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11/12/2012

Chapitre 10: Révélations

« Ne révèle pas aux autres le malheur qui te frappe. », Pindare

0.jpgBob ne parvenait pas à dormir.

Mary dormait profondément quand il se leva et alla rêver sur la terrasse. Le ciel était limpide. La pleine lune éclairait la mer.

Il se servit à boire.

Les précautions que Jim demandait et qu'il fallait prendre pour ne pas être découvert, il n'avait jamais eu l'occasion de connaître un tel secret à ne pas partager avec Mary pour ne pas l'impliquer.

Tout cela lui faisait peur, tout en l'excitant. 

Jouer les agents secrets, participer à un "complot", c'était à la télé qu'il voyait cela et il était dans la vraie vie.

Un dilemme se présentait à lui. 

Continuer serait prendre des risques dont il ne soupçonnait pas les conséquences. Bob avait une famille, une épouse, un fils et une belle-fille et un petit-fils, avec lesquels il avait retissé des liens plus étroits. Il ne s'agissait pas de les mettre en danger en affrontant le Ministère de la Défense par l'intermédiaire de sa société Phamastore.

Arrêter et dire à Jim qu'il ne voulait pas entrer dans ce jeu trop dangereux, serait l'abandonner et quelque part, le trahir. Jim avait eu confiance en lui. Il l'avait choisi pour son diplôme dans les neurosciences, mais ses connaissances dataient de plusieurs années et n'avaient jamais été mises à jour. Les neurosciences, un domaine des sciences en perpétuelle évolution. 

Il sentait qu'il ne pouvait pas le décevoir. 

C'était aussi une occasion de rafraîchir ses connaissances, de se remettre dans le bain sur ce qu'il avait appris pendant ses études universitaires via Internet. 

De proche en proche, tout en le passionnant, le jargon utilisé lui revenait en mémoire et facilitait sa remise à niveau. Les heures passèrent dans cette récupération de mémoire.

A 06h00 du matin, insensiblement, il s'était assoupi, sa machine toujours allumée, distribuait des images sur l'écran, en éclairant et assombrissant alternativement la pièce.

Le réveil avait dû sonner dans la chambre et Mary apparu, assez étonnée, de ne pas l'avoir à côté d'elle dans le lit.

Elle descendit au rez-de-chaussée et le vit affalé au côté du PC.

Elle le secoua avec douceur avec la ferme intention de le réveiller.

- Alors, tu découches maintenant ?

- Excuse-moi, je ne parvenais pas à dormir. Je suis venu me chercher à boire et comme la nuit était belle, je me suis mis à rêver et à consulter sur ce putain de PC.

- Rêver devant un ordinateur, là, vraiment, je ne te reconnais plus du tout depuis ton accident. De la rage, ai-je dis.

Bob sourit et referma l'écran sur le clavier. Il en savait assez.

Il se leva et entreprit de préparer le déjeuner, toujours l'air songeur, sans plus rien dire.

Mary comprit qu'elle ne devait pas trop insister pour chercher les raisons de son mutisme pour rouvrir le dialogue.

Elle le tenta néanmoins.

- Ta convalescence arrive à sa fin. J'espère que tu ne t'ennuies pas trop. Après ce que tu m'avais dit en vacances, pas de paranoïa, tout de même ?

- N'aie crainte, j'ai du travail à rattraper. Hier, je suis allé au bureau pour me reconnecter avec les affaires ?

- Ah, Et que t'ont-ils dit ?

- Pas grand-chose. C'était une première remise en condition. Un premier contact, sans plus. J'ai vu Marcovitch, qui m'a trouvé bronzé. La réceptionniste, aussi. Tout va donc bien du côté de ma beauté physique.

- Là, c'est toi, qui va me rendre jalouse.

Aucune mention de sa rencontre avec Jim.

Après le déjeuner, Mary s'en alla en lui jetant un sourire et un baiser sur le front.

A peine quelques minutes après sa sortie de la maison, Bob s'apprêta pour aller acheter un nouveau portable comme Jim le lui avait conseillé. Un banal jetable, loin d'être sophistiqué, comme il en existait pour les appareils photographiques.

Pourquoi avait-il attendu si longtemps pour s'en acheter ? Il aurait été moins ignare dans ce monde de brutes.

Aussitôt acheté, déballé, le vendeur l'avait mis en service avec les options habituelles pour qu'il fonctionne immédiatement sans retard.

Bob se retrouva dans la rue. Il composa le numéro de Jim.

Il était déjà 08h30. Matinal, Jim ? Il l'ignorait. A l'autre bout, la voix connue apparut.

- Allo, Jim, ici, Bob. Peut-on reprendre la conversation de hier ou dois-je te rappeler plus tard ?

