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08/01/2013

Chapitre 03 : Un réveil bizarre

« Le réveil commence comme un autre rêve. », Paul Valéry 

0.jpgDes bruits. Des voix.

Le premier œil de Bob s’ouvrit avant l’autre. Un tour d'horizon, étroit, du bout des yeux.

Dans le lit, Bob pouvait voir une chambre toute blanche. Un baxter planté à côté du lit.

Pas d'autres lits que le sien. Rare d'avoir une chambre particulière.  Beaucoup de monde dans la chambre. Il ne parvint pas à se mouvoir. Il tenta de bouger les doigts. Pas sûr que cela marchait, puisqu'il ne pouvait vérifier en l'état de véritable momie, enrobée de bandelettes.

Le brouillard dans la vue s’éclipsait progressivement.

-Il a bougé, s'écrie quelqu'un à côté de lui et voilà tous les visiteurs qui se retournent ensemble vers le lit.
La surprise semblait entière autour de lui.

La mémoire lui revenait, bizarrement, assez vite. Trop vite, peut-être.

L'avait-on déjà mis dans la tombe ? La surprise, il la revendiquait surtout pour lui. Après l'accident, il lui avait semblé avoir traversé le miroir définitivement. Des images lui revenaient de cet accident. Le tragi-comique n'avait aucun droit de cité, cette fois.

Tenter, encore une fois, des étirements, de bouger le reste du corps, minutieusement, lentement. 

Non, impossible. Son corps ne répondait pas.

Suis-je paraplégique ? pensait Bob

Son épouse lui tenait la main, il la sentait, heureusement. Il avait pu lui répondre. Bouger les doigts, Ok.

Il sentait sa main, désormais, dans celle de son épouse qui la caressait. Ce n'était pas un mirage, il la sentait. 

Après ses surprises physiques, ce furent les surprises psychiques. 

A ses côtés, son épouse, donc, deux collègues de bureau, dont Phil, qu’il reconnaissait. Des anciens. Le voisin de la maison était là aussi. Puis, il y avait, plus étonnant encore, Marcovitch, tout sourire. 

"Là, cela devient folklorique. Suis-je arrivé dans le royaume de Disney ou parmi les magiciens d’Oz?", pensa-t-il.

- Et bien Bob, tu peux dire que tu nous as fait une de ses peurs. Tu as voulu jouer au cascadeur ? Tu nous reconnais tout de même ? Tu sors du coma après près d'un mois. Ne bouge surtout pas. On ne croyait plus te revoir vivant. Tu ne te rends pas compte comme on a pu être inquiet, lance la voix de Marcovitch qu'il reconnaissait à peine.

Les souvenirs étaient presque tous revenus. Il avait été viré de la boîte. En retournant chez lui, il avait rencontré plus fort que lui, un camion, un truck.

"Incroyable qu'il soit venu aussi, celui-là. Si je suis dans cet état, il en est, un peu, la cause, non ?", pensait Bob en fixant Marcovitch, sans bouger la tête.

S'il avait pu parler, Bob aurait lâcher une blague ou quelque chose du style :  "Mais on dirait que c'est vous qui êtes à plaindre. C'est moi qui ai dégusté ce poids lourd, je rappelle". 

Il fit seulement un "oui" par un clignement des deux yeux, mais ne répondit pas. La mâchoire lui faisait mal. Quant à bouger la tête, fallait pas y penser.

Un temps encore et tout deviendrait plus clair, pensa-t-il.

- Tu sais, il y a ton équipe qui va prendre congé pour venir te voir dans la semaine. Ils veulent venir pour te faire plaisir. Phil passait par hasard avant d'aller travailler et coïncidence, tu es revenu à toi. Nous sommes tous contents de te revoir dans le monde des vivants, enchaîne Mary.

Qui avait prévenu son épouse du drame ?

Marcovitch restait tout sourire, figé, sans plus rien dire. Après lui, tout de miel, sa femme qui l'avait quitté, la douceur personnifiée. 

"Elle devrait aussi avoir oublié la tendresse depuis qu'elle avait quitté la maison et voilà qu'elle revenait comme par miracle", objectait Bob en pensée.

Mais, ces seules pensées l'avaient fatigué. Les paupières lourdes eurent raison de Bob et il s’endormit en pensant que le monde des vivants apportera toujours quelques surprises à celui qui revient du monde des morts. Des surprises comme celles-là, cela lui avait bouché un fameux coin, trop lourd à analyser pour un réveil trop laborieux.

La morphine devait avoir eu quelques effets modérateurs pour contrecarrer la douleur car il ne sentait pas vraiment le mal que tous ses dégâts  corporels apparents avaient causé.

Dans son sommeil, des images du passé repassèrent pour confirmer ce qu'il avait vécu, mais au ralenti avec des couleurs inhabituelles.

Le truck avait pris la gueule d'une poupée gonflable en se déplaçant tout en prenant son temps.

Le ravin, devenu un espace verdoyant, sur lequel il rebondissait comme sur un matelas. Tout semblait avoir été nettoyé des avatars des vivants. 

Tout avait été étrange lors de son réveil. Ce qu'il avait entendu, l'endroit dans lequel il se trouvait. Les gens qui étaient chargés de le réveiller.

Le rêve se continuait comme dans un coma éthylique. Un paradis dans lequel des anges passaient. Cupidon qui lâchait ses flèches. Judy Garland, qui avait les traits de Mary, chantait en maîtresse des lieux enchanteurs. Des animaux parlaient entre eux. Ce qu'il entendait, étaient des plus subtils, tellement simples.

Et, Bob levait les yeux et il riait de ces couleurs pastelles qui enrobait son entourage.

"Comment le réel avait-il pu être autant complexe ?", se disait-il.

Le réel était trop fou. Il n'avait presque plus envie de le retrouver.

Ces visions idylliques lui redonnaient du baume au cœur. Il ne pouvait que se sentir aller mieux. Plus aucune envie de mourir, mais de continuer ce rêve. 

0.jpg

Le rêve, la manière la plus habile que la nature ait pu inventer pour effacer les ennuis des exilés de la vie. 

Entre temps, dans la chambre, ils se regardèrent et comprirent qu'ils n'avaient plus rien à faire de positif sur place. Un sourire imperceptible de Bob les incitait à l'imiter. Ils se concertèrent avant de prendre congé.

Contents, ils avaient eu la chance d'être là pour le premier réveil du miraculé. Le désastre avait été évité. 

Ils sortirent ensemble avec des paroles qui les réconfortaient l'un l'autre.

L'inquiétude, lors du coma de Bob, avait été trop longue.  

Le médecin avait prévenu qu'il n'avait subi aucun dommage fatal, alors qu'au départ, les dégâts physiques apparents, faisaient penser au pire.

Bob, sauvé, les autres soulagés, cela devait s'arroser. Ils allèrent à la buvette de la clinique.

Tout était pour le mieux.

God bless them all. 

08:55 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)

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