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29/11/2012

Chapitre 13: Une reconstruction d'amour

« L'amour meurtrier. L'amour infâme. L'amour funeste. Amour. Amour. Unique vie en ce monde. », Anne Hébert

0.jpgAvant que Mary ne rentre, Bob alla chez le fleuriste pour acheter deux douzaines de roses rouges. Ensuite, il passa au bijoutier et connaissant ses goût, il choisit un bracelet.

Ainsi chargé de cadeaux, il revint et se mit à cuisiner à préparer la table, pour finir par attendre Mary.

Mary rentra à l'heure normale et commença la conversation après la surprise.

- Que se passe-t-il ? Je sens qu'il y a quelque chose de changé dans la maison. Une odeur inhabituelle, même. Je me trompe ?

- Non, tu ne te trompes pas. Depuis mon accident, j'ai changé. Je vois une autre vie devant moi. Plus rose. Je ne sais si elle sera meilleure, mais là n'est pas la question. J'ai voulu fêter ça. J'ai fait venir un traiteur.

- Ah, bon...

- En fait, tout a changé. C'est comme si je renaissais.

- Ai-je changé à ce point ?

- Toi comme les autres. Mais avant d'aller plus loin, j'ai été cherché un petit quelque chose qui si je me souviens bien devrait te plaire. C'est ma nouvelle philosophie. J'ai aussi évolué. D'abord, il y a les fleurs. Les fleurs, tu sais que je les aimais dans notre jardin. Je me rends compte que je ne t'en jamais offerts. Pour couronner le tout, bientôt notre anniversaire de mariage, pour te remercier de ta patience pendant ma convalescence, je t'ai apporté ceci.

Bob tendit la boîte allongée à Mary qui la regarda avec des yeux mouillés d'émotion.

- Il ne fallait pas. Ma patience pendant ta convalescence ? Je suis ta femme, non ?

- Bien sûr que tu l'es toujours, mais à certains moments, j'ai pu penser le contraire. Et encore, aujourd'hui, je t'ai vu en présence de...

Mary devint écarlate. Ses pommettes sans qu'elle puisse y remédier rougirent de tous leurs feux.

- Que, que veux-tu dire ? Aujourd'hui ?

Bob n'avait plus qu'à ne dire qu'une partie de la vérité.

- Ben, en allant chercher les fleurs et ton bijou, je t'ai vu avec Marcovitch. J'étais très étonné. Je ne me souviens pas t'avoir entendu dire que tu le connaissais en dehors de moi, à part, bien sûr, à la clinique, lors de ma convalescence.

Bob sentait qu'il jouait de plus en plus serré. Allait-elle créé une scène de ménage avec la jalousie comme atout ou allait-elle s'expliquer ? Il ne s'attendait pas à la suite.

Mary se mit à pleurer et à parler entre ses sanglots.

- Tu sais Bob, je t'ai toujours aimé. Au début de notre mariage, j'étais follement amoureuse de toi. Depuis l'année dernière, tu partais à chaque fois, pour une semaine, je ne te voyais plus que le weekend et encore. Tes absences se répétaient. Je le supportais de moins en moins. Je dois t'avouer que dans une certaine époque, j'étais tellement seule à t'attendre, toi, qui cherchais ta liberté sur les routes. Notre fils a fait sa vie loin de chez nous...

Mary reprit sa respiration.

Bob ne disait rien. Il se rendait compte de l'erreur du passé. Pourquoi n'en avait-elle rien dit ? Bob croyait que le refroidissement de leur relation n'était que l'opposition de point de vue au niveau financier. Il sentait une boule lui naître dans la gorge. 

Mary reprit après deux longues minutes.

- J'ai été jusqu'à penser que tu avais une aventure ailleurs. Je ne le supportais plus. Un jour, croyant te trouver dans les bureaux de ta société, j'y suis allé. C'est Marcovitch qui m'a reçu. Très bien, le Monsieur, d'ailleurs. Il a joué avec tout le charme nécessaire pour une femme seule. Trop bien, même. Il m'a fait la cour et je me suis laissé aller sur cette vague. Cela n'a été qu'une fois, mais une fois de trop. Je n'ai jamais cédé et accepté où il voulait en venir. Il m'a menacé ensuite. J'ai tenu bon, mais il me poursuivait de ses assiduités.

- Salaud, laissa échapper Bob.

- Un jour, il m'a dit "t'en fais pas, Bob, bientôt ne se souviendra de rien. Il ne saura même plus qu'il est marié avec toi". Sur le moment, je n'ai pas compris. J'ai souri et je suis parti en claquant la porte.

- Et tu as quitté la maison...

- Oui. J'étais déboussolée. A cette époque, je suis retournée chez mes parents quand j'ai quitté la maison. Ma mère me cachait à mon père en espérant que tout s'arrange en définitive.

Bob se sentait, de plus en plus, pris en défaut. 

Mary fit une nouvelle pose.

Une pose tout aussi intéressante et nécessaire pour les deux parties.

Bob déglutissait, attentif, comme un enregistreur peut l'être. Bob reprit la confession à son compte avec sa propre version.

- Tout a commencé, il y a plus longtemps. Quand notre fils grandissait, je ne me sentais plus responsable de lui. Puis tu l'as pris en charge jusqu'à ce qu'il quitte la maison. Je me suis senti exclu. Pourtant, tu étais bien plus carriériste que moi. Tu voulais une vie de bureau. Je le comprenais qu'à demi. Ton goût pour le matérialisme le demandait. Tu gagnais ta vie de ton côté. Je ne me sentais plus indispensable. Je vois maintenant que j'étais dans l'erreur. Je te demande pardon, Mary.       

Mary continuait à sangloter et à jouer avec la boîte dans les mains, sans vraiment écouter Bob, comme si les deux histoires ne se confondaient pas. Elle continua.

- Puis, il y a eu ton accident. Je me sentais coupable vis-à-vis de toi. Je t'ai toujours aimé et cette parenthèse m’angoissait. Je ne savais pas comment l'aborder avec toi. Te mentir m'était intolérable. Il m'a accompagné lors de certaines visites à la clinique pour te voir. J'ignorais pourquoi il apportait tant d'attention à tes premiers mots dès que tu es revenu à toi. Il voulait être présent. Qu'on le prévienne s'il n'était pas présent. Je l'ai fait. J'ai saisi l'occasion de me montrer plus gentille que de normal avec toi. Tu savais comment je peux l'être quand je n'ai pas ce que je veux. Mais, là, je me sentais coupable et toi qui semblait ne pas te rappeler que je t'avais quitté pour la forme.  J'ai sauté sur l'occasion. Notre fils n'était pas au courant de mes péripéties extra-conjugales. Quand il est venu à ton chevet, je n'ai pas réagi, prise dans un cycle de mensonges.

- Et, ce matin, tu l'as rejoint...

- J'étais allé le voir pour lui rendre le cadeau que j'avais accepté de lui en toute innocence, pour lui dire que tout était fini entre lui et moi.

- Comment a-t-il pris la nouvelle ?

- Mal, comme tu peux le penser. Nous nous sommes disputés. Nous sommes sortis de son bureau pour le faire, car il ne voulait pas ébruiter l'affaire. Nous avons été dans un resto rapide. Il m'a, une nouvelle fois.

- J'ai vu. De quoi cette fois ?

- De tout te raconter, comme j'aurais dû le faire depuis longtemps, avant ton accident. Mais avec quelques amendements avec la vérité. Je te demande, aujourd'hui, de remettre les compteurs à zéro. Que tout puisse recommencer comme avant et peut-être mieux qu'avant.

Bob mit son index sur la bouche de Mary. Là, c'est lui-même qui devait prendre du recul. Il se sentait autant fautif que Mary. Avait-il vraiment cherché à comprendre sa solitude ? Lui voyait son propre plaisir dans ce travail en dehors de la maison. La maison n'était pas vraiment sa manière de voir le monde. Il y voyait plus un pied à terre qu'un endroit pour y loger longtemps. Y vivre si ce n'était pas vraiment contraint et forcé. Il voyait la rentabilité d'un projet comme celle d'un investissement que l'on pouvait accorder quand un meuble, une chaise avait vraiment passé son temps pour les remplacer. Bob avait une dose de pragmatisme dont Mary ne pouvait assumer les excès que par des excès de dons de soi pour faire tourner la "machine commune".

Il se rendait compte de tout cela, en vrac, après ces minutes de confession bipartites.

Pouvait-il décemment haïr sa femme parce qu'elle avait essayé de combler un vide que lui ne comblait pas comme un époux absent ? Il reprit le dialogue après un long moment de silence alors que Mary attendait la réponse avec une certaine impatience et une peur visible avec une ride se creusait sur son front.

- Tout peut toujours recommencer, Mary. Mieux qu'avant, aussi. Dans une deuxième vie. Avant cela, il y a des choses à régler à l'extérieur de nous. En fait, cette histoire ne s'est jamais terminée vu ce que ton cher Marcovitch m'a fait boire le jour de l'accident.

- Quoi, que m'apprends-tu, ton accident serait dû à lui ? Il t'a fait boire de l'alcool ?

- En fait, pas exactement, mais indirectement, oui. Ce n'était pas de l'alcool, mais un élixir de composition. Tu ne l'as pas su, mais tout était arrangé d'avance pour que ma mémoire s'estompe. Pour rendre l'affaire plus vraisemblable, il avait imaginé un test de vérité absolue. Un subterfuge. Il m'avait été viré de la boîte, juste avant. Tu peux te rendre compte de mon excitation. J'ai fait des choses sur la route dont je n'avais pas l'habitude. Tu ne m'as jamais connu comme slalomeur pour gagner une place, non ?

- Non, en effet. C'est moi qui devais te demander de pousser un peu sur le champignon.

- Ta sortie du circuit entre toi et moi, avait été tout autant organisée, probablement. Je crois que tu manques quelques pièces au jeu d'échec qui avait commencé juste avant mon accident. Je suis sûr que je ne les ai pas encore tous sous contrôle, non plus, mais je remonte jusqu'aux sources. Ce que je suis sûr, c'est d'avoir été manipulé, viré ou non. Mais après mon accident, j'ai pris la tangente. J'ai fait semblant comme chacun de vous. Vous me le conseilliez par votre silence et j'ai interprété la suite.

- J'en suis abasourdie de ce que tu me racontes.

- Est-ce que je peux te faire confiance ? Si oui, je vais t'apprendre quelques bribes de mes conclusions partielles.

- Bien sûr que tu le peux. Je te demanderai d'être le plus complet possible. Ce n'est pas que je suis une fan d'énigmes, mais quand il s'agit des miennes, j'apporte beaucoup plus d'attention.

- Attention, il y a un risque à connaître toute l'histoire. J'ai promis de garder ce secret à certaines personnes.

Bob remonta le fil juste avant celui qui concernait son informateur secret. Son réveil qui lui semblait bizarre. Ses trous de mémoires du début de l'année qu'il essaya de combler par bribes par toutes les informations possibles, publiques ou privées, alors que tout l'entourage semblait localiser ses trous de mémoires normalement limités à la période pré-accident et accident. 

