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23/12/2012

Chapitre 07: Des vacances studieuses

« Mon éducation, je l’ai faite pendant les vacances. »,  Osbert Sitwell 

0.jpgPendant les premières matinées, Mary était partie skier sous son conseil.

Le deuxième jour, Bob regardait les montagnes et rêvait. Cette semaine, il voulait la réserver en partie à éclaircir son passé professionnel.

Assis dans une chaise longue, habillé chaudement, il suivait à la jumelle quelques skieurs et à rechercher Mary sur les pistes de ski.

Il faisait froid, mais beau, aucun vent et un soleil qui rendait la neige trop brillante pour continuner à viser la neige trop longtemps.

Il prit son laptop dans ce temps libre.     

Du temps à se reconnecter avec sa société 'Pharmastore' pour comprendre pourquoi il avait été mis sur une liste noire avant l'accident car il en doutait de moins en moins et parl là, comprendre le revirement qui en avait suivi.

La première récolte de renseignements qu'il pouvait rassembler sur Internet, n'apportait rien de bien explicite ou d'utilisable, utile pour confirmer ou infirmer ses soupçons.

En général, tout se résumait à plus ou moins des annonces publicitaires. Un catalogue prix de médicaments que l'on pouvait commander par l'intermédiaire de la Toile. Quelques renseignements sur la santé de l'entreprise limités à la fin de l'année 2011, terminée sans heurs. Rien au sujet des échéances trimestrielles. Il ne serait pas étonné si les bénéfices de fin d'année 2012 allait fondre, même si le chiffre d'affaire devait probablement grimper.

Pas de « profit warning » en vue, c'était déjà ça. Le dernier rapport du patron lors de l'interview d'une journaliste de Wallstreet disait que les résultats correspondaient aux attentes, et aux perspectives ou plutôt, pour être plus exact, à la conjoncture morose qui réduirait les bénéfices. Mais le message était, il ne fallait pas s'inquiéter. La planification de nouveaux produits allaient relancer les ventes. Pas d'annonces tapageuses, explicites sur ces nouveaux médicaments contre le Sida et la maladie d'Alzheimer n'avait pas été évoqué. D'autres projets sur les maladies orphelines n'avaient pas reçu l'aval des administrateurs ou des actionnaires. Le secret du fait que les délais avaient dû être postposés par manque de résultats probants des tests, était préservé.

Point positif, aucun plan de restructuration à l'horizon de la fin de l'année 2013.

De proche en proche, Bob, vu son expérience du terrain,  commençait à ébaucher un autre avenir de la société même si le rapport ne permettrait pas à se faire des idées précises de la situation. Il était clair que les administrateurs préparaient les actionnaires à des chambardements à la fin de l'année fiscale. Se faire racheter pourrait se manifester bientôt pour confirmer l'idée que seule une société plus grosse et bien en forme pouvait encore donner des fruits dans un soucis d'économie d'échelle. Soucis qui mène obligatoirement à des licenciements vu la redondance des fonctions. 

Son enquête se poursuivit par la lecture des concurrents de «Pharmastore». Au début, il ne trouva rien de particulier.

En pousuivant sa recherche, il constata que le principal concurrent, «Pharmacom» s'apprêtait à racheter «Europhar». En cherchant plus loin, il apparaissait que cette dernière, producteur européen était en difficulté. Des brevets  sur des médicaments stratégiques arrivaient à échéance et tombaient dans le domaine publique. Les médicaments génériques étaient poussés en avant par les gouvernements européens pour épargner les remboursements des mutuelles. Une nouvelle restructuration au menu. 

Plus loin encore, une autre annonce rendait la situation générale encore plus claire: "USA: le pharmacien GSK paie une amende record de 3 milliards" pour mettre fin à des poursuites du gouvernement américain liées à la promotion illégale de certains médicaments, de ne pas avoir dévoilé certaines données liées à la sûreté (des médicaments) et d'avoir fait de fausses déclarations sur les prix... plus gros accord à l'amiable d'un groupe de santé dans l'histoire des États-Unis et du plus gros versement par un groupe pharmaceutique. ... enquête engagée par le procureur de l’État du Colorado en 2004 et reprise en main plus tard par le procureur du Massachusetts sur les pratiques commerciales du groupe liées à neuf produit. GSK, forcé de tirer sur la ficelle des impôts en se concentrant sur les vaccins comme vache à lait".

