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29/11/2012

Chapitre 13: Une reconstruction d'amour

« L'amour meurtrier. L'amour infâme. L'amour funeste. Amour. Amour. Unique vie en ce monde. », Anne Hébert

0.jpgAvant que Mary ne rentre, Bob alla chez le fleuriste pour acheter deux douzaines de roses rouges. Ensuite, il passa au bijoutier et connaissant ses goût, il choisit un bracelet.

Ainsi chargé de cadeaux, il revint et se mit à cuisiner à préparer la table, pour finir par attendre Mary.

Mary rentra à l'heure normale et commença la conversation après la surprise.

- Que se passe-t-il ? Je sens qu'il y a quelque chose de changé dans la maison. Une odeur inhabituelle, même. Je me trompe ?

- Non, tu ne te trompes pas. Depuis mon accident, j'ai changé. Je vois une autre vie devant moi. Plus rose. Je ne sais si elle sera meilleure, mais là n'est pas la question. J'ai voulu fêter ça. J'ai fait venir un traiteur.

- Ah, bon...

- En fait, tout a changé. C'est comme si je renaissais.

- Ai-je changé à ce point ?

- Toi comme les autres. Mais avant d'aller plus loin, j'ai été cherché un petit quelque chose qui si je me souviens bien devrait te plaire. C'est ma nouvelle philosophie. J'ai aussi évolué. D'abord, il y a les fleurs. Les fleurs, tu sais que je les aimais dans notre jardin. Je me rends compte que je ne t'en jamais offerts. Pour couronner le tout, bientôt notre anniversaire de mariage, pour te remercier de ta patience pendant ma convalescence, je t'ai apporté ceci.

Bob tendit la boîte allongée à Mary qui la regarda avec des yeux mouillés d'émotion.

- Il ne fallait pas. Ma patience pendant ta convalescence ? Je suis ta femme, non ?

- Bien sûr que tu l'es toujours, mais à certains moments, j'ai pu penser le contraire. Et encore, aujourd'hui, je t'ai vu en présence de...

Mary devint écarlate. Ses pommettes sans qu'elle puisse y remédier rougirent de tous leurs feux.

- Que, que veux-tu dire ? Aujourd'hui ?

Bob n'avait plus qu'à ne dire qu'une partie de la vérité.

- Ben, en allant chercher les fleurs et ton bijou, je t'ai vu avec Marcovitch. J'étais très étonné. Je ne me souviens pas t'avoir entendu dire que tu le connaissais en dehors de moi, à part, bien sûr, à la clinique, lors de ma convalescence.

Bob sentait qu'il jouait de plus en plus serré. Allait-elle créé une scène de ménage avec la jalousie comme atout ou allait-elle s'expliquer ? Il ne s'attendait pas à la suite.

Mary se mit à pleurer et à parler entre ses sanglots.

- Tu sais Bob, je t'ai toujours aimé. Au début de notre mariage, j'étais follement amoureuse de toi. Depuis l'année dernière, tu partais à chaque fois, pour une semaine, je ne te voyais plus que le weekend et encore. Tes absences se répétaient. Je le supportais de moins en moins. Je dois t'avouer que dans une certaine époque, j'étais tellement seule à t'attendre, toi, qui cherchais ta liberté sur les routes. Notre fils a fait sa vie loin de chez nous...

Mary reprit sa respiration.

Bob ne disait rien. Il se rendait compte de l'erreur du passé. Pourquoi n'en avait-elle rien dit ? Bob croyait que le refroidissement de leur relation n'était que l'opposition de point de vue au niveau financier. Il sentait une boule lui naître dans la gorge. 

Mary reprit après deux longues minutes.

- J'ai été jusqu'à penser que tu avais une aventure ailleurs. Je ne le supportais plus. Un jour, croyant te trouver dans les bureaux de ta société, j'y suis allé. C'est Marcovitch qui m'a reçu. Très bien, le Monsieur, d'ailleurs. Il a joué avec tout le charme nécessaire pour une femme seule. Trop bien, même. Il m'a fait la cour et je me suis laissé aller sur cette vague. Cela n'a été qu'une fois, mais une fois de trop. Je n'ai jamais cédé et accepté où il voulait en venir. Il m'a menacé ensuite. J'ai tenu bon, mais il me poursuivait de ses assiduités.

