concert à Pharmastore pour cueillir Marcovitch.

Deux heures après, le journaliste le quitta. Il avait reçu l'exclusivité et l'autorisation de continuer la parution pour le lendemain. Avant de quitter, il demanda où il pouvait trouver une un ordinateur et une connexion Internet à une secrétaire.

Pondre son article ne prit pas longtemps. Il l'envoya par e-mail au journal avec quelques extraits importants des informations recueillies deux heures plus tôt. Il y ajouta quelques sources que Bob lui avait laissé copier. Thomas avait reçu l'exclusivité de l'information pour faire son travail de journaliste, mais il avait accepté d'écrire son article dans le timing de McDonnald.

Ensuite, devoir accompli, il se remit en chemin pour regagner son domicile.

Normalement, il aurait dû l'atteindre en moins d'une heure... Qui sait...

Le suiveur de Thomas en l'attendant avait averti ses clients de la visite de sa proie au FBI. Ses clients lui avaient assigné une nouvelle mission. Il devrait le suivre et choisir le moment propice pour créer un accident, avec de préférence un précipice et si cela ne se présentait pas, le descendre.

Il avait déjà vissé son silencieux sur son magnum. 

Thomas, peut-être, trop content d'avoir passé la main ne se rendit compte de rien. Il était sorti du FBI et avait pris une allure de sénateur sur la route.

A bonne distance respectable, Mary et Bob avait pris la place dans la file comme troisième suiveur. Comme il avait vu toute la scène, le manège et le coup de fil de l'ombre de Thomas, il se rendait compte qu'il devait se passer quelque chose. 

Sur la route, à un moment, il vit le suiveur descendre la vitre convoyeuse de sa voiture faisant entrer l'air dans l'habitacle ce qui fit envoler un papier par la fenêtre.

Dans l'habitacle de la voiture qui le précédait, par la lucarne arrière, il avait vu la main qui pointait une arme vint à sa vue.

Bob avait tout compris en un instant que le moment était venu. Tout se passa ensuite tellement vite. 

Bob avait accéléré pour prévenir Thomas. 

Trop loin pour réagir à temps, il vit la voiture de son suiveur déboîter dans un virage. Ce fut un tête à queue ou une queue de poisson, Bob ne le vit pas exactement.

Le suiveur n'eut même pas à utilisation son arme et à ajuster son tir. Pas eu besoin de gaspiller une balle que l'on aurait pu retrouver dans la suite.

Probablement surpris, Thomas ne s'était pas attendu à ces événements. L'effet de surprise fut total. Bob se devait de le penser.

Thomas avait freiné pour tenter la collision. Ce furent probablement pour lui, dans l'ordre, le coup de frein, la perte de contrôle, le dérapage non contrôlé, le rebondissement sur un poteau avant de quitter la route dans le ravin et d'exploser cinquante mètres plus bas.  L'accident parfait que des enquêteurs auraient, peut-être, des difficultés à expliquer. Mais qu'importait à ce tueur, la méthodologie de ses enquêteurs.

Aucun témoin devait-il croire. Aucune poursuite puisque la route était relativement peu fréquentée cette après-midi-là. La voiture du suiveur avait accéléré pour disparaitre très vite de l'horizon.

Bob s'arrêta et se précipita pour voir s'il pouvait encore agir et sauver Thomas. Il sentait que ce saut de l'ange devait avoir été fatal. Dans le ravin, des flammes autour de la voiture. Il ne vit personne en sortir. Thomas restait invisible.

Une réédition, réussie cette fois, de son propre accident ? Il avait raté la première phase de sa vengeance. L'émotion était trop forte. Il se mit à pleurer. Il se sentait responsable pour avoir entrainé Thomas dans la mort.

Bob téléphona à la police pour signaler l'accident, pour dire ce qu'il avait vu, sans pouvoir donner son nom. Son portable allait probablement être reconnu, mais il avait le temps. Puis, il partit.

Le lendemain, Bob alla chercher un journal.

Son affaire était devenue l'affaire dont tout le monde allait parler pendant quelques jours.

Le titre s’étalait sur deux colonnes en première page :

« L'affaire Pharmastore.