Un autre article, Janssen et Pfizer ramaient dans la découverte de médicament contre le sida. Ce qui avait décidé la société d'arrêter les recherches trop couteuses.

Pour d'autres médicaments, il apprenait que la contrefaçon touchait huit cent médicaments dans le monde. Ce qui devait également entraver les bénéfices.

Non, tout n'allait pas si bien dans les entreprises pharmaceutiques. Dans tous les secteurs d'activité, il fallait se battre, mais dans celui-ci, il fallait jouer des coudes dans une véritable guerre de tranchés contre les concurrents, mais, en plus, contre les autorités des pays. 

Il avait appris les histoires de magouilles qui planaient au dessus des médicaments dont il avait été parfois, l'instrument de vente comme l'était "Mediator". Des effets secondaires non nuls ou au contraire, qui se révélaient avoir une efficacité trop faible.

Son renvoi de Pharmastore, qu'il avait gardé en mémoire, pourrait, dès lors, très bien ne pas être une pure imagination ou une vision chimérique.
Il avait pris des notes au passage d'un site sur l'autre et avait construit les bribes d'un dossier. Mais, la question subsistait: pourquoi, ce revirement artificiel après son accident?

Il était encore plongé dans ses réflexions, quand Mary rentra.

Assez excitée, elle était à des années lumières des considérations de Bob.

-Comment as-tu passé les dernières heures? Tu ne t'ennuies pas trop? Tu devrais me rejoindre sur la neige. Tu verrais que la glisse apporte tellement de plaisir », lança-t-elle.

-Qui a partagé tes glisses sur les pentes neigeuses?

-Comme, il y avait longtemps que je n'avais plus skié, je me suis inscrit à des cours et le moniteur était vraiment un chouette gars, très sympa, répondit-elle avec une certaine excitation dans la voix.

Touché. Des paroles qui réveille une jalousie innée et secrète, mais Bob ne laissa rien voir de ce sursaut. 

-Je suis désolé de ne pouvoir t'offrir ma présence maladive. Je ne suis pas sûr de pouvoir être en forme pour skier avant longtemps.

Elle devait avoir vu les joues de Bob rougir.

-Chéri, je ne voulais pas te reprocher quoique ce soit. Je te faisais le résumé de la matinée, sans plus. Es-tu jaloux?

-J'avoue, un peu. Jaloux de ne pas pouvoir t'accompagner, mais heureux que tu passes agréablement ta journée et que l'on se retrouve ensuite.

-Tu sais que je t'aime, non? 

-Figure-toi qu'il y a des moments, il fut une temps où j'ai hésité à le croire.

Mary ne voulait pas engendre ce genre de conversation et fit semblant de n'avoir rien entendu.

-Demain, je t'emmène. Tu verras que tu en oublieras tes problèmes de la veille.

Elle leva les épaules et quitta la conversation avec un sourire très câlin aux lèvres.

-D'accord. On verra si je peux me transformer en danseuse étoile sur la neige, répondit Bob en lui rendant son sourire.

Bob avait 52 ans et Mary en avait cinq de moins. En pleine force de la mûre séduction, elle ne pouvait cacher ses manières de dompteuses.

Les jours suivants se déroulèrent sans heurs. Les promenades à deux avaient un charme que chacun semblait apprécier. Le soleil au dessus des nuages avait brûlé et tanné les peaux. Le soir, après le restaurant de l'hôtel, quelques skieurs venaient raconter leurs exploits dans le salle de repos. Ils divulguaient les pistes moins encombrées avec une neige encore molle dans laquelle on ne se fait pas de mal en tombant. Des informations stratégiques que tous skieurs écoutaient avec attention.

Mary et Bob avaient fait la connaissance d'un autre couple plus jeune dont, le mari, Jef, avait des sujets de conversations en commun puisqu'il était vendeur en vins californiens. La vente attire les idées de vente entre ses acteurs, peu en importait ce qui en constitue la substance. Les difficultés de vendre se retrouvent en commun.

Le temps avait passé plus vite que prévu. La semaine s'était écoulée et il fallut repartir. 