- Salaud, laissa échapper Bob.

- Un jour, il m'a dit "t'en fais pas, Bob, bientôt ne se souviendra de rien. Il ne saura même plus qu'il est marié avec toi". Sur le moment, je n'ai pas compris. J'ai souri et je suis parti en claquant la porte.

- Et tu as quitté la maison...

- Oui. J'étais déboussolée. A cette époque, je suis retournée chez mes parents quand j'ai quitté la maison. Ma mère me cachait à mon père en espérant que tout s'arrange en définitive.

Bob se sentait, de plus en plus, pris en défaut. 

Mary fit une nouvelle pose.

Une pose tout aussi intéressante et nécessaire pour les deux parties.

Bob déglutissait, attentif, comme un enregistreur peut l'être. Bob reprit la confession à son compte avec sa propre version.

- Tout a commencé, il y a plus longtemps. Quand notre fils grandissait, je ne me sentais plus responsable de lui. Puis tu l'as pris en charge jusqu'à ce qu'il quitte la maison. Je me suis senti exclu. Pourtant, tu étais bien plus carriériste que moi. Tu voulais une vie de bureau. Je le comprenais qu'à demi. Ton goût pour le matérialisme le demandait. Tu gagnais ta vie de ton côté. Je ne me sentais plus indispensable. Je vois maintenant que j'étais dans l'erreur. Je te demande pardon, Mary.       

Mary continuait à sangloter et à jouer avec la boîte dans les mains, sans vraiment écouter Bob, comme si les deux histoires ne se confondaient pas. Elle continua.

- Puis, il y a eu ton accident. Je me sentais coupable vis-à-vis de toi. Je t'ai toujours aimé et cette parenthèse m’angoissait. Je ne savais pas comment l'aborder avec toi. Te mentir m'était intolérable. Il m'a accompagné lors de certaines visites à la clinique pour te voir. J'ignorais pourquoi il apportait tant d'attention à tes premiers mots dès que tu es revenu à toi. Il voulait être présent. Qu'on le prévienne s'il n'était pas présent. Je l'ai fait. J'ai saisi l'occasion de me montrer plus gentille que de normal avec toi. Tu savais comment je peux l'être quand je n'ai pas ce que je veux. Mais, là, je me sentais coupable et toi qui semblait ne pas te rappeler que je t'avais quitté pour la forme.  J'ai sauté sur l'occasion. Notre fils n'était pas au courant de mes péripéties extra-conjugales. Quand il est venu à ton chevet, je n'ai pas réagi, prise dans un cycle de mensonges.

- Et, ce matin, tu l'as rejoint...

- J'étais allé le voir pour lui rendre le cadeau que j'avais accepté de lui en toute innocence, pour lui dire que tout était fini entre lui et moi.

- Comment a-t-il pris la nouvelle ?

- Mal, comme tu peux le penser. Nous nous sommes disputés. Nous sommes sortis de son bureau pour le faire, car il ne voulait pas ébruiter l'affaire. Nous avons été dans un resto rapide. Il m'a, une nouvelle fois.

- J'ai vu. De quoi cette fois ?

- De tout te raconter, comme j'aurais dû le faire depuis longtemps, avant ton accident. Mais avec quelques amendements avec la vérité. Je te demande, aujourd'hui, de remettre les compteurs à zéro. Que tout puisse recommencer comme avant et peut-être mieux qu'avant.

