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31/12/2012

Chapitre 05: Les premières révélations temporelles

« Dans l'échec, tous les hommes finissent par se ressembler. La réussite est le révélateur des natures, et ce qu'elle révèle n'est pas souvent beau. », Maurice Chapelan

0.jpgBob était, ce qu'on peut dire, un bon malade. Pas grincheux pour un sou. Il avait créé de bonnes relations avec les différents soigneurs.

Mary continuait ses visites quotidiennes. 

Le chirurgien était revenu quelques fois à son chevet pour garder le contact et suivre les progrès de sa médecine.

Bob avait le même sens de l'humour que lui. Il appréciait ses visites comme le délassement de la journée.

Sans vraiment le laisser entrevoir, pour joindre l'utile à l'agréable, Bob lui posait des questions courtes pour combler ses trous de mémoire concernant l'actualité publique.

Puis, les visites s'estompèrent, ne laissant plus que la place au kiné pour continuer à lui fortifier le corps toujours prioritaire. 

Ses bandages avaient été enlevés, un à un.

Fin septembre, Bob marchait sans béquilles depuis quelques jours seulement.

Remettre l'esprit à niveau professionnel et familial dans de meilleures dispositions fut réservé à l'étape suivante. 

Il n'avait jamais été un grand consommateur de télé, mais tout ce qui parlait d'évènements du début de l'année, l'intéressait au plus haut point. Comme pour l'Hibernatus, remplir le trou de mémoire devenait presqu'une obsession.

Le kiné, un beau noire, tout en muscles, fut celui qui ordonna les histoires chronologiquement sans que lui-même ne se rende compte que Bob avait des trous dans son agenda du temps.

Pendant qu'il le massait, Bob le questionnait bêtement, presque inconsciemment avec des questions presque futiles, l'air de rien.

- Tiens, j'ai vu un documentaire à la télé, hier soir, disait Bob.

- Ah, oui, il faut savoir tenir ses neurones éveillés. Moi, les films à la télé avec la pub et ces remakes, ce n'est pas trop mon truc. En cette période, c'est toujours la même chose. Nous avons tellement de chaîne et, même, zapper de l'une à l'autre, cela m'épuise car cela ne sert à rien. Les élections qui approchent me donnent le tournis. Plus question de voir un film sans être interrompu des dizaines de fois par ces spots électoraux.

- J'ai pu le constater. Le mandat d'Obama qui touche à sa fin, nous fout les boules.

- Ouais, les élections, c'est toujours la même chose. Bientôt les débats entre les candidats. Cela va se corser. Un beau match entre Titans. Obama devrait gagner mais Romney reprend du poil de la bête.  

Bob connaissait l'opinion du kiné. Ce n'était pas son opinion sur l'un ou l'autre des candidats qui l'intéressait.

- Oui, bien sûr. Une belle bagarre en perspective dans les deux mois qui suivent. Le temps passe tellement vite qu'on s'y perd un peu en chemin. Qu'est-ce qui ne s'est pas encore passé depuis le début d'année pour en arriver là ?

Une question banale qui a priori, ne donnerait qu'une réponse évasive, mais essentielle pour Bob pour le faire remonter aux évènements du monde qui lui manquaient Des trous de mémoires dont il souffrait mais dont il ne voulait pas informer personne, ni éveiller leurs soupçons d'un quelconque trouble avant d'en connaître les raisons. Ce qu'il était aujourd'hui, d'où il était venu dans un passé proche, il connaissait sans problèmes alors qu'il ne gardait aucun écho de ce qui avait précédé.

Le kiné était un bon interlocuteur pour l'en informer.  Il aimait bavarder, donner son opinion sur tout et il ne faisait pas partie du jeu de poker menteur auxquels pouvaient se livrer les plus proches.

Pour Bob, tout était devenu des pièces de puzzle qu'il se devait de remettre en place en trois dimensions dans l'espace et dans le temps. Il le savait l'opération pouvait le réconforter ou le déstabiliser. Mais il voulait en prendre le risque. Le doute, la peur de ne pas savoir le rongeait bien plus. Cette césure dans le temps avait dû avoir une raison, une histoire qui ne correspondait pas aux actions tarabiscotées du film "The game" dont il se souvenait. Bob, contrairement à son héros n'avait rien demandé pour changer son futur. Celui-ci lui avait été imposé. 

Il ne laissait rien entrevoir de ses lacunes de mémoire à Mary. Sa nouvelle situation dans un premier temps, le fait d'être choyé par elle, lui plaisait. Il s'en accommodait en prenant tous les avantages. 

Il ne voulait pas changer cette impression de bien être, de famille unie, de collègues dans une ambiance cordiale de camaraderies. Cela faisait partie de sa reconstruction, de sa reconversion.

Aucune envie de rallumer la mèche d'éventuels désaccords.

La suspicion avait ses limites. Ne pas verser dans la paranoïa.

Le reste, c'était pour plus tard, à son retour à la maison, si cela s'imposait mais il fallait qu'il reconstitue les évènements publics avant tout comme des références.  