Il étudia le visage de Mary. De son côté, il ne pouvait pas parler de tout après avoir juré le silence même vis-à-vis de son épouse.

Il ne pouvait pas aller plus loin dans ses révélations.

Son histoire semblerait décousue vers la fin avec des déductions que n'importe qui aurait pu considérer comme farfelues.

Présenter cela comme des intuitions après des suspicions, se disait-il.

Une histoire d'amour ne s’oublie jamais, dit la chanson et il était prêt à tout pour revenir en arrière.

Le reste était son affaire.

Il l'embrassa. Mary lui rendit son baiser avec fougue. 

Parfois, il suffit seulement d'événement spéciaux pour que les souvenirs reviennent.


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25/11/2012

Chapitre 14: Vengeance en commun

« Une vengeance trop prompte n'est plus une vengeance; c'est une riposte. », Henry de Montherlant

0.jpgBob venait de terminer son récit.

Mary avait semblé tellement intéressée qu'elle n'avait plus osé l'interrompre pour poser d'autres questions.

Elle n'avait jamais pu imaginer ce qui avait été à l'origine de la situation présente.

Il avait envie de lui donner confiance. Il pencha pour la deuxième option. Etait-elle seulement prête à aller plus loin, à jouer un rôle dans cette partie d'échec dont elle avait dû prendre quelques pièces sans en connaître les règles dans sa totalité ? 

Pendant une heure, il la laissa sur cette fin avant d'aller plus loin et après l'avoir observée. 

Visiblement, Mary prenait son temps pour assimiler l'histoire et Bob n'était pas pressé.

Il lui lança de manière inattendue.

- Veux-tu entrer dans l'arène des personnes que l'on nomme "espions" ou pire "espions-double" ? Tu sais comment Matahari a terminé sa vie. Je ne t'ai pas tout raconté pour ton bien. Moins tu en savais mieux, cela vaudrait si cela arrivait à être découvert. J'ai pris la décision de dénoncer ce qui doit l'être, même si je n'ai pas encore saisi tous les maillons de la chaîne. J'ai commencé mon enquête sur Internet, comme tu le sais, et cela m'en a appris bien des choses. Mon dossier est presque complet. Moi, qui n'étais pas un fanatique d'Internet, cela t'a fait tout drôle au début. Tu dois t'en souvenir. Mais je ne pouvais pas t'en dire plus. Je manquais trop de pièces à insérer dans ce puzzle.

Pas encore question de lui parler de ceux qui lui avaient ouvert les portes de ce qu'il avait dénommé "l'enfer pharmaceutique".

Elle avait déjà tout cogité et finit par répondre.

- Donc, à part ton accident, tout était du bidon... Tu as joué à l'amnésique, alors que tu savais.

- Comme tu dis.

- Ce qu'on t'aurait fait boire n'a pas fonctionné comme prévu. Je peux te jurer que je n'étais pas au courant et que tu m'apprends beaucoup de choses aujourd'hui. J'ai des torts mais pas ceux-là.

- L'amnésie m'arrangeait. J'ai préféré laisser croire à tout le monde que je ne me rappelais de rien avant mon accident. J'y prenais un avantage personnel puisque tout le monde me prenait en estime. Au départ, ce fut, donc, un test.

- Un test ?

- Que dis-je, une manipulation, une tromperie suffisamment efficace pour rendre le test le plus perspicace. M'annoncer que j'étais virer. Marcovitch n'y était pas allé par quatre chemins. Il avait eu une imagination machiavélique. Il savait que j'allais réagir violemment.  

- Mais cela ne s'est pas passé comme prévu.

- Puis, ce fut ce bête accident. Non prévu, qu'il lui a fallu intégrer dans le test. Ce fut la faille qui a tout foutu parterre sans qu'ils ne s'en rendent compte alors qu'il croyait le contraire. Perdu dans ses illusions, cet accident aurait pu être un tsunami. La machination n'a pas été déroutée et ils se sont dit que cela avait marché. Tant qu'ils gardent la face et leurs illusions...

- Mais, ce n'est pas nous qui sommes les marionnettistes. Nous sommes plutôt les marionnettes. Remonter les fils pour les leurs couper reste-t-il possible avec le temps ? Nous avons toujours travaillé honnêtement. Trop peut-être.

- Peut-être. Mais, ils vont devoir me le payer. Je leur en ferai voir de toutes les couleurs à leurs médicaments. Ils ne pourront plus que me virer, chose qu'ils avaient déjà fait.

- Mais, il y a des risques. N'est-ce pas le pot de fer contre le pot de fer?

- Cette fois, il faudra, en plus, rester en vie. Ne pas la perdre car j'ai des sources qui m'ont averti des dangers. Cela veut dire rester dans l'ombre.

- Comment crois-tu réaliser cela ?

- Je suis au début de l'enquête. Alors, je répète si tu veux rester en dehors de tout cela, je ne t'en voudrais pas. Personnellement, j'ai déjà pris des engagements et on compte sur moi. Quant à toi, tu me serais d'une aide utile, ne fut-ce que morale. 

Mary, d'abord silencieuse, assimilait, déglutissait tous les mots de Bob en plusieurs lampées. 

- Tu m'as convaincue. Je jouerai ce jeu. Je t'ai retrouvée comme à tes débuts. Passionné. Prêt à tout. Combatif. C'est cela qui m'avait plu en toi dès les débuts de notre mariage. Avec le temps, j'avais senti comme un relâchement, une érosion de ce genre de sentiment. Je sens le retour du Jedi est en toi et je marche avec toi, un rien excité par la tâche.

- Des paroles que je croyais avoir oubliées à tout jamais. Alea jacta est. Merci, Mary.

Bob la prit une nouvelle fois, dans ses bras. Leurs regards se croisèrent. Leurs bouches se fondèrent dans un deuxième baiser encore plus profond. Les mains commencèrent une exploration, en commun, qu'ils avaient oubliée avec le temps.

Il la souleva comme le jour de leur mariage. Quelques raideurs dans le dos lui rappelèrent qu'il n'avait plus les mêmes possibilités que par le passé. Mais qui aurait pu le confirmer ? Ni elle, ni lui ne s’encombraient d'une telle considération d'être victime de l'âge.

Un sourire de part et d'autre fut seulement la réponse à ce problème de poids passagé. Les caresses intimes avaient évolué aussi. Elles se faisaient plus tendres, plus expertes de ce que l'autre désirait plutôt que de seulement satisfaire son propre plaisir.

Pas question d'éteindre les lumières comme l'avait demandé Mary, le jour de leur mariage. Ils voulaient se revoir nus. L'un aida l'autre à se déshabiller sans hâte.

Puis, ils firent l'amour. Longtemps. Leur orgasme prit plus de temps à se produire.

Fatigués, ensuite, ils s'endormirent l'un à côté de l'autre.

Le travail de sape que Bob s'était fixé était déjà loin. Pharmastore, pour le moment, il n'y pensa même plus.

Étions-nous vraiment arrivés à la séquence de l'histoire dans laquelle l'arroseur arriverait à être arrosé ? Arrosé d'une eau chaude et bienfaisante ?

Compter les risques du métier d'agent double, ce n'était pas à la portée du premier venu et leur couple était novice dans l'art de la guerre. Bob n'avait pas été formé pour cela.

Demain était un autre jour et à chaque jour suffisait sa peine.

Cette fois, leur plaisir devait rester entier.

Pour le reste ... 

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21/11/2012

Chapitre 15: Rendez-vous

« L'histoire ne se répète pas, mais ses rendez-vous se ressemblent. », Gabriel de Broglie 

0.jpgLa soirée et la nuit avait été, pour , Mary et Bob, un retour aux premières heures de leur mariage. De doux moments qu'ils avaient un peu perdus de vue en esprit et dans leur chair.

Mary était partie, tôt le matin. 

Ce fut le moment choisi par Bob pour donner un coup de fil au journal de Thomas.

Après s'être identifié, avoir rappelé quelques souvenirs de leur passé commun, Bob arriva à la partie mise au courant de ses buts. Un article à écrire sur les agissements de Pharmastore. A la fin de l'entretien, Bob prit rendez-vous avec Thomas Eddington, fixé pour l'après-midi à 14h00. Thomas avait l'air très intéressé.

Le rendez-vous entre eux devait avoir lieu à Auckland, loin du journal, éloigné de San Francisco où, en principe, personne ne devait les reconnaître sauf exception ou accident.

Toute la matinée, Bob réfléchit à un plan de bataille. Comment appâter un journal avec son histoire, avec des révélations susceptibles de l'intéresser sans trop en dire depuis le début ?

A y réfléchir, il n'avait aucune preuve de ce qu'il avancerait. Des intuitions, des interprétations de faits.

Ce n'était que par d'autres interlocuteurs dont il ne pouvait pas ni donner les noms, ni les références, qu'il pouvait s'y référer. Il ne les connaissait d'ailleurs pas. Il était, seulement, l'intermédiaire qui connaissait la partie, disons "technique", du projet MIND.

Le point faible allait être, Thomas, le confident de presse. Celui-ci ne pouvait révéler ses sources alors que son rédacteur en chef pouvait l'y forcer ou plus grave encore, être contraint par la force s'il était capturé par un ennemi inconnu.

La convalescence de Bob touchait tout doucement à sa fin. Il fallait accélérer la cadence car il ne pouvait pas se permettre d'être rattrapé, ni dépassé par le temps.

Une fois après avoir repris le collier du voyageur de commerce, c'était probablement trop tard.

Pour ce faire, les infos qu'il donnerait, devaient être suffisamment, convaincantes, explicites et révélatrices pour ne pas rester lettres mortes pour un journaliste d'investigation. Il ne pouvait pas tout révéler dès le premier contact et garder un certain suspense pour ne pas brûler l'histoire dès la première entrevue.

Bob avait imaginé un scénario pour tenir le lecteur en haleine par chapitres édités dans le journal par l'intermédiaire de Thomas.

Ce n'était pas à Bob, de dicter sa marche à suivre, mais, seulement, de donner quelques directives puisqu'il était un corbeau de l'affaire par ricochet.

Le reste de la matinée fut réservé à la supervision de ce qu'il avait déchargé sur son PC. 

Ensuite ce fut un déjeuner frugal avant de partir. Il prit la voiture à 12h00 pour se rendre au débarcadère de Sausalito et y traverser la baie sur une navette. Sa voiture rouge fut laissée dans le parking.

Le ferry qu'il prit, n'était pas rempli. A la saison touristique, il aurait été bondé. La mer n'était pas agitée et le voyage fut sans histoire.

Arrivé à Auckland, il prit un taxi pour se rendre au "Cisco Bay". Ce "Cisco Bay" était une taverne ou un bar qui datait du temps où les chaînes de motels faisaient la course pour construire de petits restaurants qui délivraient une restauration rapide pour les routiers quand ils en avaient marre de solitude dans leur truck.