- Non, c'est parfait. Même chez moi, je suis réveillé depuis longtemps à cette heure. Comme nous avons du temps, je vais commencer par te mettre au courant des projets de la société. Tu peux te rendre compte que tous les pharmaciens essayent aujourd'hui de trouver la pilule miracle pour permettre aux gens d'allonger leur vie au mieux et, ainsi, assurer la vie d'une société qui aurait lancé la pilule miracle sur le marché. Lutter contre les maladies de la génération papy et baby-boom, tout un programme. Pour traiter l'arthrite rhumatoïde ou d'autres troubles auto-immunes, il y a déjà l'Infliximab, mais on cherche mieux, à prévenir les problèmes inflammatoires. Je ne vais pas te faire un cours, mais tu vois où je veux en venir. 

- La pilule "élixir de jouvence", quoi. J'ai des clients de la classe plutôt riche qui en utilisent déjà.

- Exact. Les recherches essayent de vaincre le cancer, l'infarctus, Alzheimer, le sida. Rien que cela il y a une fortune à faire dans l'industrie pharmaceutique. Les maladies orphelines, tu peux comprendre que c'est pas leur truc. Il faut que cela rapporte. Tu as peut-être lu que les laboratoires pharmaceutiques auraient ignoré un traitement du cancer parce qu'il ne leur permettait de  gros bénéfices. Pourtant, c'est de ce côté préventif et non pas curatif, que l'on pourrait améliorer la santé des patients. Il vaut mieux prévenir que guérir comme dit la maxime. Tu as dû connaître les aventures néfastes des anti-inflammatoires comme le Vioxx, le Mediator et j'en passe et des meilleurs.

- Je m'en souviens du Vioxx, retiré du marché. Mais je suppose que ce serait trop simple et que c'est de l'histoire ancienne.

- Dans notre jargon, on donne à ces pilules miracles, le caractère "pléiotropique". Il y a beaucoup de médicaments qui sont déjà dans le domaine public qui pourraient en faire partie. Tu connais la plus célèbre Aspirine, le vulgaire acide acétylsalicylique qui donne des espoirs dans la prévention des maladies cardiovasculaires. Simplement suite au fait d'être anticoagulant, le cerveau est mieux oxygéné et il déboucherait les artères. Tu connais évidemment l'effet secondaire, les saignements et les hémorragies.

- Oui, je connais cela. C'est son point négatif. Tu en as d'autres ?

- Il y a la Metformine qui est un antidiabétique notoire qui est aussi connu, depuis longtemps et donc qui ne rapporte plus rien à l'industrie pharmaceutique de très juteux, mais qui pourrait vraiment apporter un plus comme Glucophage. La molécule est excellente pour la maintenance des neurones et contre leur dégénérescence. C'est l'inhibiteur de la fonction des radicaux libres. Les effets secondaires sont surtout digestifs. Tu suis toujours ?

- Oui. Je connaissais la Metformine et donc, elle ne serait pas d'un grand secours pour faire entrer de l'argent dans les caisses non plus.

- Tu as raison. Le Sida, le 1er décembre a été sa journée mondiale. La société avait espéré de sortir quelque chose de plus efficace que la trithérapie. Raté, rien de miraculeux de ce côté.  La benzodiazepine destinée à contrer l'anxiété augmente les démences et favorise la maladie d'Alzheimer. A ce sujet, il y a aussi la Statine qui existe pour prévenir du cancer, l'ostéoporose et la sclérose en plaque. Moins connue mais tu dois connaître le Lipitor et l'équivalent de la Pitavastatine en Europe. Mais, il y a un hic. La molécule a la désagréable manie d'avoir des effets secondaires qui apportent des troubles de la mémoire.0.jpg

-Mazette. Ce qu'on apporte de bien d'un côté, on le retrouve comme un mal, d'un autre côté.

- Tu as tout compris. La recherche est devenue statistique, à la recherche de compromis, du moindre mal. De plus, les patients jeunes ne réagissent pas de la même manière aux médicaments que ceux qui ont un âge de raison de 50 ans et plus. Ce sont ces derniers les plus grands consommateurs, les plus riches, les plus inquiets pour leur vieillesse. Des cocktails de médicaments existent pour ceux-ci et ils s'en gavent pour rester jeunes. La Mélatonine, la DHEA, la Rapamycine qui inhibe le cancer mais entame le diabète, en même temps. Le fameux équilibre, ce n'est pas encore pour demain. 

Tout tient dans des indices, des suspicions de résultats qui demandent des années pour être confirmés. Entre temps, les pharmaciens en chef, nos chers patrons, doivent se donner les moyens de leur politique.   

- Je vois que l'auberge espagnole est en place.