Les semaines passèrent et il se sentait de mieux en mieux. Une petite difficulté de bouger le bras gauche sans effort, une interdiction de croiser les jambes par prescription médicale, mais rien en relation avec les débuts dans la clinique. On devait lui avoir implanté une prothèse artificielle et des articulations qui ne l'étaient pas moins. Bob était devenu un autre homme, un peu bionique et cela l'amusait plus que l'effrayait.

Fin octobre, Mary avait reçu l'autorisation de le faire rentrer au bercail. Elle avait immédiatement pris les dispositions pour le ramener à la maison. Noël approchait et les enfants se faisaient une joie de la passer avec eux, lui disait-elle avec enthousiasme. 

Les mots "les enfants" l'avaient fait réfléchir. Toutes les paroles de Mary le faisaient d'ailleurs.

De quels enfants s'agissait-il ? Bob n'avait qu'un fils. Elle devait probablement assimiler le pluriel à sa bru et qui sait, à sa progéniture qu'il n'avait jamais vu. John, son fils, était très certainement content de présenter son épouse avec le bébé, puisqu'il avait de vagues souvenirs qu'elle avait dû accoucher.

Être dans une famille unie, cela n'avait pas de prix et cette réconciliation se présentait sous les meilleurs auspices.

Le reste, la vérité n'avait plus d'importance dans l'immédiat.

Mary se faisait toujours aussi aimante. Le débat entre Obama et Romney du 3 octobre l'avait quelque peu excité. Il découvrait une autre femme en elle, attentionnée qui aimait s'occuper de son mari malade mais, aussi, un peu "passionaria" en politique. Elle avait même pris quelques jours de congé pendant le mois dernier pour soutenir son candidat que Bob n'avait aucun problème pour deviner pour qui elle voterait. Mitt Romney, sans hésitation. Et son poulain avait marqué des points.

Il ne pouvait pas la décevoir en trouble-fête, lui qui était pro-Obama et il ne prit pas son opposition.

Ses talents d'organisatrice, elle allait les mettre en pratique quand le moment fut venu de revenir à la maison. Cela, seul, comptait.

Quelques jours après, ce fut le départ de la clinique. Pour ne pas l'obliger à marcher, elle avait réservé un déambulatoire pour sortir plus facilement de la clinique. Elle savait qu'il aurait pu faire le chemin sur ses deux pieds, mais elle disait que cela faisait mieux de faire plus malade aux yeux des voisins, pour justifier son absence prolongée au bureau et ainsi continuer ses bons offices.

Une voiture qu'il ne connaissait pas, attendait à l'entrée de la clinique.

Ce n'était pas la copie conforme de sa vieille MG, qu'il avait toujours aimé mais elle en avait la couleur rouge pour lui ressembler. L'ancienne avait payé de sa vie comme tout ancêtre, dans une embardée qui l'avait fait échouer lamentablement dans le fond d'un ravin.

- J'espère que ta nouvelle voiture te plaise, Bob. dit Mary.

Bob n'avait pas à juger le choix de Mary. Elle avait d'autres goûts et il n'avait pas l'intention de faire la fine bouche.

- Oui. Elle est très belle. Tu as toujours eu beaucoup de goût. Merci.

La clinique était en plein centre de San Francisco. Le trajet ne devait pas durer longtemps. 

Mary au volant. Bob, à l'arrière de la voiture, n'eut aucune envie de décrire les rues qui déroulèrent leur activité habituelle. Trop content de quitter la clinique, il n'eut pas un moindre regard vers elle, par la lucarne arrière. 

Un regard vide au défilé des voitures, des gratte-ciels. Le Golden Gate arriva et revoir son pont préféré fut le seul sourire du du voyage qui s'afficha sur ses lèvres. 

Mary avait bien préparé le terrain de son arrivée. Elle avait raconté les dernières péripéties à ceux qui voulaient l'entendre pour qu'ils soient préparés aux retrouvailles.

Sausalito. Enfin, au détour d'un chemin, la maison qui arriva dans son champ de vision.

- Content d'être rentré, chéri ?, demanda Mary en se retournant vers lui. Les premières paroles du voyage...

-Bien sûr. Je reviens de loin. Je ne pensais pas revenir encore vivant.

Il n'avait pas envie de parler de ce lointain passé. Son devenir était de plus en plus dans son présent.

A l'entrée, sur le perron, son fils, John, était là avec sa femme, tout sourire aux lèvres, un bébé dans les bras. Bob était grand-père. Il en avait désormais la preuve.

Une banderole avait été plantée au-dessus de la porte d'entrée avec un grand « Welcome Daddy » en technicolor. 

Pour accueillir le revenant, sur le perron, le voisin avec son épouse, son fils et sa bru avec un bébé sur les bras. Plus loin, à l'intérieur, un « Home sweet Home » prônait au-dessus de la cheminée.

La table était mise. Les rallonges de la table étaient sorties pour accueillir huit couverts.

- Ce sera une répétition pour le Thanksgiving, dit Mary, avec un rire nerveux de plaisir.

Les deux places vides étaient réservées aux parents de Mary qui arrivèrent en soirée.

Ce le fut vraiment, une soirée exceptionnelle pendant laquelle on oublie tout et on remet les compteurs à zéro.

Rire et manger, n'est-ce pas les meilleurs moyens pour tout oublier ?

Aller irait plus loin dans sa quête d'informations, il n'y pensait même plus.

10:35 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)

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