A la vue du parking presque complet, Bob se félicitait d'avoir pris le ferry et laissé sa voiture de l'autre côté, près de la mer. Il prit un taxi pour le reste du chemin.

Il faisait un froid de canard. Le vent accentuait cette impression de froidure que le taxi, déjà bien chauffé, avait fait oublier. Il courut sur le sol glacé et une atmosphère embuée l’accueillit dès son entrée dans le bar.

Une place libre dans un coin de la salle, c'était ce qu'il recherchait et qu'il trouva assez vite. Pas mal de routiers autour de lui.

Bob sortit, de sa poche, le foulard rouge qui devait servir d'artifice de reconnaissance.

135h5, il se demandait s'il allait reconnaître Thomas, son condisciple qu'il n'avait plus revu depuis vingt ans.

14h15, un homme entra le crâne presque complètement dégarni. Après l'opération de repérage, il se dirigea vers Bob avec le sourire.

- Bob ?

- Oui, c'est moi.

- Ben en définitive, tu n'as pas trop changé. Je ne vais pas dire que le foulard ne m'a pas servi et que je me serais jeté à ta table sans hésitation, mais... à y réfléchir, il y a des restes qui ne trompent pas.  

- Moi, de même, coupa Bob qui s'apprêta de lui mentir. Il n'y a pas à dire les années changent un homme. Mais il y a des traits dont je me rappelle et qui ne trompent pas même s'il y a quelques cheveux en moins sur le sommet du crâne.

Ils rirent ensemble. L'humour entre eux passait bien et était un bon présage à une rencontre réussie.

Pour ouvrir la conversation, ils se mirent à étaler leurs souvenirs réciproques. Les profs de l'époque qui furent leurs victimes préférées, pour remonter le temps.

Les rires fusèrent de plus belle à chaque retour sur les histoires loufoques. Une ambiance qu'ils avaient connu encore étudiant.

Il fallut attendre la 3ème consommation pour que les choses sérieuses revinrent dans la conversation.

Le vif du sujet, l'affaire Pharmastore, était plus actuel et Bob l'introduisit de manière assez abrupte.

- Mais tu te rends compte que ce n'est pas uniquement pour se rappeler des bonnes histoires d'étudiants que je t'ai appelé, dit Bob.

- Ni pour mes beaux yeux. Je m'en doute. Mais cela nous a permis de rajeunir un peu. Alors raconte-moi. Tu m'en as déjà touché une partie en me donnant l'eau à la bouche. J'ai hâte d'en connaître un peu plus. J'allume mon dictaphone-enregistreur, si tu me le permets ?

- Bien sûr. J'ai des infos complètes, mais ce que je vais te raconter sera une mise en bouche résumée. Je n'ai pas encore eu le temps de tout consulter. 

Bob commença par donner quelques éléments de sa vie active passée à Pharmastore. Une vie presque banale d'un voyageur de commerce qui aime ce qu'il fait. Il passa ensuite au point d'orgue à son accident qui en fut la césure.

Puis, il entama un survol des évènements chronologiquement sans aller dans trop de détails.

Sa longue convalescence. Le doute qui s'était installé. Sa perte de mémoire décalée dans le temps. Sa mise à l'épreuve par un informateur anonyme mystérieux. Le secret qui entourait une recherche dont même l'habituel manager des recherches n'était pas au courant. Le risque qu'il y ait des magouilles sous le seau du secret. Le projet "MIND" dans toute sa "splendeur".

Il termina son exposé en y ajoutant le suspense qui l'entourait pour son informateur et du risque qu'il s'imposait, qu'il ne fallait pas mettre en péril en le faisant vaciller sur des bases d'infiltré trop idiot.

Il attendait avec impatience les réactions du journaliste qui restait toutes ouïes comme s'il suivait un roman policier, sans beaucoup interrompre.

A la coupure de la respiration, il s'exclama. 

Mais, il y a un terrible article à écrire avec tout cela. Je suppose tout de même que ton informateur veut aller plus loin. Que cela soit révélé au grand public sans qu'il soit impliqué et sans qu'il ne tombe dans la manoeuvre. Ai-je bien compris ?

- Je ne suis pas sûr de ses intentions. Cela me semblait être le cas. Il m'a introduit dans la confidence sans nécessairement se construire une véritable chaîne de solidarité construite tout autour. Tu es le dernier à en être informé.

- Il te laisse carte blanche sur les processus ?

- Oui. Je lui en ai parlé et il n'a pas été contraire. Il faut que tu saches que dès que tu publierais la moindre ligne, tu te verrais impliqué comme le maillon suivant. Tu commencerais à risquer plus gros. Sans pouvoir révéler tes sources. Car tu es bien d'accord, pas question de révéler tes sources.

- N'aie crainte. J'ai encore cette éthique du métier. Je connais ce genre de situation. Un article d'investigation présente toujours un certain risque de véracité et de preuves à fournir. Dans ce cas-ci, je vois très bien comment emmancher l'affaire comme un feuilleton plutôt que comme un article unique.

- C'est exactement ce que je pensais que tu choisisses comme stratégie. Aller de proche en proche, pour creuser.

- Nos lecteurs aiment ce genre de feuilleton. Puisque notre conversation a été enregistrée, il me sera plus facile de découper cela en épisodes qui vont leur plaire. Je vais écrire le premier article dès demain. La mise en forme annonciatrice sans beaucoup révéler.

- Parfait.

- Juste pour tâter le terrain pour voir s'il y aura une réaction de ta société. Voir si elle dénie l'accusation ou si elle attaque. La tournure de cette réaction indiquera très bien si nous avons tapé juste et si la stratégie est bonne. Je le présenterai à mon comité de rédaction.

- Cela me paraît la meilleure approche. Dans une semaine ou deux, je dois normalement reprendre du service dans mon entreprise. Je connais ton numéro de téléphone au journal. Je t'appellerai au besoin à partir de mon portable particulier qui ne laisse pas trop de traces.

- Ok. Cela me va. Vraiment content de t'avoir revu. Vraiment content que tu m'apportes des informations pour mon journal. Je vais t'écrire une saga qui ressemblerait à "Dallas".

- Je continue mes investigations de mon côté et je prends contact plus tard avec toi, avec de nouvelles infos pour tes papiers.

Ils se quittèrent, tous sourires confondus.

Le journaliste parti en premier ce qui permit à Bob de constater que personne ne le suivait. Quant à lui, son inspection discrète dans le rétroviseur suivait son inconscient en allure de croisière.

Le projet MIND et ses commanditaires n'avaient qu'à bien se tenir. Après la publication de sa dénonciation, il y avait fort à parier que la liste des suspects s'allongerait.

Le mot de passe pour atteindre les informations confidentielles aurait très bien pu changer ensuite, mais il détenait la dernière version la plus complète sur son PC personnel, PC qu'il devait sécuriser bien plus qu'il ne l'avait fait jusqu'alors.

A son retour, il s'y attela pour le reste de l'après-midi. Copier l'enregistrement du site de Pharmastore, du dossier qu'il avait constitué sur CD et l'envoyer dans un coffre, c'est ce qu'il espérait faire dès que possible. 

La panoplie de l'espion qui venait du froid, il fallait qu'il l'apprenne en quelques leçons rapides.


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17/11/2012

Chapitre 16: Publication et répliques

« Chaque soir, pendant les représentations d'une pièce de théâtre, c'est sur la même réplique que les spectateurs enrhumés se mettent à se moucher ; c'est le moment où la pièce faiblit. », Marcel Pagnol 

0.jpgBob n'avait jamais eu le temps ni l'envie de lire beaucoup de quotidiens de la presse locale. Le quotidien faisait partie de son environnement de liberté dans les grands espaces. Les journaux déforment les réalités.

Tout avait changé. Pourquoi pas sa manière d'aborder son présent ?

Dès le lendemain, il se retrouvait comme chasseur de l'information pris dans l'impatience de lire l'article que Thomas devait faire paraître.

L'article en faisait bien partie comme prévu.

Cette fois, il se sentait au centre névralgique de l'histoire avec une excitation non dissimulée.

Elle figurait en première page, sans emphase, dans une colonne, avec une police de caractère relativement réduite.

La bombe était lâchée.

La crainte se mêlait à son excitation. Lui, l'employé modèle avec un rôle qui le transformait en taupe et comme vilain corbeau, ne lui plaisait que très peu, contrait par un serment. Il était pris dans un engrenage qu'il avait, en partie, construit lui-même. Maintenant, il ne pouvait plus reculer et se départir car d'autres personnes en dépendaient.

Les répliques allaient prendre un peu plus de temps, se disait-il.

Aucune nouvelle ne lui parvint de toute la journée.

Cette absence de réaction lui donna presque un sentiment de soulagement. Peut-être l'article n'avait été qu'un flop magistral qui n'avait ému personne. Ni parmi les lecteurs, ni parmi les dirigeants de Pharmastore. 

La prudence lui imposait de garder le silence. Toutes les parties du complot savaient comment le contacter.

Le stress retombait.

Le soir, entre le souper et la séance télé, il reçut un mail de Thomas. L'anxiété revenait. Celle d'un jeune 'délinquant'.

Son contenu ne le rassura pas :

Bob.

Je suis sûr que tu t'es plongé sur l'article que nous avons publié dans le journal ce matin.

Puisque tu n'avais aucune objection, dès le départ, il est sorti tel quel sans ton consentement.

Je n'ai pas pris contact avec toi de la journée car j'ai été fort occupé pendant toute la journée.

Au sujet de notre histoire, cela a dû créer une certaine gêne dans les hautes sphères pharmacologique.

Contrairement à ce qu'on pouvait s'attendre, il n'y eut personne de ta société, enfin, pas sûr...

Nous avons reçu la visite du FBI. Le charme était très vite rompu. Pas vraiment une visite de courtoisie. Je t'assure.

Ils ont essayé de nous faire croire que l'article était bidon, erronée. Comme nous restions de marbre sur nos positions, ils ont commencé à menacer le rédacteur en chef, si on ne lançait pas un démenti. C'est dire que ton information méritait quelques points goodwill.

Le conseil d'administration était même convié à l'entrevue avec ces deux gars du FBI. Je n'en faisais pas partie. Il y avait un scribe de service pour en écrire les minutes. On m'avait demandé de ne pas me découvrir en prenant part à la discussion.

Je ne serais pas étonné si nous allons être surveillé. C'est dire que pour que tu ne sois pas brûlé en tant qu'informateur, il faudra prendre des précautions lors de nos futures rencontres si cela s'avère nécessaire.

Nous continuons à publier l'affaire dans nos prochaines éditions en y ajoutant plus d'informations mais en laissant planer un doute de bon aloi. Les lecteurs aiment ce genre de procédé.

Je tiens à te remercier de m'avoir choisi pour divulguer ton histoire.

Bien à toi...