- (Rires) Comme tu dis. Je te parlais, hier de "MIND". Quand ce projet «MIND» m'est passé sous le nez, moi qui ai la supervision de tous les projets de la Corporation, cela m'a beaucoup intrigué. Cela m'a paru louche et je dois l'avouer, indigné de ne pas avoir été consulté. Cela ne m'était jamais arrivé. Étais-je sur la touche ? Je me suis mis à chercher sans beaucoup de succès. Puis, j'ai eu un correspondant anonyme qui m'a mis l'eau à la bouche. Une sorte de corbeau du genre Wikileaks. Si tu veux. Pharmaleaks, plutôt. Probablement quelqu'un parmi les concepteurs du projet. Il avait brouillé sa voix. Comme tu m'as dit que ce genre de sujet était dans tes cordes, je me suis dit qu'il fallait te mettre dans le secret. Je suis trop mouillé par ailleurs pour le tenir pour moi seul, et y réagir à revers. J'ai connu les moyens, le nom d'utilisateur et le mot de passe pour entrer sur le site du projet. Tu penses bien que j'y suis allé.

- Et qu'est-ce que c'était ?

- C'était lié à la mémoire et aux neurosciences. Pour moi, un problème que je connais moins. Je dis « problème » car d'après moi, sans beaucoup de connaissances du projet, cela ne sentait pas bon. Il s'agirait de recherches pour la génération d'un médicament qui permettrait d'effacer la mémoire d'un individu pour une période donnée plus ou moins longue, dépendant de la quantité du produit absorbée. Pour des militaires, tu penses bien que cela pourrait-être utile.

Quelques secondes de réflexions. Un blanc dans la conversation pour réfléchir avant que Bob reprît la conversation.

- Jim, tu ne le sais probablement pas, je suis peut-être paranoïaque, mais je pense que j'ai été probablement un des cobayes de leurs expériences. Le jour de mon accident, je soupçonne Marcovitch de m'avoir fait boire quelque chose de bizarre à l'insu de mon plein gré. C'est dire à quel point, cette histoire m'intéresse. Donne-moi les infos pour entrer dans l'antre du diable. Je chercherai ce qui se trame derrière ce projet et les noms des ingénieurs qui sont impliqués.

- Ils y sont. Tu vas être surpris à ce sujet. Marcovitch de HR est dans la liste. C'est le seul que je connaisse au bureau de San Francisco.

Bob réfléchit à peine quelques instants.

- Je répète, donne-moi vite les moyens pour aller y jeter un coup œil.

- Là est mon erreur. J'ai pris quelques notes au vol sans aller bien loin. Je n'ai pris aucune copie du site. Mon interlocuteur-corbeau m'avait dit d'utiliser un proxy pour me connecter et de ne pas y rester pointé trop longtemps de peur que les IP des ordinateurs qui se connectent, soient mémorisés. Il avait omis de dire que les accès changeaient couramment. Je pensais y revenir le lendemain. Le mot de passe avait changé. J'étais gros-jean. Plus moyen d'y accéder.

- Quelle m...

- Ce ne sont pas des novices. Le croire, ce serait signer ton arrêt de mort. Voilà, tu sais tout ce que j'ai appris avant de me planter lamentablement.

- Il n'a pas promis de te contacter à nouveau ?

- Si. Il voulait avoir mon feedback. Il devrait me recontacter très   prochainement. Je te l'enverrai. Bonne chasse aux sorcières avec lui. Aux États-Unis, on aime les sorcières, non ? (rires) Je vais devoir te laisser, Bob. La smala arrive. Les enfants sont levés. 

Un déclic. La conversation était coupée. Jim ne voulait pas que quelqu'un ait l'envie d'enregistrer la conversation. Il n'y avait plus qu'à attendre le coup de fil de son informateur. 

Remonter les fils de la Toile jusqu'à leurs sources et tuer, si besoin, l'araignée qui s'y cache. Voilà, ce que Bob voulait réaliser sans être pour cela, un justicier. 

Rien ne semblait le justifier, rien de suspect, encore, mais, à y réfléchir, un souvenir lui revint.

Un détail avant de sombrer dans le néant après son accident. Il avait reçu de l'aide et une ambulance de secours très rapidement. Trop rapidement, peut-être. Ce qui l'avait peut-être sauvé. L'appel ne venait pas des deux camionneurs qui avaient été en cause. Ceux-ci étaient partis après avoir vu qu'ils n'avaient subi aucun dommage et vu qu'ils n'étaient pas impliqués, trop content de ne pas perdre de temps. De cartes de visite de leur part, aucune trace. L'appel au secours avait été donné à partir d'une voiture qui suivait. Voiture dont Bob gardait une vision vague dans ses souvenirs juste avant de se sentir mourir.

Coïncidence ? Il ne pouvait le dire. Nulle mention de cette voiture avait été faite dans le rapport de police. Elle avait disparu. Il se proposait d'aller voir les bureaux d'un journal pour obtenir les détails de son accident et peut-être, se reconnecter avec le rapport de police.

Si la paranoïa est considérée comme une maladie, la prudence, elle, ne fait aucun mal à personne et encore moins à celui qui n'a pas l'habitude d'une telle situation face à des forces occultes.

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