Bob mit son index sur la bouche de Mary. Là, c'est lui-même qui devait prendre du recul. Il se sentait autant fautif que Mary. Avait-il vraiment cherché à comprendre sa solitude ? Lui voyait son propre plaisir dans ce travail en dehors de la maison. La maison n'était pas vraiment sa manière de voir le monde. Il y voyait plus un pied à terre qu'un endroit pour y loger longtemps. Y vivre si ce n'était pas vraiment contraint et forcé. Il voyait la rentabilité d'un projet comme celle d'un investissement que l'on pouvait accorder quand un meuble, une chaise avait vraiment passé son temps pour les remplacer. Bob avait une dose de pragmatisme dont Mary ne pouvait assumer les excès que par des excès de dons de soi pour faire tourner la "machine commune".

Il se rendait compte de tout cela, en vrac, après ces minutes de confession bipartites.

Pouvait-il décemment haïr sa femme parce qu'elle avait essayé de combler un vide que lui ne comblait pas comme un époux absent ? Il reprit le dialogue après un long moment de silence alors que Mary attendait la réponse avec une certaine impatience et une peur visible avec une ride se creusait sur son front.

- Tout peut toujours recommencer, Mary. Mieux qu'avant, aussi. Dans une deuxième vie. Avant cela, il y a des choses à régler à l'extérieur de nous. En fait, cette histoire ne s'est jamais terminée vu ce que ton cher Marcovitch m'a fait boire le jour de l'accident.

- Quoi, que m'apprends-tu, ton accident serait dû à lui ? Il t'a fait boire de l'alcool ?

- En fait, pas exactement, mais indirectement, oui. Ce n'était pas de l'alcool, mais un élixir de composition. Tu ne l'as pas su, mais tout était arrangé d'avance pour que ma mémoire s'estompe. Pour rendre l'affaire plus vraisemblable, il avait imaginé un test de vérité absolue. Un subterfuge. Il m'avait été viré de la boîte, juste avant. Tu peux te rendre compte de mon excitation. J'ai fait des choses sur la route dont je n'avais pas l'habitude. Tu ne m'as jamais connu comme slalomeur pour gagner une place, non ?

- Non, en effet. C'est moi qui devais te demander de pousser un peu sur le champignon.

- Ta sortie du circuit entre toi et moi, avait été tout autant organisée, probablement. Je crois que tu manques quelques pièces au jeu d'échec qui avait commencé juste avant mon accident. Je suis sûr que je ne les ai pas encore tous sous contrôle, non plus, mais je remonte jusqu'aux sources. Ce que je suis sûr, c'est d'avoir été manipulé, viré ou non. Mais après mon accident, j'ai pris la tangente. J'ai fait semblant comme chacun de vous. Vous me le conseilliez par votre silence et j'ai interprété la suite.

- J'en suis abasourdie de ce que tu me racontes.

- Est-ce que je peux te faire confiance ? Si oui, je vais t'apprendre quelques bribes de mes conclusions partielles.

- Bien sûr que tu le peux. Je te demanderai d'être le plus complet possible. Ce n'est pas que je suis une fan d'énigmes, mais quand il s'agit des miennes, j'apporte beaucoup plus d'attention.

- Attention, il y a un risque à connaître toute l'histoire. J'ai promis de garder ce secret à certaines personnes.

Bob remonta le fil juste avant celui qui concernait son informateur secret. Son réveil qui lui semblait bizarre. Ses trous de mémoires du début de l'année qu'il essaya de combler par bribes par toutes les informations possibles, publiques ou privées, alors que tout l'entourage semblait localiser ses trous de mémoires normalement limités à la période pré-accident et accident. 

Il étudia le visage de Mary. De son côté, il ne pouvait pas parler de tout après avoir juré le silence même vis-à-vis de son épouse.

Il ne pouvait pas aller plus loin dans ses révélations.

Son histoire semblerait décousue vers la fin avec des déductions que n'importe qui aurait pu considérer comme farfelues.

Présenter cela comme des intuitions après des suspicions, se disait-il.

Une histoire d'amour ne s’oublie jamais, dit la chanson et il était prêt à tout pour revenir en arrière.

Le reste était son affaire.

Il l'embrassa. Mary lui rendit son baiser avec fougue. 

Parfois, il suffit seulement d'événement spéciaux pour que les souvenirs reviennent.


12:35 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)

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