Thomas

Bob eut une réaction immédiate de peur. Une nouvelle fois, il sentait qu'il s'était embarqué dans une sale affaire qui le dépassait et dont il ne soupçonnait, peut-être, qu'une partie des buts.

Thomas devenait un candidat à éliminer si on le découvrait.

Que le FBI prenne les devants pour étouffer l'affaire, il ne l'avait même pas imaginé.

Le lendemain, nouveau mail.

Bob,

Quand nous avons reçu ces deux agents du FBI, ils nous avaient semblé louches. On se demandait pourquoi le FBI s'occuperait-il de cette affaire de médicaments ?

Alors, nous avons fait notre petite enquête. Nous avons pris contact avec le FBI et je te le donne en mille, ils n'avaient envoyé personne. Cette affaire, ils en avaient à peine pris connaissance.

Là, cela se corsait vraiment. Qui avait pris leur place sinon des agents de ta société Pharmastore, elle-même ? Avec de fausses cartes du FBI, bien entendu.

Après mûres réflexions, nous avons décidé de publier, dès le prochaine tirage, l'article qui précise mieux encore de quoi il s'agit. Voici, le contenu.

Histoire de mémoire (2ème volet)

Hier, nous vous avions ébauché une affaire concernant la société Pharmastore. Elle semble s'éclaircir de proche en proche, au fur et à mesure que les heures passent. Nous vous parlions d'un projet qui n'était pas déontologique pour la profession de pharmacien.  

Nous sommes, aujourd'hui, à mène de vous révéler le nom générique du projet, toujours resté secret. Le projet en acronyme s'appelle « MIND ». Les initiales désignent les mots « Memories of Individuals Naturally Dispatched ».

Ce projet, d'après nos informations, est destiné à accroître ou décroitre de manière artificielle la mémoire d'un individu. Si au départ du projet de recherche fut la maladie d'Alzheimer, il a été détourné de ses objectifs. L'utilisation machiavélique que pourrait donner ces médicaments, c'est évidemment de construire des zombies pendant des opérations guerrières dont les auteurs ne se rappelleraient pas ensuite.

Il est déjà clair que cette affaire ne restera pas lettre morte et que nous vous tiendrons informés.

Notre envoyé spécial nous délivre des informations au compte-goutte. Informations que nous publierons dans la colonne de droite de cette première page au fur et à mesure qu'elles nous parviennent.

M.M.

Ce fut tout.

Décidément, il a le goût de la distillation d'informations et tout l'art du raccourci, se dit mentalement, Bob.

Il avait à peine déposé son journal que son portable sonna.

La voix de Jim à l'autre bout.

Celui-ci semblait avoir couru un cent mètre tellement le débit de ses paroles était saccadé de phrases courtes.

- Salut Bob, Alors, c'est parti. La guerre est déclarée. J'ai lu l'article avec attention. Court mais précis. Juste ce qu'il faut pour attirer les mouches. Pas mal... Je suppose que tu es arrivé à un point plus avancé.

- Salut Jim. Reprend ton souffle. Comme tu le dis, oui, bien sûr, je connais ou j'ai déduit un peu plus des buts non avoués de la société, mais je laisse à mon interlocuteur journalistique, la bride sur le cou pour décider du rythme de ses publications. C'est loin d'être un enfant de cœur. Il connaît la musique.

- En tous cas, l'article a fait sensation dans la boîte. On n'a fait que parler de cela au bureau. On ressentait une certaine excitation et un profond malais de la direction. Mais, ils ne voulaient pas trop en faire l'évènement de la journée.

- Que t'ont-ils dit toi qui est le maître d'oeuvre des projets en cours ?

- Je m'attendais à ce qu'ils viennent me voir. Ils ne l'ont pas fait. Je suppose que ton informateur principal doit se trouver, désormais, sur les listes de suspects. Tu as déjà décidé quand tu reviendras au bercail et reprendre tes activités ?

- Je pensais la semaine prochaine. Je n'y pense plus du tout. Il faudra du temps pour que cela paraisse en entier. Je ne suis pas censé avoir connaissance des tribulations naturelles de la boîte. Donc, je ne crois pas que je serai soupçonné, du moins tout de suite. Le journal a été visité par on ne sait qui. Deux gars se sont présentés au journal et se réclamaient du FBI, mais ce fut avec l'aide de fausses cartes.

- Ah. Troublant. Fais gaffe tout de même. Prends plus de temps à regarder derrière toi. Un conseil d'ami.

- Bien sûr. J'ai enfilé mon costume d'agent secret (rires). Voyons. Je vais signé désormais de deux lettres : BB. Bob Bond, Agent 047. C'est mon chiffre porte bonheur. A plus, comme on dit dans ce monde d'Internet que je viens de conquérir.

- Je vois que tu gardes l'humour. J'apprécie.

- A plus tard. Je te tiendrai au courant, si on me laisse faire, bien entendu...

Un rire en commun et ils coupèrent la communication.

Après avoir parlé d'Internet, Bob eut l'idée de vérifier s'il avait toujours accès aux informations secrètes.

Première porte à franchir, celle de la société. Elle s'ouvrit.

Deuxième porte, celle de MIND, resta fermée. Le mot de passe avait été modifié. Cela ne fonctionnait plus pour accéder aux informations du projet. 

Attendre son informateur infiltré avec des nouvelles encore plus corsées? Pour la suite, Bob n'avait plus qu'à continuer à analyser le sauvetage du site quand il l'aurait au complet.


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13/11/2012

Chapitre 17: L'affaire en toutes lettres

« Escroquerie : une bonne affaire qui a rencontré une mauvaise foi. », Alfred Capus  

0.jpgOn approchait du soir quand Bob considéra qu'il en avait eu assez pour la journée.

Mary était rentrée de bonne heure. Il en avait oublié que c'était son jour où il devait avoir préparé le souper, mais elle ne lui en tint pas rigueur de ne pas l'avoir fait.

Le lendemain, la sonnerie du réveil se déclencha à plein volume. Il dut taper par deux fois sur lui du plat de la main pour le faire taire et ne pas réveiller Mary dont c'était un jour de récupération. Il avait dû rêver un peu trop de tout cela car il se sentait avoir la tête lourde.

Prendre une douche. Se raser. Reprendre ses esprits et aller chercher la gazette au magasin du coin, lui semblaient plus pénible que d'habitude. C'était tout ce qu'il se consacrerait comme objectifs dans l'immédiat. Le grand air lui manquait probablement.

Il avait une sorte d'angoisse qui se mélangeait avec la fatigue qu'il n'avait jamais connu auparavant dans sa vie active sur les grands espaces avec les paysages colorés d'ocres et de rouges qu'il avait l'habitude de fréquenter avant d'arriver dans les grandes villes pour visiter ses clients.

Un quart d'heure plus tard, le journal "San Francisco Chronicle" sous le bras, il fit le chemin inverse et ce fut bien installé à la table de cuisine qu'il se destinait de prendre le petit-déjeuner de la main droite et le journal de la gauche. Dès la première page, il put constater que le deuxième article avait été publié comme prévu dans la colonne de droite du quotidien.

Il avait, à peine, commencé la lecture du journal que son portable sonna.

Bob faillit tomber de sa chaise en se précipitant pour le récupérer dans son survêtement et y répondre.

A l'autre bout, une voix qu'il reconnut immédiatement sans y mettre un nom.

- Beaux débuts. J'ai pu constater que les informations concernant MIND vous servent à merveille. Nous avons tous été prévenus qu'il fallait encore plus de sécurité. Elle a été doublée. Un nouveau signon et mot de passe a été distribué à chacun des ayants-droits. Je faisais encore partie des privilégiés mais je dois redoubler de précaution. Quant à vous, je vous demanderai d'en faire autant pour éviter les coups inexpliqués qui surviendraient dans le cas où l'un d'entre nous serait découvert. Prenez quelque chose pour écrire.

Il laissa quelques secondes à Bob avant de continuer, juste le temps, de retrouver Bob à l'écoute.

- Ok ? Je continue. Le signon est devenu « A%rts771hJJtrt » tandis que le mot de passe est à deux entrées. La première « 66$KMj6e888kHGF » atteint le premier niveau de sécurité. La seconde atteint le niveau ultime. Voilà, ce que je peux vous donner à l'heure actuelle. Je ne vous rappelle plus. Bonne chance. Je suivrai les cogitations de votre journaliste.

La communication s'interrompit. Elle avait duré moins de deux minutes, interruption comprise.

Bob resta rêveur pendant plus d'une longue minute.

Que savait-il de cet interlocuteur-informateur ?

Quel était son intérêt réel pour prendre autant de risques en lui révélant ces informations ? Avait-il aussi une revanche à assouvir ?

Il était probablement un participant au projet avec le titre de pharmacien, de chimiste ou alors, participait-il dans la partie technique du site ? Un homme qui touche à tout, sans vraiment comprendre ce qu'il touche ? Pourquoi avait-il été choisi pour y participer et qu'est-ce qui l'avait fait perdre la foi dans la société qui l'employait et qui, en principe, puisqu'il était bien payé, lui avait donné sa confiance ? 

Des questions sans réponses qui se bousculaient dans l'esprit de Bob.

Il était maintenant obligé de faire confiance à son informateur à l'aveuglette et cela l'inquiétait autant que le stressait.

Bob s'était lancé dans une vengeance commune avec la sienne mais dont il ne connaissait ni les tenants ni les aboutissants. Sa propre vengeance avait été construite au cours de sa convalescence dans le trouble sans comprendre les révélations qu'il détenait depuis lors. Dans sa vie, tout était rentré dans l'ordre. Son épouse lui était revenue plus aimante que jamais. Alors, pour lui, pourquoi s'être lancé dans cette aventure périlleuse ?

Son envie d'aller plus loin s'effritait et avait reçu une nouvelle entaille après avoir entendu les risques et la menace de mort qu'il encourait.

Il ne pouvait plus reculer. Même Mary lui avait donné son blanc-seing avec fougue.

C'était comme une promesse de résultats et une promesse, cela ne se rompt pas facilement sans perdre la face.

Sauver les informations et reprendre contact avec Thomas et lui redonner encore plus d'informations pour qu'il puisse continuer sa saga d'articles.

Il termina son déjeuner dans un silence pesant. Mary était encore couchée. Il ne fallait pas la réveiller et lui faire encore plus peur, un jour de récupération. Il lui consacrerait la matinée en amoureux à préparer le Thanksgiving. Voilà, comme l'idée, elle est bonne. Mais avant cela, retour au site de Pharmastore. 

Bob remarqua qu'il était loin d'avoir tout compris du ce site secret. Un véritable dédale divisé en directoires. Ceux-ci subdivisaient toutes les données concernant le projet.

Tout passer en revue demanderait des heures et il passa tout le reste de la journée à lire et à prendre des notes au vol.