Mary n'avait quasiment pas utilisé son portable qui restait toujours à proximité, connectée avec le monde des affaires.

De l'après-midi jusqu'au soir, Bob, au contraire, avait fait le break complet et ne voulait pour aucune raison être dérangé de ses moments précieux de bonheur. Le cadre avait été superbe. La dernière nuit, la neige était tombée et le lendemain, le brouillard était tombé le matin. Un temps qui ne fait pas regretter de repartir et d'établir une conclusion au voyage.

La montagne, prise sous la neige blanche, lui avait apporté une paix indicible et il avait fait quelques belles photos avec un pied de ce décor féerique à tous les moments de la journée. Photos qu'ils revoyaient ensemble le lendemain.

Avant de partir, Bob prit Mary à témoin de ce qu'il avait découvert sur Internet et lui demanda:

-Penses-tu, parfois, devoir quitter la société qui t'emploie et recommencer à zéro ? Vendre des maisons et en construire, ce n'est plus la grande fougue des Américains quand on pense aux subprimes. 

-Non, pourquoi ? As-tu des intuitions qui te le ferait penser pour toi-même?

-Tu connais les affres de la crise qui touche toutes les entreprises. On restructure partout. On rajeunit les cadres. On rationalise les postes pour obtenir plus de bénéfices dans le rayon pharmacie.

-Je lis les journaux comme toi, mais ressens-tu cette tendance dans ta propre société? «Pharmastore» n'est pas une «start up». Marcovitch, le chef de Human Ressources m'a semblé très serein pour l'avenir de la société quand nous avons parlé pendant ta convalescence. On aura toujours besoin de médicaments surtout avec le vieillissement de la population.

-C'est peut-être cela qu'il faut craindre. Quand il y a de l'argent en caisse. Une société se doit d'éliminer les éléments qui coûtent trop cher. Les branches trop vieilles comme moi, les actionnaires pourraient aimer les couper. Aujourd'hui, on met des jeunes fraîchement sortis des universités qui s'ils n'ont pas l'expérience, ont des avantages indéniables de connaître de nouvelles techniques de vente. Eux, ils aiment les titres ronflants et ne sont pas encore trop regardants sur le montant de leur fixe. C'est ça prévoir l'avenir pour une société dans le vent, non?

-Mon cher Bob, tu ferais peur à n'importe qui. Tu ferais pleurer le bébé qui vient de naître avec tes histoires. Tu es d'un triste à casser toute l'ambiance d'une fête. Je ne te suivrai pas dans cette voie. Nous avons passé une semaine de vacances exceptionnelle à deux sans tous ces soucis et te revoilà replongé dans la moise comme un oiseau de mauvaises augures.

Bob n'avait pas l'intention de la faire peur et encore moins de lui reparler de son aventure mystérieuse qu'il avait ressenti dans son court passé parallèle. Il voulait lui parler de ce qu'il avait découvert sur Internet, de ces rachats, des fusions de sociétés dans ce qui touchait la branche "pharmacie" et de la faire réfléchir au cas où il serait mis sur la sellette ou se retrouverait sur un siège éjectable. Sans plus. Le job de Mary était complètement différent. Il ne voulait pas la contrarier.

-D'accord. Dès ma rentrée, avant que je ne revienne sous l'emprise de la société, j'irai faire un tour parmi les collègues qui sont sensés en savoir un peu plus long au bureau. Le délit d'initié est puni par la loi mais pas pour ce qui est de se renseigner sur son propre avenir dans une société. Non?

La première partie du plan post-accident n'avait pas pris une mauvaise allure avec Mary. De ce côté, il était rassuré. Elle semblait ne plus avoir des envies d'aller voir si l'herbe était plus verte ailleurs. Il y avait quelques indices qu'il n'avait pas tout inventé. La tendresse était bien là, mais la tendresse seule ne fait pas un couple. Faire l'amour ne faisait plus partie de ses souvenirs depuis longtemps. Puisqu'il semblait que les bons sentiments reprenaient le dessus, il fallait bientôt confirmer ces sentiments.

Le deuxième volet, son avenir dans la société, demandait encore plus de suivi et de recherches, mais ce n'était qu'un début.

La suite de ses découvertes l'inquiétait plus.


08:40 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)

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