Nous suivions cette affaire de la société Pharmastore depuis quelques jours. Nous comptions vous en faire part progressivement en fonction de nos investigations. Les événements se sont précipités et en ont décidé autrement. Notre journaliste qui s'en occupait, après nous avoir communiqué son article, a subi un accident. L'accident de voiture a été révélé par un informateur anonyme. Jusqu'ici on doit encore parler d'accident, mais vu l'importance de l'affaire, nous sommes plus enclins à parler d'un meurtre maquillé. L'assassinat d'un informaticien qui travaillait dans la société Phamastore est-il lié à cette affaire ?

Deux heures avant le drame, le FBI avait été informé de ce qui se tramait dans cette société. Dès le soir, celle-ci a reçu leur visite et des dirigeants ont été inculpés à New-York et à San Francisco. Cette société développait et produisait en catimini des médicaments secrets, moins éthiques et moins nobles que l'industrie pharmaceutique est sensée produire. Plus rentables semblait répondre nos correspondants. Un filtre sensé faire perdre la mémoire ou au contraire la réinitialiser avec une histoire complètement différente de celle qu'un individu aurait vécue. Voilà le projet avec lequel cette société espérait renflouer ses caisses vu certains brevets qui arrivaient à échéance. Des difficultés financières avaient probablement été à la base de ce revirement. De nouveaux médicaments restaient en l'état de développement comme le médicament contre le SIDA, ce qui avait incité cette société à trouver d'autres solutions que l'on connait, depuis, sous le nom de "Projet MIND". Le journal vous expliquera les évolutions dans nos prochaines éditions.

Certains dirigeants ont été appréhendés et mis en garde à vue au FBI. Ils devront s'expliquer au sujet de leur implication dans ce projet. Nous espérons pouvoir vous apporter bientôt des confirmations au sujet de cette affaire.  

Notre journaliste d'investigation, Thomas Eddington, travaillait pour le journal depuis six ans. C'était un excellent journaliste qui souvent était resté dans l'ombre d'enquêtes délicates.

Les collègues et le journal présentons nos condoléances à la famille »

Bob relut par deux fois l'article. Ils avaient été un observateur entremetteur des événements et pas un acteur.

S'il n'avait pas suivi Thomas, il n'aurait pas su ce qui avait réellement engendré la mort de son copain d'enfance et cela il ne l'aurait pas digéré.

Il se sentait trop responsable dans ces moments dramatiques.

Il appela ce qui fut son collègue Jim, le chef de projet qui fut tenu à l'écart de ce projet, sur son numéro secret.

- Bonjour Jim. Tu es évidemment au courant des dernières nouvelles. Sans beaucoup me tromper, cela doit être l'information principale qui circule dans la boîte. Je ne sais si avec le recul, je participerais encore à ce genre d'enquête. 

- Salut Bob. En effet, ici, on ne fait que parler de cela. Marcovitch a été interpellé, hier soir, par le FBI. Cette affaire a dépassé tout ce qu'on aurait pu penser. Ne te sens pas fautif ou responsable de la mort cet informaticien, ni de ce journaliste. Ils avaient une éthique qui les empêchaient d'être complices de malversations. Pour le journaliste qui fut ton condisciple, il n'a fait que son travail d'investigation. Il connaissait les risques du métier. 

- Je sais mais cela me fait gros sur la patate.

- Je comprends. Je suppose que tu ne vas pas réintégrer le boulot de sitôt. Il faudra mettre de l'ordre dans tes idées au sujet de tout cela. La société devra se remettre dans le droit chemin et cela risque de dépasser de loin l'affaire récente du Mediator.

- Tu as raison, mais cela reste une culpabilité implicite. J'ai suivi le journaliste. Je sais donc que ce n'est pas un accident. Cela fait deux morts et un scandale qui aura des suites sur tout le personnel. La société, elle, je n'en ai plus beaucoup à y faire.

- J'ai le même sentiment. Il faudra oublier et remettre les compteurs à zéro. Continue ta convalescence. Prend encore du bon temps, tu n'en avais jamais pris beaucoup.

- Merci de ta compréhension et de me rassurer. Je te téléphonerai dès que l'on sera un peut plus loin dans les conclusions de l'affaire.

Bob coupa la conversation.


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