La formule chimique du produit, créée dans le cadre du projet MIND, était présente. Une formule lourde d'atomes divers de chimie organique. Elle ne disait pas grand-chose à Bob si ce n'est que l'ensemble était assez original et devait avoir un impact sur les neurones et avait un lien direct avec les formules chimiques de produits pharmaceutiques normalement utilisés pour ralentir la maladie d'Alzheimer.

En fait, il s'agissait plutôt de deux séries de produits majeurs avec d'autres qui avaient des fonctionnalités particulières de dosages. Tout cela donnait des variantes avec un rendement différent dans le temps.

La première série de produits étant, un peu, comme l'antidote de l'autre dans les buts alors que poursuivis autrement, chacun des produits pouvait agir et servir seul. L'une pour effacer la mémoire. L'autre pour, au contraire, la renforcer.

Les doses à utiliser étaient répertoriées sur des graphiques qui reprenaient le temps de l'effet désiré, en ordonnée. Des graphiques permettaient d'ajuster les doses en fonction du poids des individus à traiter.

L'administration des produits devaient se faire par son ingurgitation mélangée à un liquide qui devait être suffisamment fort pour en oublier le goût. Il se rappelait du café que lui avait servi Marcovitch, le goût du café avait camouflé tout autre ingrédient.

Bob se demandait comment et sur qui, ils avaient pu tester ce genre de références et de subtilités.

Il trouva partiellement la réponse à cette question dans un autre environnement du site.

Tout d'abord, des personnes prises dans le public à l'est des États-Unis avaient été engagés pour ce genre de tests in vivo suites à des annonces dans les journaux.

Mais d'autres avaient été choisis au hasard comme cobayes sans même le savoir.

Les noms des personnes avec leur adresse, leur poids et leur fonction avaient été minutieusement répertoriés.

C'est alors qu'il tomba sur son propre nom dans une des listes. Mais un autre nom lui tapa dans l'oeil, celui de Silmons, le chef comptable, également un ancien dans la société. Un peu tard pour aller le trouver au bureau. Il ne possédait pas son numéro de portable.

Bob avait donc vu juste. Le comptable et lui avaient été des cobayes à leur insu pour tester le produit qui consistait à effacer temporairement la mémoire immédiate. Pour lui, cela avait été programmé pour une durée estimée à un mois après l'annonce de son licenciement qu'il se devait d'oublier. Malheureusement, les médicaments qui lui avaient été administrés pour le guérir, avaient eu des effets qui avaient annulé ou atténué, du moins, leur efficacité. Il s'était rappelé de tout à son réveil. Test raté. Alors qu'ils avaient dû croire le contraire puisqu'il avait joué leur jeu.

Chaque nom de la liste pointait sur un autre directoire qui expliquait en détails les fonctions de chacun des produits pharmaceutiques avec les résultats analysés. Les noms qui n'en étaient pas suivis devaient être les prochaines victimes de ces tests.

Les clients potentiels de cette « miraculeuse » médication de la mémoire, étaient spécifiés dans un autre directoire.

On y trouvait souvent des pays, des organismes d'Etats qui avaient l'habitude de se retrouver dans toutes les expositions de matériels militaires dans le monde.

La NSA figurait en bonne place dans les prospects. D'autres organismes en faisaient partie dont les noms le laissaient rêveur.

Les noms des contacts, eux-mêmes, y étaient aussi mais restaient totalement inconnus de Bob. Il ne pouvait rien en faire mais il nota le lien pour le cas où il devait les retrouver.

Les spécialistes en informatique avaient conçu ces archives avec soin et pour avoir été impliqués, devaient aussi être convaincu d'arriver par leurs soins, à l'inviolabilité du site.

Mais ils n'avaient pas prévu un espion corbeau parmi eux. 

Un bloc pour recherches par mots clés permettait de trouver n'importe quelle information sur le site. Des documents numérisés, des photographies, les méthodes de production avec quelques réactions de chimie organique ainsi que leurs progrès chronologiques, tout y était avec les pourcentages de réussites.

Le projet devait avoir débuté depuis cinq ans au vu des dates de création des documents les plus anciens.

Des progrès de recherches et des estimations de bénéfices par année, étalées sur cinq ans, complétaient. L'exploitation était espérée dès 2013 ou 2014.

Pour conclure, un chapitre était intitulé « Sécurité ». Il mentionnait le haut degré de confidentialité nécessaire, primordial à la bonne réussite du projet. 

Bob avait eu accès à tout et cela le faisait frémir avec un certain dégoût dans la bouche. 

Il abandonna, planifia de téléphoner à Thomas et pensa à rassurer Mary.


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09/11/2012

Chapitre 18: Piégé...

 « C'est une grande bêtise de la part de la souris, une fois prise au piège, de ne pas dévorer le lard qui la leurra. »,  Friedrich Hebbel 

0.jpgL'après-midi et le soir, Bob oublia de téléphoner à Thomas. Oublier n'était pas vraiment le mot. C'était plutôt un oubli volontaire. La journée à passer avec Mary fut trop douce pour la gâcher avec des choses trop sérieuses.

Encore une fois, il passa avec elle, une fin de journée qu'il voulait garder en mémoire comme la meilleure possible. Une soirée en amoureux à passer en se rappelant les bons moments de leur mariage avec l'album de photos de l'époque.

Le lendemain, tous deux prirent un temps infini avant de se lever.

Comme s'il attendait une nouvelle, il alluma la télévision à l'heure des actualités.

Il préparait le petit-déjeuner quand le mot "Pharmastore" lui tinta aux oreilles.

Surpris, il laissa choir le couteau à la main et prit la commande à distance pour augmenter le son.

Là, une journaliste parlait d'un certain Doug Malaxter qui avait été découvert sur une voie latérale de l'autoroute avec une balle dans la tête au volant de sa voiture.

Ce nom "Doug Malaxter" ne disait rien à Bob. D'après la journaliste qui relatait l'évènement, il avait fait partie de la société Pharmastore en tant qu'informaticien.

Les images montraient en arrière-plan les lieux du drame avec des policiers qui avaient placé un cordon de sécurité autour du drame pour tenir les badauds et les journalistes, à l'écart.

La journaliste termina l'information en affirmant qu'il n'y avait pas beaucoup d'indices mais ajouta qu'une enquête avait été lancée immédiatement et que les fédéraux étaient présents. Elle passa ensuite à d'autres informations.

Bob coupa la télé et resta sans voix, pensif avant de reprendre le fil de ses idées de déjeuner.

A qui le crime pouvait profiter d'autre que Pharmastore?

Il devait à coup sûr s'agir de son informateur. Il avait été liquidé pas des tueurs engagés pour l'éliminer. C'était presque évident.

Il n'avait pas uniquement, des soupçons de responsabilité mais des certitudes de culpabilité qui dépassaient toute son analyse. 

Hier, Bob avait probablement entendu son informateur pour la dernière fois au téléphone. Il n'avait pas eu le temps de lui demander s'il se sentait, lui-même, plus menacé que précédemment.

Il avait prévenu Bob des risques car il avait mesuré l'étendue du danger pour lui-même. 

On avait dû le piéger et le repérer après lui avoir communiqué les nouvelles règles de sécurité particulières délivrées à lui seul pour le confondre.

Son portable avait servi pour prévenir Bob des changements de mots de passe. 

Si par malheur, ses assassins avaient trouvé son portable qui avait servi, après lui avoir donné son coup de grâce, il était clair que Bob pouvait devenu un prochain homme à abattre par ricochet.

Bob se rendait compte que le danger existait pour lui, même s'il était resté dans l'ombre.

Début décembre, après le Thanksgiving, il devait reprendre le travail après cette convalescence dont il ne se souvenait presque plus.

Il ne pouvait plus utiliser son portable risquant à son tour d'être localisé.

Il quitta la maison pour aller chercher un autre portable avec carte limitée de payement et sans contrat.

Avec le nouveau portable, il prit contact avec Thomas.

- C'est Bob. Je suppose que tu es au courant de l'assassinat de l'informaticien de Pharmastore.

- Oui, j'ai vu les infos. Je suppose que ce soit une occasion pour associer le projet avec l'assassinat. Il n'est pas difficile de trouver les commanditaires, mais comment le prouver ? Ce sont certainement des professionnels qui ont été engagés et ils n'ont pas dû laisser de traces de leur méfait.

- Tu l'as dit. De plus, le risque existe qu'ils aient trouvé le lien avec le prochain maillon de la chaîne, c'est-à-dire moi et peut-être, toi. J'ai déjà changé de portable sur lequel l'informaticien m'appelait. Maudite geolocation. Il va falloir que je te cède toutes les infos que tu pourrais utiliser dans tes articles suivants. 

- Je crois qu'en effet, ce serait une occasion d'en parler avec les enquêteurs du FBI. Puisque deux faux agents de chez eux, nous avaient intrigués, ce serait une bonne chose d'en référer aux vrais. Donnons-nous rendez-vous pour parler de tes dernières découvertes. Ensuite, j'irai au FBI pour les informer en demandant l'exclusivité du suivi de l'affaire en échange. Quant à toi, tu dois te faire oublier quelques temps dans un endroit inconnu. Si tu connais cet endroit, fiche le camp avec ton épouse en prenant toutes les précautions d'usage. Où se voit-on avant cela ?

- Connais-tu le Black Jack ? Cela ne paye pas de mine, mais c'est un endroit discret. Je viendrai avec Mary.

- D'accord. Bon endroit. Endroit, où il y a quelques années tu pourrais faire tache parmi les clients noirs mais qui est devenu plus cosmopolite. Rendez-vous pour 11:00. Je prendrai aussi des précautions.

- Ok. A tout à l'heure.

Bob pressa la touche « stop » de la communication et rentra chez lui.

Cette fois, Mary était levée et s'habillait pour partir.

Bob l'arrêta.

- Changement de programme. Il y a du nouveau dans lequel nous sommes impliqués et il ne faut pas que l'on nous retrouve ici. Ce n'est pas pour créer la panique, mais il y a eu un meurtre, hier soir. Un des informaticiens de Pharmastore a été descendu. Son nom ne me dit rien, mais, à y réfléchir, cela ne peut être que mon informateur. Il faudrait que l'on disparaisse quelques jours. Le lien avec moi n'est pas immédiat, mais cela se pourrait que l'on remonte jusqu'à moi. Je n'ai pas envie de nous retrouver dans la liste des prochaines victimes.

- Que veux-tu faire ? Où veux-tu aller ?

- Nous avons un rendez-vous avec Thomas, mon ancien condisciple journaliste. Il veut prendre en charge mes dernières conclusions sur l'affaire. Ensuite, il mettra le FBI au courant et continuera de publier la suite de l'affaire. Si le FBI le laisse faire. Bien sûr.

- Chéri, mais tu me donnes la frousse. J'ai toujours aimé les actions que tu prenais, jeune, mais nous ne sommes plus aussi jeunes pour jouer les casse-cous. La police pourrait nous mettre sous sa protection. Si on leur demandait.

- Protection en fonction de quoi ? Je n'ai aucune preuve tangible si ce n'est un site Internet et des soupçons. Mais, on veillera à une protection. Ne t'en fais pas. Elle devrait seulement rester invisible. Rien ne prouve que je suis déjà sur une liste noire ou impliqué à leurs yeux. De toutes manières, il s'agira d'être très prudent désormais.

- On part. Comment ? Avec quelle voiture ?

- Prenons ta voiture. Elle est moins reconnaissable et je m'y cacherai en sortant du garage. Si nous sommes suivis, il faudra les semer avant d'arriver au rendez-vous.

Tout se déroula sans anicroches. Pas de suiveurs dans le rétroviseur. Bob sortit de sa cachette en s'asseyant aux côtés de Mary.

En moins d'une heure, ils atteignirent le Black Jack.

Un couple attablé. Ils s'installèrent en fond de salle.

Ils durent attendre un quart d'heure avant que la porte s'ouvrît pour laisser passer le journaliste.

Celui-ci les vit immédiatement et les rejoignit le sourire aux lèvres.

Après des prémisses qui n'étaient là que pour rafraîchir ou pour compléter les nouvelles de la matinée, sans perdre de temps, Bob présenta Mary et raconta dans le détail ce qu'il avait découvert, depuis leur rencontre, au travers des directoires de son PC. Son carnet de notes contenait les différentes adresses de références qui à l'aide de son PC permettaient de reconstituer l'ensemble. Il y avait de quoi mettre quelques personnes à l'ombre avant de stopper cette machination qui ne tenait aucun compte de l'éthique ni de l'intégrité humaine. Faire sauter des morceaux de vie, c'est comme voler la mémoire ou violer son histoire. Les suspicions si pas les preuves étaient suffisantes pour enquêter du côté des dirigeants de Pharmastore.

Il était temps d'établir un plan de bataille et pour l'heure, de trouver une base de retranchement.

- J'ai pris contact avec un ami du FBI. Un ami en qui j'ai confiance de longue date pour avoir travaillé sur d'autres affaires en tandem avec lui. C'est à lui que je me suis renseigné sur l'arrivé de ces soi-disant agents qui se sont présentés au journal. Il m'a tout de suite dit que cela sentait très « bizarre ». C'est assez rare d'avoir des journalistes et des agents du FBI de mèche, pour être cités. Des faux insignes, il est relativement facile d'en trouver sur le marché. Quant à de faux de noms, c'est encore plus facile. En plus, mon ami du FBI a le bras long, ce qui pourra nous servir plus efficacement. Pas la peine de perdre son temps à copier les noms impliqués. Je les lui remettrai avec la clé. Il saura quoi en faire.

- Que pourra-t-il entreprendre ? Jusqu'ici, il n'y a rien que des suppositions. Un lien non confirmé avec l'assassinat de l'informaticien.

- Le lien sera peut-être plus difficile à établir, mais rien qu'avec l'information que tu m'as fournie, il y a de quoi les mettre à l'ombre pendant quelques temps. Quand les fédéraux s'en mêlent, ce n'est jamais sans biscuits.

- Le seul lien réel que je connaisse est Marcovitch dans le bureau de San Francisco. Le reste est localisé autour de la maison mère. Il risque, aussi, de se faire emporter dans la tourmente.

- Évidemment, d'après ce que j'ai cru comprendre, il t'a obligé à rester au lit pendant des mois après t'avoir donné sa potion magique qui t'a rendu la mémoire en compote. Tu as une revanche à prendre. N'oublie pas, il a aussi profité des bonnes actions de Mary. N'aie crainte, s'ils le veulent, ils lanceront une armada d'agents et tous les noms que tu me donnes, vont être utilisés pour lancer un grand coup de filet et les mettre en garde à vue. Ce n'est pas leur coup d'essai. Ils aiment pêcher les gros poissons en col blanc surtout si leurs feuilles d'impôts ne comportent pas tous les éléments nécessaires pour faire une bonne taxation.

- J'ai confiance en toi.

- Dès que l'on se quitte, je vais rejoindre mon copain Pitsburg du FBI. Il n'y a que quelques mois, depuis ma dernière rencontre avec lui. Je le sais très intelligent et dans l'heure, il aura les mandats d'arrêt nécessaires. Donc, allons-y sans vergogne ni remords. Je vais prendre des notes pour mon prochain article qui ne comportera pas de noms si ce n'est que celui de l'associé principal en tête de liste. Les autres, il ne faut pas les faire fuir.

Après avoir ouvert son PC, Bob commença à faire défiler quelques infos qu'il avait déchargées.

- Je ne connaissais rien d'un ordinateur avant cette affaire. J'ai appris en accéléré. Peut-être n'ai-je pas encore tout découvert. Mais comme il y avait un moteur de recherche sur le site et un index, cela a facilité le travail. Le programme était bien fait. Bravo pour le programmeur. Le temps de présence sur le site était minimal. Je n'ai pas tout déchargé ni utilisé. Je l'avais fait avant. Les documents sont classés en directoires. Du plus inoffensif au plus stratégique et confidentiels avec les noms des associés, des collaborateurs, leurs e-mails et les notes de services sur l'évolution du projet, les photos, les recherches technologiques... Il y en a pour des heures de consultations, si tu le prends en détail.

- Et cela prend combien de place ?

- L'espace disque du site, j'ai pu le constater, dépasse allègrement, le Giga. D'après les dernières informations de mon informateurs probablement éliminé, ils ont pris plus de précautions encore en séparant les infos, les plus sensibles encore dans la deuxième version. Je n'ai pas découvert lesquelles puisque je n'ai pas eu la possibilité de confronter l'ancienne version et la nouvelle.

Le journaliste avait toujours la bonne idée d'apporter une clé d'un Giga pour copier tout ce qui était utilisable en numérique et son portable pouvait prendre des photos tout à fait acceptables de ce qui l'était moins. Il inséra la clé dans l'ordinateur de Bob et sélectionna toutes les directoires et la copie commença.

La rencontre fut terminée au bout d'une heure.

Chacun était avide de continuer la partie d'échecs qui avait commencé même si la partie avait commencé à l'insu de leur volonté.

Dans ce jeu de stratégie, Mary et Bob se retrancheraient après avoir roqué, attentistes, tandis que le journaliste passerait à l'attaque. Il prendrait la tangente et sortirait les Tours, en révélant les noms aux FBI. Le FBI poursuivrait en diagonale avec les Fous en essayant d'éviter les coups fourrés des adversaires.

Est-ce que les associés de cette affaire parviendraient-ils à sauter les obstacles comme des Cavaliers chevaleresques et sans reproches ? Une question sans réponse.

De toute manière une partie d'échecs dont l'issue risquait d'être incertaine qui pourrait se terminer par un Pat car les adversaires devaient avoir étudié beaucoup de coups d'avances en jetant leurs pions dans la bataille.

L'adversaire avait éliminé la pièce maîtresse, leur Reine blanche, l'informateur qui connaissait toutes les prémices.

Cela était déjà trop. Il fallait jouer encore plus serrer à l'avenir pour arriver au Mat.


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05/11/2012

Chapitre 19: Tout se précipite

« La réalité est la cause principale du stress - pour ceux qui la vivent. », Jane Wagner 

0.jpg

Mary et Bob restèrent attablés juste le temps de voir partir Thomas.

Il avait pris le chemin du retour pour se diriger vers le lieu de rendez-vous avec le FBI.

Le journaliste avait pris les devants et les avaient quittés. Il valait mieux ne pas être vu ensemble. Personne n'avait pu constater qu'ils auraient pu être de mèche.

Tout était une question d'aller plus vite que l'adversaire éventuel.  Celui-ci avait démontré tout ce dont il était capable. Prendre une avance, imaginer ce qu'ils pouvaient faire.

Mary ne disait rien, mais Bob avait un pressentiment. Et si Thomas était déjà sur la liste des personnes à abattre ?

N'y tenant plus, il entraina Mary derrière lui. 

Il avait vu juste. En sortant sur le parking, derrière un buisson, un homme était planqué et avait vu sortir Thomas. Cet homme l'avait suivi depuis le bureau de son journal.

Rien n'aurait pu faire croire à un pisteur si ce n'est qu'il n'y avait pas de soleil et qu'il portait des lunettes noires et une gabardine grise. Il y avait bien un réflex qui manifestement prenait beaucoup de place sous la gabardine qui prenait la place d'un long téléobjectif qui pouvait faire croire à un touriste.

Le magnum qu'il tenait à la ceinture, lui, ne prenait pas autant de place.

Il n'avait reçu aucun ordre, plus précis que celui d'exercer une filature et il n'était pas prêt à faire des extras.

Il n'avait pas pu suivre ce qui s'était passé à l'intérieur du Black Jack, ni qui avait rencontré le journaliste. Son job se limitait probablement à de la surveillance de Thomas. Et il était resté dans le parking. 

Comme Thomas, Mary et Bob étaient cachés dans un fond de salle non visible de l'extérieur, il n'aurait pas pu les apercevoir. 

En fait, ses commanditaires ne connaissaient pas l'auteur des articles du journal. Alors, ils avaient lancé plusieurs pisteurs avec une mission de surveillance de tous les journalistes d'investigation du journal. Pisteurs choisis pour informer leurs clients, de tout ce qui pouvait être suspecté. Chacun des pisteurs pouvaient s'attendre à recevoir un changement de programme avec une extension de leur mission.

Thomas avait pris sa voiture.

Il avait bien regardé dans son rétroviseur en quittant le parking, mais il n'avait pu voir la voiture avec l'homme à la gabardine. Les professionnels et les détectives étaient plus habiles qu'il ne pouvait l'imaginer.

Bob, suivi de Mary, regagnèrent, en courant, la voiture de Mary. Juste à temps pour suivre à distance respectable Thomas et son suiveur. Ils entamèrent une filature à leur tour encore plus loin puisqu'ils savaient où allait Thomas.

Arrivé au bureau du FBI, Thomas fut invité de se rendre au 2ème étage chez l'agent McDonnald Pitsburg. En attendant de pouvoir être entendu par lui, le journaliste commença à écrire son article de révélations qui cette fois, comme il se le devait, allait prendre toute la colonne de droite de la page de garde.

Dix minutes après, il raconta de vive voix tout ce qu'il avait appris à l'agent McDonnald qu'il avait connu lors d'autres affaires. Les noms des responsables du projet intéressaient beaucoup celui-ci.

Un mandat d’arrêt lui était nécessaire, mais il se faisait fort d'informer très vite ses homologues de New York pour les envoyer inculper les responsables du projet alors qu'il irait, lui, de concert à Pharmastore pour cueillir Marcovitch.

Deux heures après, le journaliste le quitta. Il avait reçu l'exclusivité et l'autorisation de continuer la parution pour le lendemain. Avant de quitter, il demanda où il pouvait trouver une un ordinateur et une connexion Internet à une secrétaire.

Pondre son article ne prit pas longtemps. Il l'envoya par e-mail au journal avec quelques extraits importants des informations recueillies deux heures plus tôt. Il y ajouta quelques sources que Bob lui avait laissé copier. Thomas avait reçu l'exclusivité de l'information pour faire son travail de journaliste, mais il avait accepté d'écrire son article dans le timing de McDonnald.

Ensuite, devoir accompli, il se remit en chemin pour regagner son domicile.

Normalement, il aurait dû l'atteindre en moins d'une heure... Qui sait...

Le suiveur de Thomas en l'attendant avait averti ses clients de la visite de sa proie au FBI. Ses clients lui avaient assigné une nouvelle mission. Il devrait le suivre et choisir le moment propice pour créer un accident, avec de préférence un précipice et si cela ne se présentait pas, le descendre.

Il avait déjà vissé son silencieux sur son magnum. 

Thomas, peut-être, trop content d'avoir passé la main ne se rendit compte de rien. Il était sorti du FBI et avait pris une allure de sénateur sur la route.

A bonne distance respectable, Mary et Bob avait pris la place dans la file comme troisième suiveur. Comme il avait vu toute la scène, le manège et le coup de fil de l'ombre de Thomas, il se rendait compte qu'il devait se passer quelque chose. 

Sur la route, à un moment, il vit le suiveur descendre la vitre convoyeuse de sa voiture faisant entrer l'air dans l'habitacle ce qui fit envoler un papier par la fenêtre.

Dans l'habitacle de la voiture qui le précédait, par la lucarne arrière, il avait vu la main qui pointait une arme vint à sa vue.

Bob avait tout compris en un instant que le moment était venu. Tout se passa ensuite tellement vite. 

Bob avait accéléré pour prévenir Thomas. 

Trop loin pour réagir à temps, il vit la voiture de son suiveur déboîter dans un virage. Ce fut un tête à queue ou une queue de poisson, Bob ne le vit pas exactement.

Le suiveur n'eut même pas à utilisation son arme et à ajuster son tir. Pas eu besoin de gaspiller une balle que l'on aurait pu retrouver dans la suite.

Probablement surpris, Thomas ne s'était pas attendu à ces événements. L'effet de surprise fut total. Bob se devait de le penser.

Thomas avait freiné pour tenter la collision. Ce furent probablement pour lui, dans l'ordre, le coup de frein, la perte de contrôle, le dérapage non contrôlé, le rebondissement sur un poteau avant de quitter la route dans le ravin et d'exploser cinquante mètres plus bas.  L'accident parfait que des enquêteurs auraient, peut-être, des difficultés à expliquer. Mais qu'importait à ce tueur, la méthodologie de ses enquêteurs.

Aucun témoin devait-il croire. Aucune poursuite puisque la route était relativement peu fréquentée cette après-midi-là. La voiture du suiveur avait accéléré pour disparaitre très vite de l'horizon.

Bob s'arrêta et se précipita pour voir s'il pouvait encore agir et sauver Thomas. Il sentait que ce saut de l'ange devait avoir été fatal. Dans le ravin, des flammes autour de la voiture. Il ne vit personne en sortir. Thomas restait invisible.

Une réédition, réussie cette fois, de son propre accident ? Il avait raté la première phase de sa vengeance. L'émotion était trop forte. Il se mit à pleurer. Il se sentait responsable pour avoir entrainé Thomas dans la mort.

Bob téléphona à la police pour signaler l'accident, pour dire ce qu'il avait vu, sans pouvoir donner son nom. Son portable allait probablement être reconnu, mais il avait le temps. Puis, il partit.

Le lendemain, Bob alla chercher un journal.

Son affaire était devenue l'affaire dont tout le monde allait parler pendant quelques jours.

Le titre s’étalait sur deux colonnes en première page :

« L'affaire Pharmastore.

Nous suivions cette affaire de la société Pharmastore depuis quelques jours. Nous comptions vous en faire part progressivement en fonction de nos investigations. Les événements se sont précipités et en ont décidé autrement. Notre journaliste qui s'en occupait, après nous avoir communiqué son article, a subi un accident. L'accident de voiture a été révélé par un informateur anonyme. Jusqu'ici on doit encore parler d'accident, mais vu l'importance de l'affaire, nous sommes plus enclins à parler d'un meurtre maquillé. L'assassinat d'un informaticien qui travaillait dans la société Phamastore est-il lié à cette affaire ?

Deux heures avant le drame, le FBI avait été informé de ce qui se tramait dans cette société. Dès le soir, celle-ci a reçu leur visite et des dirigeants ont été inculpés à New-York et à San Francisco. Cette société développait et produisait en catimini des médicaments secrets, moins éthiques et moins nobles que l'industrie pharmaceutique est sensée produire. Plus rentables semblait répondre nos correspondants. Un filtre sensé faire perdre la mémoire ou au contraire la réinitialiser avec une histoire complètement différente de celle qu'un individu aurait vécue. Voilà le projet avec lequel cette société espérait renflouer ses caisses vu certains brevets qui arrivaient à échéance. Des difficultés financières avaient probablement été à la base de ce revirement. De nouveaux médicaments restaient en l'état de développement comme le médicament contre le SIDA, ce qui avait incité cette société à trouver d'autres solutions que l'on connait, depuis, sous le nom de "Projet MIND". Le journal vous expliquera les évolutions dans nos prochaines éditions.

Certains dirigeants ont été appréhendés et mis en garde à vue au FBI. Ils devront s'expliquer au sujet de leur implication dans ce projet. Nous espérons pouvoir vous apporter bientôt des confirmations au sujet de cette affaire.  

Notre journaliste d'investigation, Thomas Eddington, travaillait pour le journal depuis six ans. C'était un excellent journaliste qui souvent était resté dans l'ombre d'enquêtes délicates.

Les collègues et le journal présentons nos condoléances à la famille »

Bob relut par deux fois l'article. Ils avaient été un observateur entremetteur des événements et pas un acteur.

S'il n'avait pas suivi Thomas, il n'aurait pas su ce qui avait réellement engendré la mort de son copain d'enfance et cela il ne l'aurait pas digéré.

Il se sentait trop responsable dans ces moments dramatiques.

Il appela ce qui fut son collègue Jim, le chef de projet qui fut tenu à l'écart de ce projet, sur son numéro secret.

- Bonjour Jim. Tu es évidemment au courant des dernières nouvelles. Sans beaucoup me tromper, cela doit être l'information principale qui circule dans la boîte. Je ne sais si avec le recul, je participerais encore à ce genre d'enquête. 

- Salut Bob. En effet, ici, on ne fait que parler de cela. Marcovitch a été interpellé, hier soir, par le FBI. Cette affaire a dépassé tout ce qu'on aurait pu penser. Ne te sens pas fautif ou responsable de la mort cet informaticien, ni de ce journaliste. Ils avaient une éthique qui les empêchaient d'être complices de malversations. Pour le journaliste qui fut ton condisciple, il n'a fait que son travail d'investigation. Il connaissait les risques du métier. 

- Je sais mais cela me fait gros sur la patate.

- Je comprends. Je suppose que tu ne vas pas réintégrer le boulot de sitôt. Il faudra mettre de l'ordre dans tes idées au sujet de tout cela. La société devra se remettre dans le droit chemin et cela risque de dépasser de loin l'affaire récente du Mediator.

- Tu as raison, mais cela reste une culpabilité implicite. J'ai suivi le journaliste. Je sais donc que ce n'est pas un accident. Cela fait deux morts et un scandale qui aura des suites sur tout le personnel. La société, elle, je n'en ai plus beaucoup à y faire.

- J'ai le même sentiment. Il faudra oublier et remettre les compteurs à zéro. Continue ta convalescence. Prend encore du bon temps, tu n'en avais jamais pris beaucoup.

- Merci de ta compréhension et de me rassurer. Je te téléphonerai dès que l'on sera un peut plus loin dans les conclusions de l'affaire.

Bob coupa la conversation.


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01/11/2012

Chapitre 20: Épilogue à rebondissements

« Mon passé très présent rend mon futur imparfait », Laurent Baffy 

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L'après-midi fut morne, très morne. Peu de paroles. Une méditation continue, suite aux événements qui torturait Bob. Un sentiment de ratage magistral avec des moments fugitifs de responsabilité anxieuse. 

Une vision partiale et donc imparfaite des vérités. Une vengeance qui tournait mal. 

S'agissait-il d'une lâcheté puisque Bob était resté dans l'ombre sans s'exposé ?

"Non, une opposition constructive", répondait sa conscience.

Tout cela passait, mélangé, par l'esprit de Bob.

C'est alors, que le portable de Bob sonna.

La surprise fut totale. 

- Bob, c'est Thomas.

La voix de Thomas en parfaite santé, sans aucune faiblesse dans la voix.

Bob, suffoqué, en fut tellement surpris qu'il ne pût sortir le moindre mot de la bouche.

Thomas entreprit de tout lui expliquer sans attendre sa réaction.

Non, Bob, je ne suis pas mort, ni un revenant. J'ai compris très vite que j'étais suivi après notre rendez-vous. J'ai gardé une certaine nonchalance sans tenter de m'éclipser de cette filature. J'en ai fait part au FBI et ils ont pris la décision de me remplacer par un gars qui me ressemblait. Un cascadeur a été désigné pour prendre ma place après avoir échangé nos vêtements. C'est lui que tu as vu sortir des bureaux du FBI. Un hélicoptère a été envoyé pour suivre le cortège des voitures à ma soi-disant "sortie". J'y avais pris place. Oui, j'ai pu voir que tu faisais aussi partie du cortège des trois voitures. 

- Mais, j'ai vu la voiture plonger dans le précipice. Si ce n'étais pas toi, le cascadeur n'a-t-il pas été tué ? Je n'ai trouvé personne quand je suis sorti de voiture pour voir si je pouvais encore aider.

- Non. J'ai tout vu de ton désarroi quand la voiture a disparu dans le ravin. Tout avait été prévu dans l'opération. Prévenu de l'attaque, le cascadeur était sorti de l'habitacle de la voiture, en souplesse, avant de la laisser se diriger vers le précipice. Ils sont habitués à ce genre d'exercices. Si tu n'as pas encore été voir ces carambolages, je te conseille, les risques qu'ils prennent sont hallucinants.

- Si tu savais à quel point, je suis heureux de t'entendre. Et, les condoléances de ton journal ? Du bidon, aussi ?

- Rien que du bidon. Evidemment. Ce ne fut pas une course poursuite en voiture mais dans les airs. 

- Que s'est-il passé ensuite ? Je n'ai plus suivi le tueur. Il était loin quand j'ai repris mes esprits.

- L'hélico du FBI a suivi le tueur, avant de le dépasser pour le cueillir un peu plus loin.  Il a été appréhendé quelques kilomètres plus loin. Une souricière à la sortie d'un tunnel auquel j'ai assisté caché dans l'hélico. Ma fausse mort devait rester secrète. Ne plus m'inquiéter, m'écarter d'autres tueurs potentiels, était le but principal.

- Et ton journal et ton épouse, ils étaient au courant de tout cela ?

- Mon journal et Karin, ma femme, savaient et ont accepté de jouer ce jeu de dupe en suivant le conseil du FBI. Tu te rends compte que Karin, a dû peler beaucoup d'oignons pour paraître en pleurs (rires). Le tueur a été forcé de raconter une autre fin à ses commanditaires. Dire que l'opération de liquidation avait été un succès. Que le journaliste eût été liquidé et j'en passe...

- Là, tu me soulages. J'avais le complexe de t'avoir entraîné dans la mort avec cette histoire. Merci de m'avoir appelé. Un jour, nous allons fêter cela ensemble.

- J'y compte bien. Te voilà rassuré. Je te devais cela, mais n'ébruite pas encore la nouvelle de ma résurrection avant un certain temps. On te préviendra.

- D'accord. Comme d'habitude, comme j'ai perdu la mémoire, n'est-ce pas normal que je reste muet comme une tombe ? 

Ce mot de "tombe" les fit rire ensemble avant de se quitter.

Mary et Bob avaient décidé de quitter la maison. 

Ils voulaient, tous deux, oublier ce passé tumultueux sans prendre de risques. Faire un break avec le passé par des vacances de l'esprit. 

La chambre d'amis dans la maison des parents de Mary leur fut un gîte providentiel, tout à fait acceptable, pendant cette retraite.  

Bob avait pris des risques. Même s'il savait qu'il ne pouvait pas dépasser la ligne jaune, il l'avait franchie et s'était approché dangereusement de la rouge.

Son accident lui revenait en mémoire. Là, Bob avait été pris vraiment en défaut. Trop préoccupé par son licenciement, il n'avait pas été dans son état normal. Il avait eu son crash et l'avait subi sans connaître les raisons.

Cette fois, il savait et il s'était préparé et aguerri. 

Tout lui laissait un goût amer dans la bouche.

On l'avait trompé, lui, qui vendait des médicaments pour guérir.

Cette vie de bâton de chaise qu'il avait aimé, pourtant, lui restait, aujourd'hui, dans la gorge.

Il ne pouvait plus réintégrer Pharmastore et vendre des produits dont il doutait de leur utilité et de leurs, éventuels, vices cachés. La posologie des médicaments ne contiendrait, jamais, ce genre d'informations dans les effets secondaires. 

Recommencer comme chasseur de prime, pour réaliser un quota de fin d'année, comme avant, c'était terminé.

Regagner le bureau comme il le pensait en fin de convalescence pour fêter son départ, râpé.  

La cupidité du monde qui fait que la vie et la mort ne tiennent qu'à un fil. 

Il se sentait exclu et cette exclusion avait empiré progressivement.

Bob ignorait s'il avait raté quelque chose dans la vie qu'il venait d'achever. Il en avait quelques soupçons, mais, à quoi bon, on ne remonte pas le temps. 

Hors d'état de nuire, les associés impliqués de Pharmastore ne pouvaient plus rien contre Mary et lui-même. 

Jusqu'à quel niveau de la hiérarchie dans la société devait descendre les enquêteurs du FBI ? C'était leur problème, pas le sien.

Il avait envoyé sa démission par lettre sans beaucoup donner de raisons. Son équipe trouverait très certainement, un autre chef. Peut-être des candidats se pressaient déjà au portillon.

Sans boulot, brûlé pour la profession, Bob savait qu'il pouvait encore rebondir ailleurs. Dans le processus de résilience, il était à presqu'à mi-parcours entre l'engagement-défit et la relance. 

Changer ? Rebondir ? Pourquoi pas dans le domaine scientifique en tant qu'étudiant ? Un retour en arrière. 

Changer de vie après vingt ans de loyaux services n'était pas aussi facile qu'il pouvait le croire. Il n'était pas le seul à l'avoir fait dans cette grande Amérique où tout était et reste encore possible à condition de ne pas se poser trop de questions.

Un retour aux sources de son éducation. Retourner à ce pourquoi il avait été formé, jadis : les neurosciences.

Il devrait peut-être retourner sur les bancs de l'école pour se mettre à jour. Il s'en sentait la force et l'envie.

Il s'inscrivit à nouveau à l'université de San Francisco.

Quelques jours après, un article parut avec les noms des inculpés, dans une colonne du "San Francisco Chronical". Des inconnus pour Bob, pour la plupart.

C'est alors, qu'il tomba sur celui de Jim, son premier intermédiaire dans l'affaire. Il n'avait plus reçu de nouvelles de lui depuis son dernier coup de fil.

Comme chef des projets de développements, il avait dû être questionné par le FBI. Les agents l'avaient probablement cuisiné pendant des heures. Son inculpation n'était pas en relation avec MIND mais avec un projet précédent dans lequel il devait trouver des arguments pour s'expliquer. Les avocats devaient déjà avoir pris l'affaire en main. A eux de prouver l'innocence de leur client. Combien de temps allait encore durer cette affaire en justice ? 

Et, si Jim avait été impliqué dans une autre affaire laissée sous silence ? Il avait peut-être eu des remords de conscience et avait mis Bob dans le coup à la suite de cela ? Peut-être avait-il aussi changé son fusil d'épaule, dès qu'il avait été mis à l'écart du projet MIND.

Une sorte de représailles inversées, avec des arroseurs arrosés, se disait Bob.

A Noël, il montra le dernier article du journal à Mary. Il parlait de Thomas. Elle savait que Thomas était encore en vie. Avec sa sensibilité féminine, l'émotion était encore forte. Une somme d'émotions contenues trop longtemps, mélangées à un nouveau bonheur. Des larmes lui coulèrent sur le coin des yeux. 

Ils étaient dans la région du vin. Les parents de Mary en avaient des réserves en cave. Ils avaient bu quelques bouteilles et une euphorie s'était emparée d'eux.

Toute la belle-famille fut réunie autour de la grande table. Un arbre de plus de deux mètres de haut, avait été décoré. Quatre générations à table. Le mot d'ordre était de ne plus en parler de cette histoire. Thomas avait été invité aux festivités, mais il avait décliné l'invitation. Tout devait rester secret jusqu'à l'année suivante quand tous les auteurs auraient été interrogés, inculpés et jugés.

Le lendemain, il faisait beau. Un ciel sans nuages et une atmosphère très sèche.

Une situation assez rare pour San Francisco.

Le soleil parvenait à réchauffer l'atmosphère dans un hiver vieillissant.

Bizarre. Cela sentait déjà le printemps à la veille de Noël.

Bob invita Mary dans un bon restaurant qu'il avait connu, il y avait bien longtemps, un peu avant leur mariage.

Quelques jours après, Mary et Bob avaient tenté de connaître l'endroit où était enterré le programmeur qui se trouvait à la base de tout. Ils auraient pris l'avion s'ils avaient connu l'endroit et le bon moment.

A l'écart de la foule, ils seraient parmi les anonymes. Bob avait imaginé aller voir la veuve, un jour pour présenter ses condoléances. Il avait appris qu'il laissait une famille avec deux enfants derrière lui. Plus tard, peut-être... 

Bob n'avait été qu'un des maillons faibles dans le transfert des informations et pas à son origine.

Un cobaye, aussi. Mais, heureusement, encore vivant. Celui qui s'était avancé trop près de l'affaire, comme dans un vol d'Icare, s'était brûlé les ailes.

Bob ne voulait plus parler de cette affaire avant l'année suivante.   

L'affaire Pharmastore n'était pas résolue et jugée.

Après une telle publicité négative dont le journal de Thomas poursuivait la publication, la société Pharmastore ne s'en remettrait pas aussi rapidement. Des faillites, on en connaissait pour moins que cela dans d'autres domaines.

Ce fut presque le cas. L'année 2013, la société après avoir dégraissé le personnel administratif, après une chute de l'action en Bourse et elle avait été rachetée. Une fusion d'intérêts comme on pouvait le lire un peu plus tard dans la presse.  

La pharmacie avait certainement, encore de beaux jours devant elle, mais, cela devait se faire avec un contrôle de production plus efficace pour éviter les dérives.

Cette fois, les projets de Bob se fixeraient dans un futur postérieur.

Mais, pour l'heure, il avait à fêter sa vengeance au futur antérieur avec son épouse.

Un autre anniversaire arriverait dans deux mois, celui de leur vingtième anniversaire de mariage qu'ils avaient presque oublié avec ces péripéties. Une occasion, de plus, d'oublier ces derniers évènements dramatiques.

Dans le fond, Bob était content de lui. Il sentait qu'il avait eu de la chance. Son accident ne lui avait pas laissé de séquelles corporelles graves. Les cicatrices n'étaient pas visibles. Son accident avait permis de reconquérir son épouse. Il avait envoyé un grand coup de pied dans la fourmilière du "système" comme des points positifs qui surnage au-dessus d'un nid de coucous.

Être plus taxé qu'un pauvre, vu sa position de management, il en avait pris son parti, cela ne le dérangeait pas.

"Pour l'argent, on s'arrangera", répétait-il à Mary.

Dans l'esprit de Bob, qu'il aurait été viré, cela n'aurait été qu'un mauvais moment à passer. Mais, mettre en péril le secteur de la pharmacie dans son ensemble, il n'avait pu l'accepter. C'était se foutre du "système américain".

Pour Bob, la pharmacie faisait partie des progrès de l'humanité dans son combat contre la maladie, pas pour devenir une arme contre les hommes eux-mêmes. 

Les neurosciences étaient un autre paradigme de l'impérialisme américain. Cette science devait tendre à expliquer la morale, la religion, la politique à partir de l'étude du cerveau. Tout un programme dans lequel intervenait la vieille querelle entre le cœur et la raison. Il resurgirait ainsi sous la forme des émotions irrationnelles en compétition avec ce diable de raison.

Ne pas chercher à comprendre, renoncer à poursuivre le progrès par le bon bout de la lorgnette, serait de toute manière se condamner à ne jamais sortir du "système" et en périr en définitive.

Il pensa retrouver les ténors des neurosciences. Prendre contact avec eux. Arthur Shapiro, Olivier Sachs, Antonio Damassio, Eric Kandel et d'autres dont il se souvenait avoir été condisciples à l'université. 

Il était arrivé au stade où la vengeance se perd entre ce qui est antérieur et postérieur. Quelle importance d'ailleurs ?

Mary et lui allaient vivre leur futur ensemble tout en le conjuguant au présent. Cela seul comptait.

Ils savaient maintenant qu'à bien y réfléchir, le présent était bien suffisant pour vivre.

Tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes dans ce pays d'extrêmes.

"J'ai longtemps cru que la mémoire servait à se souvenir. Je sais maintenant qu'elle sert surtout à oublier" disait Pierre Chaunu.

Bob pensait de même. Il mit un vieux disque sur la platine. La voix de Louis Armstrong sorti des baffles "What a wonderful world". 

Il invita Mary dans une danse langoureuse.

"God bless America" once more.

 

FIN

15:50 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (2)